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Post covid 19 et developpement - Analyse reflexion : Valorisons le travail créateur de richesses

L’impact économique de la pandémie Covid 19 est mondial. Les pays sont touchés de manière plus ou moins intense et certains ont mis en place des plans de sauvetage. Cette crise est inédite. Elle affecte l’offre et la demande en même temps. Le Fonds monétaire internationale (FMI) parle de contraction de l’économie mondiale de 4,9 % et la Banque mondiale (BM) de pire récession depuis la deuxième guerre mondiale.

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L’économie mauricienne axée sur l’ouverture tant pour les exportations que pour les importations est sévèrement touchée. Elle subira une baisse de 11% du PIB et il y aura potentiellement 100 000 chômeurs en décembre 2020. Après avoir paré au plus pressé pour tenter de sauver les entreprises en l’absence d’un plan de relance promis mais jamais présenté, c’est le budget 2020-2021 présenté le 4 juin qui propose des mesures. L’objectif annoncé du budget est de préserver les emplois pour limiter la casse sociale.

Où en est-on au moment d’entamer la seconde partie de 2020 ? Dans la stratégie de sauver l’économie et des entreprises, nous assistons après la Covid Act à une attaque contre le monde du travail avec une majorité des patrons de grandes boîtes paniquée et dépassée. Et dire que c’était le moment d’une politique innovante de valoriser nos richesses humaines.

Pour la « relance » de l’économie, le gouvernement a mis en place la Mauritius Investment Corporation (MIC) sous la supervision de la Bank of Mauritius (BoM) avec une enveloppe de Rs 80 milliards pour le soutien des entreprises. A ce jour, il y a une trentaine de demandes de soutien pour un montant de Rs 20 milliards venant entre autres de conglomérats hôteliers – NMH et Sun Resorts -, d’entreprises du Top 10 du secteur manufacturier - dont la CMT -, de même que des entreprises dans le secteur de la construction, du commerce et des services. Le conseil d’administration de la MIC aura la tâche d’examiner les demandes selon les critères arrêtés et les conditions à être attachées, dont la préservation des emplois.

Ce plan de soutien arrive sur fond d’un fort endettement des piliers de l’économie. Par ailleurs, tous les indicateurs macro-économiques seront dans le rouge pour 2020 : balance de paiement, compte courant, balance commerciale. Il est prévu une réduction de Rs 39 milliards en devises étrangères, une dette publique en hausse et un revenu par habitant sous la barre de 9 142 dollars US contre un pointe de 11 124 en 2018. N’oublions pas l’endettement des ménages et une baisse dans l’enveloppe pour la consommation.

La grande interrogation porte sur la date d’une reprise de l’économie. D’ici fin août, le tourisme qui fournit 120 000 emplois directs et indirects accusera un manque à gagner de Rs 43 milliards et on ne voit pas de retour à la normale avant le dernier trimestre de 2021. Le MCB Focus de juin 2020 note que si le sucre et le seafood hub montraient un ‘fair degree’ de résilience, la reprise du secteur manufacturier va prendre du temps. Notons que le MCB Focus ne partage pas l’optimisme des autorités sur le secteur de la construction.

Le spectre du chômage

La population active en 2019 se chiffrait à 600 000 personnes et l’on dénombrait 40 000 sans emplois. Avec la Covid 19, le spectre du chômage est terriblement inquiétant, avec des licenciements et une liste d’attente devant le Redundancy Board. Les remontées d’information et les tendances indiquent que nous ne sommes qu’au début de ce que certains n’hésitent pas à qualifier de tsunami sur ce front.

L’État a affecté Rs 26,7 milliards aux Centrally Managed Initiatives. De cette somme, Rs 11 milliards ont été déboursées pour le Governement Wage Assistance Scheme (GWAS) jusqu’à fin 2020, pour des employés du secteur privé qui ont besoin d’une aide financière depuis la période de confinement. Les deux plans d’aides financières, le GWAS et le Self-Employed Assistant Scheme (SEAS) sont étendus pour le mois de juin au secteur touristique. Rs 3 milliards seront nécessaires pour apporter un soutien financier au secteur informel dans le cadre du Self-Employed Assistance Scheme jusqu’en juin 2020. Le ministre a indiqué que pour le mois de juin 2020, le gouvernement continuera à verser l’allocation d’un mois de salaire de base à ceux qui perçoivent jusqu’à Rs 50 000 mensuellement, avec un plafond de Rs 25 000. Cela concerne les salariés du secteur touristique et aussi les salariés des entreprises qui n’ont pas été autorisées à opérer jusqu’à la levée totale du couvre-feu. De plus, une allocation de Rs 5 100 serait versée aux travailleurs indépendants du secteur touristique et ceux qui n’ont pas été autorisés à opérer jusqu’à la levée totale du couvre-feu. À ce jour, 877 entreprises opérant dans ce secteur ont bénéficié du GWAS pour quelque 27 000 employés. Cette aide financière est destinée aux hôtels, maison d’hôtes, entreprises touristiques, plaisanciers, agences de voyage, guides ou encore les tour-opérateurs. D’autres secteurs ont bénéficié du GWAS.

Est-ce que ces mesures vont couvrir tous ceux qui vont se retrouver sur le pavé au fil des semaines jusqu’à la fin de 2020 sachant que les PME emploient 40 % de la population active ? Rien n’est moins sûr. Ce qui fait que le chômage risque d’être encore plus problématique en 2021 avec la fin des béquilles de l’Etat, et une reprise économique, dont celle du tourisme, qui s’annonce très anémique étant donné la récession qui frappe nos différents marchés.

Il faut depuis maintenant s’en préoccuper sérieusement car il faudra compter aussi avec les licenciements dans les entreprises qui ne pourront préserver l’emploi même avec une réduction des salaires. Si une deuxième vague de Covid 19 pourrait nous épargner, une deuxième vague économique est bien en gestation.

La problématique de la gestion des ressources humaines

Les remontées d’information sur la réaction de la direction des ressources humaines dans de nombreuses entreprises démontrent toute la faiblesse de la fonction des ressources humaines dans ces entreprises. Tous les discours sur les valeurs humaines dans leurs cultures d’entreprise à renfort de séminaires et d’animateurs-vedettes locaux et étrangers à grands frais ont volé en éclats. Au-delà de l’incompétence, il y a eu la facilité de la méthode brutale sans respecter le cadre légal post-Covid 19 Act, cadre pourtant déjà en défaveur du droit du travail, des travailleurs, des syndicats. Ils ont oublié que l’entreprise a comme partenaires non seulement les actionnaires et les clients mais aussi les salariés dont le travail est la source de la production des richesses – biens et services. Au lieu d’un rethinking pour véritablement moderniser et humaniser la gestion des ressources humaines, on n’a rien touché aux inégalités salariales inacceptables, aux abus et frasques du management. On a choisi la facilité d’une attaque brutale sur le travail : licenciements, coupe dans les salaires, chantage odieux. La Covid 19 a fait tomber les masques !

Se préparer pour la deuxième vague

L’écosystème sociopolitique et socioéconomique est pollué à tous les niveaux par le virus de Business as Usual en pire. Nous saurons rapidement si le remède prescrit par le Dr. Padayachy va donner les résultats escomptés. La posture du gros capital - les grosses entreprises - est indécente dans son refus de solidarité et d’exemplarité avec le paiement des dividendes aux gros actionnaires. Il attend tout de l’État et de l’argent du contribuable, confirmant une idée bien ancrée selon laquelle c’est à l’État de trouver des solutions à la crise sociale. Un État exemplaire doit en bonne gouvernance et transparence s’affirmer dans son rôle d’agir dans l’intérêt général et de protéger les plus faibles.

La compétition post-Covid 19 va être très rude. Le management des entreprises doit relever le défi d’une politique qui soit à la hauteur des enjeux pour un développement durable. L’heure n’est plus à la méthode autoritaire qui n’est pas mobilisatrice. Au contraire, il faut de la souplesse, de l’imagination et de l’innovation créative dans cette période de transition. Le choix est entre le travail-aliénation et le travail- réalisation, le travail-dignité. Serons-nous capables d’une gestion des ressources humaine reposant sur la valorisation du travail pour affronter la deuxième vague de chômage ?

par Malenn Oodiah

 

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