Législatives 2019

Pravind Jugnauth : «Je ne peux pas travailler avec Paul Bérenger» 

Pravind Jugnauth était l’invité de Nawaz Noorbux dans l’émission « Au cœur de la campagne » le mardi 5 novembre 2019. Pendant 95 minutes, le directeur de l’information de Radio Plus a interpellé le Premier ministre sortant sur plusieurs dossiers, dont les affaires qui ont entaché la campagne électorale. 

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Campagne électorale 

Regrettez-vous d’avoir convoqué des élections aussi rapidement et avez-vous eu le temps de sillonner les circonscriptions ?
Non. Le mandat du gouvernement arrivait à terme. Je dois dire qu’à presque un mois de la fin du mandat, ce n’est pas inattendu. Le peuple se doutait que nous allions vers les élections. 

MMM peut-il être le « kingmaker » ?
Je ne vois pas cela. Autrefois le MMM était fort et commandait un bon pourcentage de l’électorat. Ce n’est plus le cas maintenant. Certes, en choisissant d’aller seul, le MMM mobilise davantage de militants.

Qui sont vos sources ? Est-ce le NSS (National Security Service ; NdlR) ?
En tant que Premier ministre, j’ai des sources indépendantes.

Selon ces sources, combien de sièges le MSM/ML pourra-t-il obtenir ?
Je ne sais pas, mais nous allons vers une grande victoire. Nous allons faire plus d’efforts. Avec nos efforts, nous allons corser l’avance. 

Navin Ramgoolam dit que sir Anerood Jugnauth est en contact avec Paul Bérenger pour des discussions au sujet d’une alliance post-électorale. Est-ce vrai ? 
Lorsque j’entends des rumeurs, je contacte la personne concernée. Ni moi, ni personne n’est en contact avec qui que ce soit. Je vous rappelle qu’en 2014, nous étions dans le Remake et sans raison valable Paul Bérenger avait cassé l’alliance. Il était parti à cause de la proposition de Navin Ramgoolam qui voulait lui donner le poste  de Premier ministre pour cinq ans. Paul Bérenger n’est pas sur mon radar. Nous n’avons pas oublié ce qu’il a fait. Je ne peux pas travailler avec une personne pareille. 

C’est donc personnel ?
Non, ce n’est pas cela. Paul Bérenger n’a pas de sincérité, pas de parole… Il peut vous poignarder dans le dos. 

Et si vous êtes obligé de travailler avec lui ?
Obligé ? Non. Rien ne m’oblige à travailler avec qui que ce soit. 

Affaires ayant éclaté durant la campagne 

Il y a des agitations autour des vidéos de Top TV, les « scandales » sur des membres de votre famille et vos proches… 
Je suis dégoûté par la façon d’agir d’un groupe médiatique comme Top FM qui a choisi de venir avec des faussetés durant cette campagne électorale. Ils nous traînent dans la boue, ma famille et moi. Nous comptons initier des actions légales après les élections. 

En août 2015, votre beau-frère envoie un mail concernant le « Film Rebate Scheme » et votre épouse est en copie. En 2016, dans le Budget, vous augmentez le seuil de remboursement sous ce « scheme ». Quelle a été leur implication ? 
On essaie de faire croire que j’ai essayé de faire bénéficier (de ce scheme ; NdlR) à ma famille. Mon épouse et mon beau-frère n’ont rien à voir avec le Film Rebate Scheme. L’Economic Development Board (EDB) a voulu travailler sur un plan pour attirer des producteurs de films. L’EDB a fait son travail. Il a fait des recommandations et nous avons décidé de donner des facilités pour attirer des réalisateurs. C’est l’EDB qui gère. Je n’ai rien à voir avec cette mesure. Mon beau-frère est engagé dans l’hôtellerie. Il participe à des événements internationaux. Ce dernier disait toujours aux producteurs que Maurice pouvait accueillir des tournages. Il faut être fier qu’un grand film comme Serenity ait été tourné à Maurice. 

Dans le mail, votre beau-frère dit être au courant que le Cabinet viendra bientôt avec cette mesure. Comment est-ce possible alors que les affaires du Cabinet sont secrètes ? 
C’est un businessman. Il est en contact avec l’EDB et il a des informations. 

Qui a bénéficié des Rs 214 millions ? 
Pour les Rs 549 millions dépensées autour de ce film, plusieurs entreprises en ont bénéficié, dont New Mauritius Hotels, Be Cosy appartenant à Ezra Jubhoo, etc. J’ai d’ailleurs en ma possession la liste des entreprises qui en ont bénéficié. Ce sont elles qui en ont bénéficié. Ni ma famille, ni moi n’en avons bénéficié. 

Votre beau-frère n’a donc rien obtenu ? 
Il a des contacts. Il a aidé. En ce qui concerne la taxe, c’est l’État qui en a bénéficié, pas moi, ni ma famille. Ce sont des calomnies. On me jette de la boue au visage. D’ailleurs, je vois des posts sur les réseaux sociaux qui viennent affirmer que nous avons des comptes à l’étranger. J’irai à la police pour dénoncer cela. 

En mars 2015, la firme BDO parle d’un déficit de Rs 716 millions au sein de l’hôtel Maradiva. L’année suivante, le gouvernement fait amender des règlements, autorisant ainsi les hôtels à vendre leurs chambres. Mauriplage, entreprise propriétaire de l’hôtel Maradiva, a vendu 34 villas à la firme Mauriplage Investment appartenant à votre épouse.
Je ne vois rien de troublant là-dedans. Il y avait l’Investment Hotel Scheme. Nous l’avons ouvert à tout le secteur de l’hôtellerie. Nous avons dit que ce plan devait s’appliquer à tous les hôtels. Les critères sont décrits dans la loi. Parce que c’est mon beau-frère et qu’il est dans l’hôtellerie il ne peut pas faire de demande ? Il y a d’autres hôtels qui en ont bénéficié. Si cela avait été pour un seul hôtel, cela aurait été condamnable.

Dans l’affaire de la disparition de cuivre, Mauritius Telecom parle de 7 000 tonnes, contre les 300 000 tonnes évoquées par Top FM et Top TV.t Qu’en est-il vraiment ?
Encore une fois, ce sont des faussetés. Je vais m’en tenir au communiqué de Mauritius Telecom. 

Sherry Singh est-il toujours le directeur de Mauritius Telecom ? Est-il à Maurice ? 
Il est toujours le directeur. Oui, il est à Maurice. Je l’ai d’ailleurs rencontré aujourd’hui. 

Vos adversaires, surtout Navin Ramgoolam, parlent de « clan familial » avec le MSM au pouvoir. 
Il fait sa politique. Il parle de clan mais regardez mon bilan pour toutes les couches de la population : les travailleurs, les personnes âgées, les étudiants et les jeunes. 

Affaire BAI

Dawood Rawat parle de préméditation. Sir Anerood Jugnauth a retiré son argent avant la fermeture de la Bramer Bank… 
Ah non ! Il y a des preuves, dont le rapport de la firme singapourienne nTan, qui jouit d’une grande réputation. Son rapport est clair. Le premier politicien à en avoir parlé est le leader de l’opposition d’alors Paul Bérenger. Le rapport de l’auditeur, soit KPMG, fait état de trous et de déficits. De plus, je vous rappelle que Dawood Rawat a perdu une affaire en cour. 

Dawood Rawat parle de vengeance, car la BAI n’a pas financé le MSM. De plus, Sattar Hajee Abdoula a parlé de rencontre et de chantage. Et il y a une bande sonore… 
Je n’ai mandaté personne. Je n’ai pas mandaté Sattar Hajee Abdoula. Il a agi et ce n’était pas de ma part ni de celle du gouvernement. 

Ne vous a-t-il pas appelé depuis l’appartement de Dawood Rawat ? 
Il m’a déjà parlé de cela, mais je ne sais d’où. Mais sur la question du chantage, je ne suis pas quelqu’un qui fait des chantages. Si le trou avait continué à grandir, nous nous serions retrouvés en pleine crise. 

Le gouvernement remboursera finalement les clients du Super Cash Back Gold. Est-ce un aveu qu’il y a eu des injustices ? 
Le travail n’est pas encore terminé. On ne m’a pas bien compris. Il y a des actifs à vendre et nous allons rembourser les victimes. 

L’affaire BAI semble avoir été ramené sur le terrain communal. Vos adversaires utilisent plusieurs arguments contre vous : dont la perception selon laquelle lorsque le MSM est au pouvoir, la communauté musulmane n’est pas à l’aise, la proximité avec Modi ou encore l’interdiction de célébrer l’Eid ul-Adha devant sa porte… 
Il y a une campagne malsaine de la part de certains au sein du PTr. Le MMM, il faut l’avouer, est différent sur ce point. Je ne vais pas interdire quoi que ce soit. C’est faux. Pour la première fois, je suis l’unique Premier ministre qui siège sur les Task Forces pour les célébrations. Pour le Shab e Barat et le Ramadan, j’ai eu des réunions avec des responsables de mosquée pour faciliter les célébrations. Je fais en sorte que toutes les communautés vivent en harmonie. Ce sont des gens à court de critiques et qui n’ont pas d’arguments. C’est pour cela qu’ils tombent dans la bassesse.  

Attaques contre Navin Ramgoolam

Est-ce que c’est le MSM qui est derrière les vidéos « Navingate » ? 
Non. Nous ne sommes pas derrière ça. 

C’est une atteinte à la vie privée, n’est-ce pas ?
Je suis contre le fait qu’on expose la vie des gens sur la Toile. 

Des documents sur des transferts sur le compte bancaire de Navin Ramgoolam ont été rendus publics. 
Ce type de documents ne peut pas être étalé sur la place publique. Il y a une enquête. Les documents peuvent provenir d’ailleurs, pas forcément des institutions chargées des enquêtes sur Ramgoolam. 

Demain n’importe quel document confidentiel pourrait être divulgué… Cela ne nuit-il pas à la réputation du secteur bancaire de Maurice ?
Si Navin Ramgoolam a pris l’argent de son parti, il devra en répondre. Mais des documents secrets ne peuvent définitivement pas atterrir sur la place publique. 

BILAN 

L’Alliance Lepep avait promis le miracle économique. Où en sommes-nous ?
Il y a eu beaucoup de progrès : le métro, le complexe sportif de niveau international… Je suis en discussions avec un groupe pour l’organisation d’un grand événement à Maurice dans ce complexe. 

Quel progrès a été accompli en ce qui concerne la promesse de fournir de l’eau 24/7 ? 
Nous avons changé beaucoup de tuyaux. Aujourd’hui, seulement 20 % de la population ne bénéficie pas de l’eau 24/7. Il faut poursuivre le travail. Nous poursuivrons les travaux lors du prochain mandat. 

Le Metro Express est aujourd’hui la vitrine du développement. Sir Anerood Jugnauth avait déclaré, peu avant les élections de 2014, que le projet métro serait « out »… 
J’avais moi-même écrit au gouvernement indien pour dire que l’estimation des coûts avancée par le Parti travailliste était très élevée. J’en ai rediscuté avec l’Inde. Nous avons obtenu qu’elle finance la moitié des travaux gratuitement et qu’elle nous accorde une ligne de crédit à un taux préférentiel ainsi qu’un long moratoire. Il n’y a pas eu de marchandage. 

Bilan Personnel

Il faut reconnaître les avancements comme le salaire minimum et la Negative Income Tax. Comment cela a-t-il aidé les gens à sortir de la pauvreté ? 
Cela les a grandement aidés. Par exemple, un travailleur qui autrefois percevait Rs 1 500 par mois touche désormais Rs 9 000 par mois. La Negative Income Tax concerne plus de 70 000 travailleurs. Cette mesure aide les familles ayant de faibles revenus. 

Combien d’emplois le gouvernement (sortant ; NdlR) a-t-il créé ?
Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, le taux de chômage était de 7,9 %. Il est désormais de 6,9 %. Je ne suis toutefois pas totalement satisfait.

Parmi les jeunes, le taux de chômage tourne autour de 20 % à 25 % ?
Nous ferons en sorte que les jeunes en dessous de 25 ans ne soient pas au chômage. Nous les placerons dans des entreprises ou nous leur donnerons une formation pour les rendre employables.  

Lutte anti Drogue 

Remportez-vous la guerre contre les mafias de la drogue ?
Nous remportons la bataille. Les gens voient comment je travaille pour combattre les barons de la drogue. Je félicite les officiers de l’Adsu et de la douane pour leurs efforts. 

Pourtant, le rapport Lam Shang Leen recommande le démantèlement de l’Adsu…
Démanteler ? Et ensuite ? Ce sont des officiers qui vont sur le terrain pour combattre la drogue. Si je démantèle l’Adsu, comment combattrons-nous la drogue ? Il y a bien sûr certains officiers qui sont impliqués. Il faut un nettoyage.

Roubina Jadoo-Jaunbocus, Raouf Gulbul et Geanchand Dewdanee sont cités dans ce rapport.
Roubina Jadoo-Jaunbocus a été citée. Mais elle a démissionné par la suite. D’ailleurs, je la salue pour cela. Raouf Gulbul a lui aussi démissionné de la GRA. Tous deux contestent ce rapport en cour. Bien que Geanchand Dewdanee soit quelqu’un qui soutienne le MSM, il a été arrêté. Si j’avais des connexions, croyez-vous qu’il aurait passé autant de temps en cellule ? Il est en liberté conditionnelle et jusqu’à présent, il n’a pas été trouvé coupable. 

Jeux de hasard et bailleurs de fonds 

Parlons maintenant de la « nation zougader », du tirage du Loto qui se fait deux fois par semaine et des succursales de jeux. N’était-il pas question de mettre un frein aux activités des opérateurs ? 
Nous n’avons pas accordé davantage de licences. La Loterie nationale a effectivement obtenu le droit de faire un second tirage. Elle opérait déjà avant notre arrivée au pouvoir. Nous avions décidé de ne pas l’autoriser à faire d’autres activités. Pourtant, son contrat lui permettait d’autres champs d’action. 

Vu que légalement la Loterie nationale était dans son droit et que nous risquions de payer des millions de roupies de dommages, j’ai demandé à discuter avec la direction. C’est ainsi que nous avons trouvé un accord pour qu’il y ait un second tirage. Comme la Loterie verte était dans le rouge, nous avons dit à la Loterie nationale de reprendre le business. 

Navin Ramgoolam a mentionné le nom de Jean Michel Lee Shim. Est-il le principal bailleur de fonds du MSM ? 
Je n’ai rien avec Jean Michel Lee Shim. Lorsque j’étais en alliance avec le PTr en 2010, un membre rouge faisait des démarches pour lui. Il a toujours été proche du PTr. Je n’ai aucune relation avec lui. Mais je parle pour moi, pas pour les autres. S’il faisait des donations au MSM, j’aurais été au courant, car il aurait dû me le donner.  

Rakesh Gooljaury avait été cité dans plusieurs affaires, dont Dufry. Maintenant on le voit proche de vous. Il était à vos côtés dans les tribunes lors des Jeux des îles. Quelle est la nature de votre relation avec lui ? 
Lorsque j’ai parlé de Dufry, je voulais dire Nandanee Soornack, pas lui. Je le connais parce qu’il a été au-devant de l’actualité. Mais je ne lui ai jamais donné de billets pour les Jeux des îles. 

Aide-t-il le MSM ? 
Je ne sais pas. Je ne suis pas au courant. 

Candidatures 2019 

Pourquoi plusieurs ministres n’ont pas obtenu de ticket si votre gouvernement a bien travaillé ?
D’abord, un bon nombre de députés a demandé à ne pas obtenir de ticket. Pour des raisons personnelles et de santé. Puis certains n’ont pas eu de ticket car ils ont eu un comportement inapproprié. D’autres ont été cités dans des affaires controversées. 

Promesses électorales 

Nous avons assisté à une surenchère. 
Nous avons présenté notre programme. Le PTr a cherché à nous imiter. À l’époque, il avait dit que ce n’était pas possible d’augmenter la pension. Nous nous l’avons fait. 

Vous disiez que vous ne pouviez pas aller au-delà d’une hausse de Rs 500 de la pension. 
Oui, mais j’avais aussi dit que dans le prochain mandat, nous allions augmenter la pension. Nous avons travaillé dessus et nous avons trouvé l’argent. 

Où ?
Je vous assure qu’il ne faudra pas augmenter les taxes. L’argent est là. 

Où trouverez-vous le financement ?
Nous avons déjà travaillé sur le financement.

Vos détracteurs disent que vous êtes passé par « l’imposte » pour devenir Premier ministre (PM). 
L’esprit de Navin Ramgoolam est lui-même comme une imposte. Il ne respecte pas la Constitution. Boris Johnson et Theresa May sont eux aussi arrivés au pouvoir après la démission de leurs prédécesseurs. 

Votre cas est différent puisque c’est votre père qui vous a passé le relais…
Non. SAJ a démissionné. Vu que je commandais une majorité, je suis devenu PM. Parce que c’est mon père je dois le renier ? 

La démission de SAJ était-elle préméditée ?
Non. Il a décidé qu’il ne pouvait plus continuer. 

Navin Ramgoolam dit que vous avez besoin de l’aide de votre père, car le terrain est glissant…
Non. Il est présent pour aider, car il est un monument dans ce pays.

Pourquoi voter pour vous et pas pour Navin Ramgoolam ou Paul Bérenger ?
Les gens doivent pouvoir nous juger sur ce que nous sommes, sur le respect que nous avons accordé à la population, aux travailleurs et aux femmes et sur la manière dont nous avons géré l’argent des contribuables. Je suis entré en politique, mais je suis resté dans le droit chemin. Je suis resté constant dans mes décisions.

 

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