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Presse indienne : la visite de Narendra Modi réveille le souvenir de l’opération Lal Dora 

Indira Gandhi et sir Anerood Jugnauth lors d’une rencontre en Inde le 7 février 1983.

Alors que le Premier ministre indien, Narendra Modi, effectue une visite officielle à Maurice à l’occasion des célébrations de l’indépendance, la presse indienne ravive le souvenir d’un épisode relativement méconnu de l’histoire diplomatique et militaire entre les deux pays : l’opération « Lal Dora », en français « Opération Ligne rouge ». Planifiée en 1983 par l’Inde pour empêcher un potentiel coup d’état à Maurice, elle n’a jamais été mise en œuvre, mais elle illustre l’importance stratégique de l’île pour New Delhi. 

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Une intervention militaire avortée

Comme le relate le site d’informations Firstpost dans une publication mardi, Maurice traversait une crise politique majeure en 1983. Un an plus tôt, l’alliance entre le Mouvement militant mauricien (MMM) et le Parti socialiste mauricien (PSM) avait mis fin à la domination du Parti travailliste de Seewoosagur Ramgoolam. 

Rapidement, des tensions internes éclatèrent, provoquant une scission : le MMM d’un côté qui entre dans l’opposition et le MSM nouvellement créé qui reste au pouvoir. Le Premier ministre d’alors Sir Anerood Jugnauth, craignant Paul Bérenger, leader du MMM, se rapprocha de l’Inde pour garantir son maintien au pouvoir. 

New Delhi craignait un basculement de Maurice dans l’orbite soviétique sous l’influence de Paul Bérenger, perçu par certains, à tort, comme un marxiste révolutionnaire, selon The Diplomat. L’Inde redoutait également l’influence de la Libye de Mouammar Kadhafi. 

Face à ces inquiétudes, Indira Gandhi, alors Premier ministre de l’Inde, autorisa la préparation d’une intervention militaire sous le nom de code « Lal Dora ». Ceci après que sir Anerood Jugnauth commença à évoquer une possible prise de pouvoir par le MMM et Paul Bérenger. D’ailleurs, en février 1983, sir Anerood Jugnauth se rendit à New Delhi pour rallier le soutien de la Première ministre indienne de l’époque, Indira Gandhi.

Le plan prévoyait le déploiement de la 54e division de l’armée indienne et de six navires de guerre dotés d’hélicoptères, chargés de neutraliser toute tentative de putsch à Port-Louis. Toutefois, des dissensions entre l’armée et la marine indienne quant à la direction des opérations ont conduit à l’abandon du projet. 

L’Inde opta finalement pour une approche discrète, mobilisant son service de renseignement extérieur, le Research and Analysis Wing (RAW), pour soutenir sir Anerood Jugnauth par des moyens politiques. Le patron du RAW, Nowsher F. Suntook, fut envoyé à Port-Louis, pour épauler Prem Singh, le haut-commissaire de l’Inde à Maurice d’alors, pour aider à concocter une alliance politique contre le MMM pour les élections générales de 1983. 

Une influence indienne persistante

Si l’opération Lal Dora n’a jamais été officiellement confirmée par l’Inde, plusieurs chercheurs universitaires, dont David Brewster et Ranjit Rai, en ont documenté les contours. Dans l’article publié par First Post, David Brewster souligne que « Maurice a toujours occupé une place particulière dans la stratégie indienne de l’océan Indien ». De son côté, Ranjit Rai, cité par The Diplomat, affirme que « l’Inde était prête à intervenir militairement si son influence sur Maurice venait à être menacée ». 

D’après ces études, l’Inde considérait déjà Maurice comme un point d’ancrage essentiel dans l’océan Indien, au même titre que les Maldives ou les Seychelles. Cette perception se retrouve encore aujourd’hui, alors que Maurice accueille des projets indiens d’infrastructure et de coopération militaire. 

La visite de Narendra Modi s’inscrit dans cette continuité. Depuis son accession au pouvoir en 2014, le chef du gouvernement indien a renforcé les relations entre New Delhi et Port-Louis, notamment par le financement de projets d’infrastructure, la construction d’un radar côtier et une présence accrue dans les instances stratégiques de l’océan Indien. « Maurice est un partenaire précieux, un prolongement naturel de notre famille », a-t-il déclaré lors de sa dernière visite en 2015. 

Un passé qui résonne encore

Le contexte politique actuel à Maurice, où Navin Ramgoolam occupe le poste de Premier ministre et Paul Bérenger celui de Premier ministre adjoint, ne manque pas d’ajouter une dimension symbolique à cette visite. Loin des tensions de 1983, le tandem dirige aujourd’hui une coalition gouvernementale qui s’inscrit dans un contexte politique et diplomatique bien différent. 

Cependant, la réapparition du dossier Lal Dora dans la presse locale montre que la mémoire de cet épisode demeure vivace, rappelant les équilibres précaires qui ont marqué l’histoire de Maurice et de ses relations avec l’Inde. Si l’ombre d’une intervention militaire indienne est aujourd’hui reléguée à l’histoire, la relation entre Maurice et l’Inde, bien qu’amicale et bienveillante, n’en reste pas moins stratégique, tant sur le plan économique que géopolitique. 

 

 

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