Présidence de l’Assemblée nationale : Adrien Duval en plein coeur d’un chaudron

Adrien Duval, nommé Speaker de l’Assemblée nationale jeudi, se retrouve dans une position particulièrement délicate. Les tractations entre le MSM et le PMSD compliquent sa tâche et soulèvent des questions sur son rôle et son impartialité. 

«Je souhaite bon courage et bonne continuation à Adrien Duval. » Propos de l’ancien Speaker Sooroojdev Phokeer à l’intention de son successeur. En tant que président de l’Assemblée nationale, Adrien Duval devra naviguer prudemment entre les exigences des deux camps. Cependant, des questions se posent non seulement sur sa légitimité, mais aussi et surtout sur son impartialité. D’autant que les tractations entre le Mouvement socialiste militant (MSM) et le Parti mauricien social démocrate (PMSD) compliquent sa tâche. C’est dire si son comportement au Parlement sera scruté lors des prochaines séances restantes.

Sa nomination intervient huit jours après la sortie en règle de Xavier-Luc Duval contre Sooroojdev Phokeer. En effet, le 10 juillet dernier, sur sa page Facebook, le leader du PMSD écrivait dans un post : « Démocratie parlementaire. Le Speaker s’emporte et s’excite à la moindre provocation. Les députés de l’opposition se sentent opprimés et trouvent que l’espace démocratique au Parlement rétrécit de séance en séance. La situation devient insupportable. Il faut absolument trouver une solution. »

La « solution » est arrivée avec la démission « surprise » de Sooroojdev Phokeer et l’élection, deux jours plus tard, d’Adrien Duval. D’aucuns estiment que si Adrien Duval adopte une attitude « stricte » envers l’opposition, il risque d’être perçu comme partial au gouvernement. À l’inverse, s’il se montre trop indulgent avec l’opposition, il pourrait perdre la confiance de la majorité gouvernementale. Sa capacité à rappeler à l’ordre les membres du gouvernement sera également scrutée de près. 

Cependant, pour Sooroojdev Phokeer, « l’alliance n’a rien à voir avec le poste de Speaker. Li ena so paramet se tou ». Il concède cependant qu’Adrien Duval « devra démontrer une grande habileté politique pour maintenir l’équilibre et préserver la crédibilité de son rôle de Speaker dans ce climat tendu ». Et de lui lancer des mots d’encouragements : « Pa bizin dekouraze. Pos Speaker-la koumsa mem dan lemond antie. There is more to come. Li pou gagn bann konsey ki pou al dan direksion ki bizin. »

Toujours est-il que la nomination d’Adrien Duval au poste de Speaker de l’Assemblée nationale aurait dû être exempte de toute controverse, estime l’observateur politique Milan Meetarbhan. Selon le constitutionnaliste, « un Speaker doit être au-dessus des querelles politiques, et tout aurait dû être mis en œuvre pour éviter une telle polémique ». Tout indique dit-il, qu’il n’y avait pas la volonté du gouvernement pour garantir que cette élection se déroule dans les meilleures conditions. Or, souligne Milan Meetarbhan, c’était absolument nécessaire. 

« Mais cela ne veut pas dire qu’Adrien Duval n’agira pas de manière impartiale. Il ne faut pas lui faire de procès d’intention. Cependant, les conditions entourant sa nomination compliquent les choses, car c’est tout à fait le contraire qui aurait dû être fait », poursuit Milan Meetarbhan. Pour l’observateur politique, un dialogue entre le gouvernement et l’opposition aurait permis de trouver un consensus et d’éviter ces tensions. « En l’absence de consensus, un autre candidat proposé par l’opposition aurait pu être soumis à une élection équitable », souligne-t-il.

« Le Parlement risque de devenir comme un meeting », avertit, lui, Jocelyn Chan Low. « Il est clair qu’il sera très difficile de gérer l’Assemblée nationale dans ces conditions. Mais il ne reste que trois séances, et le Speaker devra rester calme, ne pas céder aux provocations et attendre que l’opposition termine ses interventions. Il doit adopter un ton impartial et agir équitablement, tant à l’égard de l’opposition que du gouvernement », affirme-t-il. 

Toutefois, selon Jocelyn Chan Low, la protestation de l’opposition à la suite de l’élection d’Adrien Duval comme Speaker de l’Assemblée nationale a « davantage visé l’opposition que le gouvernement ». « Le nouveau Speaker doit essayer d’être impartial, laisser l’adversaire s’exciter, et ne surtout pas perdre son calme. Il aura tout à gagner en adoptant cette attitude. »

Rôle de premier plan

Plutôt discret ces dernières années, Adrien Duval était sorti de sa réserve habituelle lors de la crise politique qui a secoué l’alliance PTr/MMM/PMSD en avril dernier, avant que celle-ci ne résulte en la scission avec les Bleus. En effet, il avait été le premier membre du PMSD à exprimer publiquement son mécontentement concernant les huit tickets attribués à son parti. D’ailleurs, au plus fort des tensions entre les trois partis, c’est lui qui avait rencontré Navin Ramgoolam, et non Xavier-Luc Duval.  

Le 14e Speaker que Maurice a connu

Jusqu’ici, Maurice a connu 13 Speakers de l’Assemblée nationale, à commencer par sir Robert Stanley, nommé le 26 février 1957.