Le jugement de la Cour suprême dans l’affaire Betamax vient-il remettre en cause plusieurs contrats signés dans le passé ? Le Central Electricity Board est en tout cas en train d’étudier la question.
Les contrats signés entre le Central Electricity Board (CEB) et les Independent Power Producers (IPP) sont-ils à l’épreuve légale ?
Une semaine après le jugement rendu par la Cour suprême dans l’affaire Betamax, la légalité des contrats des IPP va faire l’objet d’une série de vérifications des conseillers légaux du CEB. C’est ce qu’envisagerait la direction de l’organisme.
Le jugement rendu par le Senior Pusine Judge, Asraf Caunhye, ainsi que les juges Nirmala Devat et David Kan Cheong, a fait l’objet de divers commentaires. Il stipule que, comme il s’agissait d’un contrat de plus de Rs 100 millions, son allocation aurait alors dû passer par un exercice d’appel d’offres.
L’avocat et spécialiste en droit d’affaires internationales et arbitrage, Dev Erriah, est d’avis que ce jugement de la Cour suprême doit être un ‘wake up call’ pour les différents organismes publics de Maurice et pour le gouvernement.
« Après avoir lu le jugement avec attention, je suis d’avis que le message qu’a voulu faire passer les juges, c’est que la Public Procurement Act doit être appliquée pour n’importe quel contrat alloué par le gouvernement ou par une institution gouvernementale au nom de la bonne gouvernance et de la transparence », déclare-t-il.
Pour l’avocat, même le CEB ne devrait plus être exempté des dispositions de la Public Procurement Act. « Ce jugement doit interpeller le CEB qui a des contrats avec des IPP. Le jugement fait comprendre que c’est dans la logique des choses, de passer par des exercices d’appel d’offres », ajoute-t-il.
« Le Central Electricity Board et la State Trading Corporation sont dans le même panier. » C’est l’avis que de l’avocat Arvin Halkhoree de Juriconsult Chambers. S’il reconnaît que la loi fait des exemptions pour certains organismes, en revanche, en tenant en ligne de compte le jugement de la Cour suprême, les major contracts qui dépassent Rs 100 millions doivent être soumis aux dispositions de la Public Procurement Act.
La direction de Transparency Mauritus abonde dans le même sens. Rajen Bablee, considère que la Cour suprême, a envoyé un signal très fort.
« Le contrat de Betamax a été signé au début de 2009, soit quelques semaines après que le Cabinet ait donné son aval à un tel accord. Or, il est commun que des gouvernements fassent des accords entre eux sans passer par l’exercice d’appel d’offres. Très souvent ces décisions se basent sur des considérations politiques, alors que des institutions, comme le Central Procurement Board, ont été créés pour offrir des chances égales à tous », explique-t-il.
Pour Rajen Bablee, la Cour suprême est venue rappeler à la population que les procédures de transparence doivent être appliquées et respectées et que l’argent public doit être utilisé judicieusement.
Ivan Collendavelloo, Premier ministre adjoint : «Il y a une loi pour les IPP qui font l’objet d’appel d’offres»
Est-ce que les contrats des Independent Power Producers (IPP) vont être remis en question après le jugement dans l’affaire Betamax ?
D’abord contrairement à ce que j’entends, le jugement de Betamax n’a fait que dire le droit tel qu’il existe depuis de nombreuses années. Ce n’est ni une révolution, ni un changement fondamental du droit. Le jugement vient dire simplement que la Cour suprême ne va jamais reconnaître un contrat dont les procédures pour son octroi ne sont conformes à la loi. Or, le contrat de Betamax était un contrat qui a violé la loi. Le gouvernement du Parti travailliste (PTr) avait essayé de faire une loi taillée sur mesure pour Betamax. Ils l’ont fait en passant par les Public Procurement Amendment No. 2 Regulations 2009. On peut le retrouver dans le Government Notice No. 68 2009. Ces règlements de 2009 disaient que la State Trading Corporation (STC) était exemptée de la Procurement Act, lorsqu’elle achetait des biens pour les revendre. Et cela incluait ‘Service Incidental to the Persue or Distributions of the Goods’. Ce faisant, ils ont essayé de transposer à la STC ce qui existait pour le Central Electricity Board (CEB).
Quelle différence ?
Dans les contrats des IPP, le CEB achète un bien particulier. C’est-à-dire l’électricité pour la revendre à ses clients. Or, dans le contrat Bhunjun, la STC n’achetait rien de Bhunjun et certainement n’achetait pas du pétrole qui était acheté de Mangalore. Le contrat entre Bhunjun et la STC était simplement un contrat d’affrètement. N’importe quel imbécile peut voir que le contrat d’affrètement n’était pas un contrat qui tombait sous ces règlements. Il y a des milliers d’armateurs qui affrètent leur bateau pour le transport de produits pétroliers.
C’était facile de lancer un appel d’offres international pour obtenir un meilleur prix. Or, nous avons un courtier qui est aussi un entrepreneur en bâtiment. Le produit pétrolier était transporté par Pratibha Shipping Co. Ltd et ST Shipping.
Un juteux contrat ?
D’un coup, on donne ce contrat à Bhunjun. Un contrat de quinze ans. Bhunjun va recevoir plus de Rs 600 millions uniquement pour la première année. Et même si le bateau n’était pas rempli, la STC doit payer le tout. Comme dit le ministre Ashit Gungah : « Du jamais vu ».
N’est-ce pas le cas entre le CEB et les IPP ?
C’est de la divagation que de dire que de ce jugement découle de l’illégalité des contrats avec les IPP. Le CEB a effectivement signé un contrat pour acheter de l’électricité pour la revendre. Ce qui n’est pas le cas pour Betamax. Je dois dire qu’il n’y a donc aucun point de droit sérieux à discuter. Nous parlons ici d’une vaste opération de pillage des biens de l’État.
Est-ce qu’il faudra dorénavant que le CEB passe par des exercices d’appel d’offres pour les contrats des IPP ?
Le jugement, comme je vous ai dit, n’a rien changé du droit. Il y a une catégorie des IPP qui font l’objet d’appel d’offres. Ce sont les producteurs d’électricité indépendantes qui produisent de l’électricité avec du solaire. Le jugement bien au contraire vient accentuer comment en 2009 le ministre de l’époque avait simplement ajouter la STC aux règlements pour la mettre sur un pied d’égalité avec le CEB. La Cour suprême s’est donc prononcée à bon droit et il n’y a aucun débat possible sur l’illégalité de ce contrat.
Le Directeur des poursuites publics (DPP) a invité la police à une réouverture de l’enquête. Qu’en pensez-vous ?
Le DPP n’a pas d’alternative. Sa requête pour une enquête supplémentaire tient la route. Il entretient l’opinion que le dossier ne présentait pas de preuve d’une action criminelle, mais à partir du jugement de la Cour suprême, il n’a vraiment pas le choix.
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