Live News

Premchand Jeetun, l’huissier devenu avocat à 62 ans

Premchand Jeetun est passionné par le droit.

Après 38 ans de service dans la fonction publique, Premchand Jeetun a changé de vocation pour devenir avocat. Cet ancien huissier de justice aborde sa transition et la perception du public de son travail.

Publicité

Sur une feuille blanche, Premchand Jeetun écrit à l’encre indélébile un nouveau chapitre de sa vie. À 62 ans, il vit pleinement sa passion pour le droit, après 38 ans de service dans la fonction publique. Il a prêté serment comme avocat le 26 janvier 2024. C’est à son bureau à Port-Louis que nous l’avons rencontré.

Cette passion pour le droit, Premchand Jeetun, né le 30 décembre 1961, la ressent depuis ses premiers pas dans le monde du travail. Fils de Lall, un laboureur, et de Nameenee, une femme au foyer, il grandit entouré de ses sept frères et trois sœurs à Laventure. Après des études primaires au Ramsaroop Ramgutty Aryan Vedic Aided School, il rejoint l’Eastern College à Flacq où il décroche son School Certificate (SC).

« À l’époque, les études secondaires étaient payantes et il n’y avait pas de classes menant au Higher School Certificate (HSC) à l’Eastern College », explique-t-il. Heureusement, l’éducation devient gratuite et il complète son HSC au collège Bhujoharry à Port-Louis. Malgré cela, pendant quatre ans il restera au chômage. « J’ai aidé mes parents à labourer les champs et à cultiver leurs terres jusqu’au jour où j’ai postulé comme Attendant au bureau de l’Attorney General », souligne Me Premchand Jeetun. « C’est au bureau de l’Attorney General qu’est née ma passion pour le droit. Je lisais les jugements dès que je pouvais me le permettre », ajoute-t-il.

C’est au bureau de l’Attorney General qu’est née ma passion pour le droit. Je lisais les jugements dès que je pouvais me le permettre»

Après trois ans passés au bureau de l’Attorney General, il postule dans plusieurs endroits. En 1989, il décroche le poste de Purchasing and Supply Officer au ministère des finances. Pendant ce temps, il suit une formation auprès de la London Chamber of Commerce and Industry, et obtient un certificat en comptabilité de niveau trois, puis un certificat en Bookkeeping.

Il travaille pendant 11 ans en tant que Purchasing Officer. Durant cette période, il est affecté au ministère de l’Agriculture (devenu plus tard ministère de l’Agro-Industrie), puis à ceux du Travail, de l’Éducation, de la Santé et au ministère de Rodrigues.

Entre-temps, un de ses amis lui présente Karouna. Ils se marient le 7 octobre 1990. De cette union sont nés deux fils, Antish Kumar et Ashuv. S’il est épanoui sur le plan familial, sur le plan professionnel Premchand Jeetun souhaite renouer avec sa passion pour le droit. Un jour, il tombe sur une annonce pour le poste d’huissier de justice (Court Usher). « Étant intéressé par le droit, je me suis lancé et j’ai postulé en 2000. J’ai été embauché en 2001. »

En 2018, il est promu au poste de Senior Court Officer. Il exerce auprès de divers tribunaux de district, de la Bail and Remand Court, de la cour intermédiaire et aussi de l’ancienne Cour suprême. Malgré une carrière de 23 ans comme huissier de justice, Premchand Jeetun a toujours réfléchi à ce qu’il ferait une fois à la retraite. « Pour moi, cela ne pouvait être qu’avocat ou avoué. C’est ainsi qu’en 2013, j’ai décidé d’entamer des études de droit », explique-t-il. 

Entreprendre des ▲études de droit était une décision difficile car j’étais déjà père de deux enfants qui étaient à l’école, et je devais composer avec le travail»

Le défi, financier notamment, est de taille. Mais Premchand Jeetun persévère. « C’était une décision difficile car j’étais déjà père de deux enfants qui étaient à l’école, et je devais composer avec le travail », dit-il. Il opte pour une formation à distance de l’université de Northumbria à Newcastle, en Grande-Bretagne. En 2017, il termine ses études et obtient sa licence en droit au bout de quatre ans.

Son parcours est remarquable. Il reçoit également le Prix de la Northumbria Law School pour la meilleure performance en droit pour l’année 2014. De plus, il est nominé pour le tableau d’honneur de l’école de droit pour les années académiques 2013-2014 et 2015-2016. Il reçoit également le Prix de la North of England Medico-Legal Society pour la meilleure performance en droit médical et a obtenu le Prix du Newcastle Law School Global Scholars le 
6 juillet 2017.

« J’ai financé moi-même mes études tout au long », soutient Premchand Jeetun. En 2018, il entreprend son Bar Vocational Course et décide de concourir pour une bourse d’études pour le « Bar Training Professional Course » toujours à l’université de Northumbria. Cependant, cette formation exige un déplacement en Angleterre pour une durée de dix mois.

« J’ai dû quitter ma famille et aller étudier. Je devais tout faire par moi-même en Angleterre, y compris me faire à manger, ce à quoi je n’étais pas habitué. En plus, il fallait s’acclimater au froid. Ce n’était pas facile, il y avait très peu de Mauriciens dans cette région », confie l’avocat. Il en parle néanmoins comme d’une bonne expérience car il a notamment apprécié le fait de pouvoir interagir également avec des étrangers.

En 2019, il rentre au pays et reprend ses fonctions de Senior Court Officer. Il travaille au bureau de l’Attorney General, puis au bureau du Directeur des poursuites publiques. Cinq ans après, soit en janvier 2024, Premchand Jeetun prend sa retraite après 38 ans dans la fonction publique. « Je n’avais rien à perdre. De plus, j’allais rester dans le domaine de la justice, que je connaissais très bien. Donc la transition a été plutôt calme. J’ai retrouvé mes amis et renoué avec le personnel judiciaire. »

Je ne pense pas que le secteur soit saturé. Il y a peut-être 1 000 avocats sur le marché, mais j’estime qu’il n’y en a que 300 qui plaident en cour»

Était-il triste de quitter son poste d’huissier de justice ? « Ce n’est pas un métier facile. Les gens vous regardent d’un mauvais œil des fois. Vous savez, lorsque vous vous rendez au domicile de quelqu’un pour lui servir un avis d’éviction, vous devez toujours vous méfier de sa réaction. Je me souviens qu’une fois, j’ai été malmené à Crève-Cœur, alors que je devais signifier à un habitant la saisie de sa motocyclette. Il m’a projeté au sol et mes documents se sont retrouvés éparpillés par terre. C’est un métier assez mal vu par le public. Aujourd’hui, on me regarde autrement », soutient Premchand Jeetun.  

Et comment se voit-il en tant qu’avocat en 2024 avec plus d’un millier de confrères du barreau ? « Je ne pense pas que le secteur soit saturé. Il y a peut-être 1 000 avocats sur le marché, mais j’estime qu’il n’y en a que 300 qui plaident en cour, les autres ayant opté pour travailler comme conseils légaux auprès de diverses entreprises », souligne Premchand Jeetun.

« En 2001, lorsque j’ai commencé comme huissier de justice, il y avait 25 cas de divorce par semaine. Deux salles d’audience étaient consacrées à cette procédure uniquement les vendredis. Aujourd’hui, nous avons une cour spécialisée dans les affaires de famille, qui siège tous les jours. Il suffit de consulter le calendrier de la cour pour se rendre compte du nombre d’affaires de divorces et autres qui se déroulent quotidiennement », fait-il ressortir. Premchand Jeetun en est persuadé : le métier d’avocat a un avenir prometteur, et il est impatient de mettre ses compétences et son expérience au service de ses clients pour les années à venir.

Diplômé en réparation d’ordinateurs

S’il est véritablement passionné par le droit, Premchand Jeetun l’est également par l’informatique. C’est juste après 1990 qu’il a commencé à s’intéresser aux ordinateurs. « Il faut dire qu’à l’époque, nous utilisions encore des machines à écrire. Les distributeurs automatiques de billets (ATM) n’étaient pas encore en usage. »

Peu de temps après avoir fait l’acquisition de son premier ordinateur, il se heurte à un problème. « L’ordinateur refusait de démarrer et émettait un bip sonore. Je suis allé voir un technicien pour le réparer. Il a pris l’ordinateur et, après 10 minutes, il est revenu en me disant que c’était fait. Il m’a facturé Rs 500 pour la réparation. À l’époque, c’était une somme considérable », raconte-t-il.

Des années plus tard, en 2004, il suit une formation à distance en informatique aux États-Unis via Thompson Education Direct. « Au cours des premiers mois, j’ai appris que ce bip sonore était dû à la poussière qui s’était accumulée dans la barrette mémoire. Il suffisait de la nettoyer ou simplement de souffler dessus. Je me suis immédiatement souvenu de l’épisode avec le technicien », poursuit Premchand Jeetun.

Il confie que cela lui a servi de leçon. « Aujourd’hui, si vous n’avez pas de connaissances en informatique, vous risquez de vous faire exploiter. » Depuis, il a suivi plusieurs formations en réparation d’ordinateurs et affirme même qu’il est désormais capable de « réparer un ordinateur qui a été immergé dans l’eau de mer ». Toutefois, dit-il avec humour, « la question est de savoir quel budget le client dispose ».

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !