Sur 200 détenus, 8 % récidivent malgré la politique de réinsertion lancée par les autorités. Selon l’association Kinouete, le taux de récidive parmi ceux qui n’ont reçu aucune formation est de 68 %. Prakash Unmole, un ex-détenu, raconte le calvaire qu’il vit pour trouver un emploi.
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Prakash Unmole, âgé de 37 ans, admet qu’il n’a pas toujours été un enfant de chœur. « Mais j’ai décidé de changer de vie et de devenir un honnête citoyen, en laissant de côté mon passé peu reluisant. J’estime avoir payé ma dette envers la société pour le mal que j’ai fait et je souhaite à présent mener une vie normale », confie-t-il. Plus facile à dire qu’à faire, car dans la pratique, souligne Prakash, il est impossible pour un ex-détenu d’avoir une réelle nouvelle chance pour refaire sa vie et se réinsérer dans le tissu social.
Il nous relate son parcours. « Je suis issu d’une famille de sept enfants. Notre existence n’a pas vraiment était privilégiée pour mes frères, mes sœurs et moi. Nous avons été abandonnés à notre triste sort par nos parents, dès notre plus jeune âge. Je n’ai reçu qu’une faible éducation académique. J’avoue que j’ai emprunté les mauvais parcours de la vie, en raison de mes mauvaises fréquentations. »
Il poursuit qu’à l’âge de 22 ans, soit en 2002, il se retrouve impliqué dans une affaire d’agression. Un « ami » avait volé l’argent que sa sœur avait économisé pour pouvoir se marier. « J’ai alors agressé cet individu et j’ai récupéré l’argent de ma sœur. J’ai été arrêté pour agression puis j’ai été libéré sous caution. En 2004, j’ai été condamné à trois ans de prison. J’ai été libéré en 2007 après avoir purgé ma peine. À ma sortie de prison, j’ai pris de l’emploi comme manœuvre maçon et je gagnais ma vie tranquillement. »
Hélas, son passé de mauvais garçon le rattrapera. En 2010, il écope de deux autres années de prison pour une affaire de possession de cannabis, datant de 2003. Prakash retourne derrière les barreaux pour purger sa sentence à la prison de Richelieu. Il retrouvera la liberté en 2012.
À la prison ouverte de Richelieu, Prakash explique avoir reçu une formation de planteur pour assurer sa réinsertion sociale après sa sortie. Une formation dispensée par l’organisation non gouvernementale Kinouete. Hélas, malgré ces nouveaux outils pour reprendre sa vie en main à sa libéralisation, son existence est loin d’être facile au-dehors.
« Mo pa gagn okenn alokasion sosial. Regar lasosiete lor mwa pa bon kan zot kone ki mo enn residivis. Mo pa gagn travay stab san enn sertifika karakter. Ki mo res pou fer pou viv ? » s’interroge l’ex-détenu.
Compte bancaire gelé
Il soutient qu’à chaque fois qu’il cherche à obtenir un emploi, on lui demande de produire un certificat de caractère et un relevé de son compte bancaire. « Deux choses quasi impossibles à obtenir auprès des autorités concernées dans mon cas. Mon compte bancaire est gelé, car aux yeux de la loi, je suis toujours considéré comme un Habitual Criminal. Un trait qui sera mentionné sur mon certificat de moralité. Ce qui diminue d’autant plus mes chances de décrocher un emploi et de refaire ma vie comme tout citoyen ordinaire. Pourtant, j’ai déjà payé ma dette envers la société. Hélas, avec le système mis en place par les autorités (le certificat de caractère ; NdlR), impossible de faire oublier nos erreurs passées. »
En réalité, dit-il, les ex-détenus sont condamnés à vie et exclus de la société. « Mo pena enn lopin later. Est-ce que les autorités seraient disposées à me donner un bout de terrain pour aménager une plantation de légumes ? C’est le seul métier que j’ai eu l’occasion d’apprendre derrière les murs de la prison », dit-il.
Prakash insiste qu’il ne veut pas retourner en prison. « Je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi d’y entrer. En prison, il y a tout ce que vous voulez. Celui qui n’était pas drogué le devient et il peut attraper toutes sortes de maladies : tuberculose, hépatite C, sida…, etc. », confie-t-il. L’ex-détenu souhaite que le gouvernement se penche davantage sur des mesures pour assurer une meilleure réinsertion des ex-détenus dans la société car, dit-il, « beaucoup d’ex-détenus récidivent pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille ».
200 prisonniers suivis par Kinouete
« C’est un véritable drame humain qui se joue pour les ex-détenus », lance d’emblée Michel Vieillesse, responsable de l’ONG Kinoute. « Il est vrai qu’ils sont condamnés à vie par le système en vigueur. Certes, ils ont payé leur dette envers la société, mais leur réinsertion sociale est difficile, car ils n’ont pas le soutien et les facilités nécessaires : certificat de caractère et compte bancaire (gelé) par exemple », précise Michel.
Il ajoute que l’ONG travaille avec près de 200 détenus à la prison pour leur réintégration sociale. Mais faute de personnel et de moyens, elle ne parvient à toucher qu’un dixième de la population carcérale. « Nous suivons les ex-détenus après leur sortie. 8 % d’entre eux récidivent soit par manque de facilités ou de motivation personnelle. Nous avions fait plusieurs suggestions aux autorités pour qu’elles changent le système, afin d’encourager les ex-détenus à ne pas rechuter. Mais nos recommandations sont restées sans suite », déplore Michel Vieillesse.
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