Autant les six premiers mois de 2023 ne devraient pas être compliqués pour les gros opérateurs du secteur manufacturier, autant les six derniers risquent de poser problème. La lecture n’est pas aussi simple pour faire des prévisions sur l’impact qu’aura la récession sur eux pendant cette seconde partie de 2023.
Le secteur manufacturier pourra-t-il échapper aux répercussions de la récession ? Pour l’instant, soutient François de Grivel, il n’y a pas d’impact sur les marchés d’exportation de son groupe. L’industriel estime qu’il n’y a pas de risques pour le premier semestre. « Nous ne pouvons pas anticiper trop vite et il faut cependant être vigilant. Le problème réside dans le deuxième trimestre de 2023 », souligne le chef d’entreprise.
La récession devrait entraîner une baisse de la demande. Et cela pourrait avoir un impact, selon Eric Dorchies, Chief Executive Officer (CEO) de CIEL Textile. Il fait comprendre qu’il y a un ralentissement au niveau de la demande sur certains marchés depuis octobre 2022. « La crainte d’une récession est effectivement là. Nous sommes dans une situation de ‘wait and see’. Toutefois, nous notons que les marchés sensibles au prix sont les plus affectés. Celui des États-Unis reste plus dynamique que celui d’Europe », argue-t-il.
Les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement l’année dernière auraient poussé les clients à passer leurs commandes en avance. Eric Dorchies affirme qu’il y a également un changement total de scénario avec un phénomène de déstockage pour ramener la demande au niveau. La situation en Chine a causé une migration des commandes vers d’autres pays. Ce qui, selon le CEO de CIEL Textile, rend les prévisions difficiles pour 2023.
« Il y a beaucoup de signes contradictoires avec le niveau de chômage qui est en baisse aux États-Unis et en Europe, mais aussi les gens qui consomment. La lecture n’est pas simple », poursuit-il.
Questions à Clensy Appavoo, CEO & Senior Partner de HLB Mauritius : «L’effet de la récession sera plus prononcé au deuxième trimestre»
La récession sera une réalité en 2023, selon plusieurs économistes. Quelles en seraient les répercussions sur les entreprises ?
Il ne faut pas se leurrer. Nous sommes déjà en période de récession et nous en ressentons déjà les effets. Le secteur manufacturier, entre autres, subira l’impact de cette récession, notamment au niveau des coûts des intrants et des matières premières qui grimperont.
Le coût de production sera donc plus élevé avec l’effet de l’inflation. On ne sait pas si cela influencera le prix de vente. Au cas contraire, les entreprises enregistreront des pertes. Je pense que l’effet de la récession sera plus prononcé au deuxième trimestre de cette année.
Faut-il s’attendre à ce que l’effet d’une récession sur le pouvoir d’achat sur les consommateurs influe sur les entreprises ?
Les autorités ont choisi de ne pas baisser le prix des carburants. C’est abominable pour les automobilistes. Le porte-monnaie des touristes sera également affecté, car il y a une crise énergétique qui se répand. Les arrivées touristiques n’ont pas été affectées pour l’heure, mais les prix des billets d’avion augmenteront avec cette crise énergétique. Les entreprises engagées dans le secteur du tourisme ressentiront les répercussions.
Avec de nouvelles hausses anticipées des taux d’intérêt cette année, les entreprises parviendront-elles rembourser leurs dettes ?
Le coût du service financier des entreprises ne sera pas épargné par la hausse des taux d’intérêts. Elles ne pourront pas financer leur expansion. Il faut faire ressortir que le calcul du taux directeur est néfaste pour les entreprises. L’acte de la Banque de Maurice n’est pas sans conséquence. L’engrenage est lancé.
La Banque centrale utilise le taux de repo (« key rate » désormais ; NdlR) comme levier pour gérer la politique monétaire et baisser le taux d’inflation. Le jeu se poursuivra et ce n’est guère de bon augure pour les entreprises cette année. Cependant, l’inflation à Maurice est grandement importée.
Hausse des taux d’intérêt : l’endettement des entreprises mis à rude épreuve
Avec la compensation salariale et la hausse des coûts d’opération, les entreprises doivent conjuguer, depuis l’année dernière, avec l’augmentation des taux d’intérêt. Ce phénomène, qui n’est pas sans conséquence sur les dépenses des entreprises, devrait se poursuivre cette année.
Le remboursement des prêts bancaires a pris une nouvelle tournure depuis l’année dernière. La Banque de Maurice a révisé le taux directeur à la hausse, le fixant à 4,5 %. Un tel niveau n’est pas inouï. John Chung, Managing Partner de KPMG, rappelle que 15, voire 20 ans auparavant, le taux était plus élevé et cela avait été très pénible pour les entreprises.
Depuis, dit-il, les entreprises et les consommateurs ont pris l’habitude de rembourser leurs dettes avec des taux d’intérêt inférieur à 2 %. Il tient toutefois à souligner que le coût n’était pas aussi important que maintenant. « Tout porte à croire que le taux directeur passera de 4,5 % à 5,5 % lors de la prochaine réunion du Comité de politique monétaire. »
Ce qui, selon John Chung, affectera davantage le remboursement de la dette. « Ce sera un coût additionnel et les entreprises devront trouver les ressources, elles qui ont contracté des prêts d’après leur capacité de remboursement », argumente-t-il.
L’augmentation des taux d’intérêt n’est pas exclusive à Maurice ; le phénomène est international. Plusieurs banques centrales marchent sur les pas de la Réserve fédérale américaine pour se pencher sur la problématique de l’inflation.
Or, Fareed Jaunbocus, CEO de Strategos Ltd, soutient qu’en cas de toute révision de prix, que ce soit de l’électricité, des carburants ou des matières premières, certaines entreprises parviennent à faire face, contrairement aux plus vulnérables comme les petites et moyennes entreprises. Au sortir de deux années profondément marquées par la COVID-19, l’année 2023 devrait être celle de la relance.
La récession vient cependant déjouer les prévisions. Fareed Jaunbocus est d’avis que les entreprises auront besoin d’un temps d’adaptation. Pour lui, il est encore trop tôt pour se prononcer sur leur évolution en 2023 en ce qui concerne d’éventuelles fermetures ou pas en raison de la hausse anticipée des taux d’intérêt.
Rs 234,3 milliards
C’est le montant total que les opérateurs économiques doivent aux banques. En y ajoutant les ménages, le niveau d’endettement s’élève à Rs 378,66 milliards.
Source : Banque de Maurice
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