Interview

Pramode Jaddoo, économiste: «La marge de manoeuvre pour le Budget est restreinte»

Pramode Jaddoo
Beaucoup de ménages sont surendettés. C’est à partir de ce constat que l’économiste Pramode Jaddoo soutient que le Budget 2016-2017 doit d’abord s’attacher à contrôler la cherté de la vie. Quelles devraient être les priorités du prochain Budget ? Les priorités doivent être la création d’emplois productifs pour les jeunes, qui attendent la relance des secteurs traditionnels comme l’agriculture, la pêche, les coopératives, les PME et l’économie bleue. Il y a eu beaucoup d’effets d’annonce à propos du développement des nouveaux secteurs car ils n’ont toujours pas décollé. Je pense au seafood hub, à l’offshore qui subit un petit revers aujourd’hui, au knowledge hub, au partenariat avec l’Afrique, qui sont tous des secteurs avec une forte valeur ajoutée économique, et qui piétinent. Ce budget devra jeter les bases pour l’avènement du deuxième miracle économique en relançant ces secteurs qui deviendront les piliers de l’économie. Comment analysez-vous l’état actuel de l’économie ? On voit qu’il y a un boost psychologique qui s’est construit depuis 2014 pour rattraper un retard qui s’est creusé. Atteindre une croissance de 3,8 à 4,2 %, c’est raisonnable pour un petit pays comme Maurice, avec des ressources limitées. Il y a de nouveaux théoriciens de l’économie qui ne se bornent pas à regarder la croissance. Ils disent qu’un ralentissement de la croissance permettrait à la machinerie de mieux se positionner pour une meilleure relance. C’est ce qu’on appelle « a step back for a giant leap ». Il faut une stratégie de surveillance pour voir si on est sur la bonne voie, s’il y a des corrections à faire. Regardez le rattrapage qu’on a fait avec le métro léger. Maintenant on a décidé que, oui, la situation est propice pour mettre en œuvre ce projet. Donc on change de stratégie. Il n’y a rien de mal dedans. Une autre priorité du Budget doit être le contrôle de l’inflation. La vie est devenue chère et il y a beaucoup de ménages qui sont surendettés. Est-ce que la marge de manœuvre du ministre des Finances est restreinte pour le prochain Budget, avec les injections de capitaux dans la MauBank et le paiement du PRB ? Dans un sens, oui, la marge est restreinte. Les détenteurs des plans Super Cash Back Gold doivent être remboursés. Il faut que l’argent injecté dans la MauBank apporte des résultats. Mais, dans le même temps, les revenus de l’État sont en train d’augmenter avec la TVA, les frais d’enregistrement et d’autres taxes, de même qu’avec les profits que font les entreprises publiques comme la CNT. Il faudra se serrer la ceinture par rapport aux dépenses additionnelles des ministères qui absorbent beaucoup, comme la santé publique, la sécurité sociale, et même le transport gratuit. Une révision de la politique de sécurité sociale est nécessaire. Il faut faire plus pour la classe moyenne parce que c’est elle qui contribue véritablement à l’activité économique. Ce n’est pas la quantité, mais la qualité des dépenses budgétaires qui compte. Is it value for money ? Il faudra faire attention à ne pas déraper sur le déficit budgétaire, ni sur la dette publique, car cela pénalisera les générations à venir. Ce n’est pas une marge de manœuvre facile. Je n’aimerais pas être dans la peau du ministre des Finances actuellement.
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