Si certaines ONG déjà professionnalisées se débrouillent sans problèmes face aux nouvelles exigences de la National CSR Foundation, d’autres ont bien du mal. 32 au total ont dû rembourser la somme de Rs 2,5 millions. La fondation a relevé des pratiques douteuses et espère pouvoir mieux armer les ONG pour répondre aux critères de transparence à l’avenir.
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Il y a 32 ONG qui ont dû rembourser Rs 2,5 millions de l’argent obtenu à travers la National CSR (NCSR) Foundation. C’est ce que révèle au Défi Plus, Menon Munien, président de la fondation. Si dans une bonne partie des cas, les organisations concernées n’avaient tout simplement pas les moyens de mener à bien leur mission, pour d’autres, il y a des manquements flagrants aux principes de bonne gouvernance. D’où l’importance de la supervision effectuée par la NCSR Foundation et les besoins de professionnalisation.
Des achats pour lesquels il n’y a pas de reçu, des réponses évasives aux demandes de clarifications, des absences répétées aux invitations à revoir les projets… Des exemples que donne Menon Munien pour illustrer les manquements affichés par certaines ONG. « On sent qu’on nous roule dans la farine parfois, admet-il, certaines décident d’arrêter les projets d’elles-mêmes et nous retournent l’argent décaissé. »
L’impression qui prévaut au niveau de la NCSR Foundation, c’est que ces ONG sont prises de court par les exigences de transparence. Il suffit de quelques demandes de compte, de réclamations de reçus, de visites des officiers sur le terrain pour les dissuader de poursuivre l’aventure. « Certaines justifient alors une partie des dépenses à travers des reçus et préfèrent nous rembourser le reste », ajoute Menon Munien.
Outre les ONG qui ont remboursé les Rs 2,5 millions, la NCSR Foundation a également du mal avec une poignée d’autres. « Il y a six autres ONG qui ont remboursé d’elles-mêmes parce qu’elles ne répondaient pas à nos critères ou n’avaient pas les capacités à continuer, explique le président de la fondation, nous sommes en guerre contre six autres et nous avons même envoyé une lettre enregistrée à l’une d’entre elles avec un délai de deux semaines pour répondre. »
La NCSR Foundation refuse la politique de name and shame et Menon Munien insistera pour garder secrète l’identité de ces ONG. Mais il ressort que trois cas sont jugés plus graves que les autres. « Certaines ONG sont en difficulté pour des raisons compréhensibles, comme la perte d’un nombre important d’employés par exemple, explique une source proche du dossier, mais dans d’autres cas, il y a clairement une mauvaise utilisation de fonds. » Dans ces cas précis, les ONG refusent même de collaborer quand la fondation demande des clarifications.
Interrogé sur ces trois cas, Menon Munien livre quelques détails sur les agissements de l’une d’entre elles : « Nous ne pouvons pas financer une ONG qui n’a pas de structures de bonne gouvernance. L’une d’elles vendait des choses à elle-même, la femme du président et ses enfants siégeaient sur les comités et il signait lui-même les reçus. Du coup, le projet de cette ONG a été annulé et sa prochaine demande de financement sera prise avec circonspection. »
« Pour les cas les plus graves, il y a des chances que certains organisations soient rayées de la liste d’ONG éligibles au financement », ajoute notre autre source. « Notre responsabilité, c’est le monitoring et le mentoring, nuance toutefois Menon Munien. Des ONG commencent tout doucement, grandissent et se retrouvent dépassées parce qu’elles n’ont plus les capacités de poursuivre leur mission. »
Sollicité pour une réaction sur cette situation, Suraj Ray, président du Macoss, estime toutefois que c’est le mécanisme d’allocation de fonds de la NCSR Foundation qui pose problème.
« Il faut revoir le système, la façon d’opérer est obscure, explique le président du Macoss, il manque de transparence. » Il annonce une session de brainstorming pour la semaine prochaine pour savoir combien d’ONG ont rencontré des problèmes.
Selon lui, les formulaires à remplir pour les demandes de financement sont eux-mêmes trop complexes.
Face à ces accusations, Menon Munien rétorque : « Monsieur Ray est sur notre conseil d’administration depuis janvier. Il a assisté à deux réunions depuis et on est en train de lui expliquer comment on fonctionne. »
Le Registrar : un barrage d’opacité
Que peut-on savoir des ONG ? Pas grand chose en fait. Le Registrar of associations garde un registre détaillé de toutes les associations enregistrées dans le pays, comprenant les ONG et les syndicats. Toutefois, contrairement au Registrar of Companies, où toutes les informations, y compris les comptes soumis, peuvent être consultés par les membres du public, les comptes des associations demeurent inaccessibles.
Un préposé au Registrar explique au Défi Plus : « Ces informations sont privées. Vous pouvez faire une demande en expliquant vos motivations pour avoir accès aux détails sur le nom, le siège et les objectifs d’une association. Mais les comptes sont confidentiels. »
Comment la NCSR Foundation supervise les ONG
La supervision des ONG par la fondation repose sur trois axes :
- Des inspections sur le terrain,
- Des collectes de données et
- Des requêtes pour des rapports financiers périodiques et la documentation relative.
La documentation comprend une liste détaillée des dépenses, y compris les reçus et les fiches de paie des employés. Les bénéficiaires du projet doivent être identifiés également et le nombre doit correspondre à ce qui avait été agréé au départ. Tout changement dans le budget doit être expliqué et justifié également.
L’UoM entre en scène
La National CSR Foundation aura recours à l’expertise de l’Université de Maurice (UoM) pour mieux soutenir les ONG et surtout les former à une meilleure gestion. Un Memorandum of Understanding (MoU) sera signé lundi pour une évaluation de l’impact des premiers projets financés par la fondation l’année dernière et une évaluation des forces et des besoins en formation des ONG.
Un autre aspect de ce MoU signale la nouvelle ambition de la NCSR Foundation : l’UoM va mener une étude sur les besoins dans le secteur de l’éducation à la petite enfance. Il s’agit d’un des six secteurs prioritaires de la fondation. L’UoM aidera à monter un projet avec plusieurs ONG qui se concentre sur cet axe.
S’il est un succès, la fondation devrait adopter la même approche pour les cinq autres thèmes. Ce qui pourrait changer totalement la manière dont les ONG sont financées.
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