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Portable Retirement Gratuity Fund annoncé dans le budget : pour une meilleure retraite pour les employés

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C’est l’un des chevaux de bataille des syndicalistes. Surtout ceux de la Confédération des Travailleurs du Secteur Privé (CTSP) qui ont longuement milité pour l’introduction du Portal Retirement Gratuity Fund (PRGF).

Dans son discours budgétaire, le Grand Argentier a annoncé que cela sera bientôt une réalité. Ce qui aidera les employés du secteur privé à préserver leurs temps de service pour le calcul, à l’âge de la retraite, de leur Severance Allowance quel que soit le nombre d’employeurs pour qui ils ont travaillé durant leur carrière. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui et d’ailleurs plus d’un en ont été pénalisés à cause de ce système.

Ils ne savent plus à quel saint se vouer. Du jour au lendemain, ce couple s’est retrouvé au chômage. Depuis, Helena et Alan Nombreuse essayent de joindre les deux bouts grâce aux soutiens de leurs familles. En effet, les deux conjoints travaillaient pour le même employeur. L’époux comptait 23 ans de service tandis que l’épouse en comptait, elle, 13. Et depuis le mois de juin, ils sont sans emploi.

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Stephano Tranquille n’a pu conserver ses 21 ans de service au sein d’une entreprise même s’il a été réembauché aprés son licenciement.

Le couple a quatre enfants âgés entre un an et 13 ans. « Ce que nous vivons n’est pas du tout enviable. À cause de quelques minutes de retard nous avons été licenciés. Depuis, nous vivons une véritable calvaire », déplore Helena Nombreuse. Aux dires de cette mère de famille de 33 ans, le van scolaire de deux de leurs enfants était en retard pendant une semaine. Ce qui fait qu’Alan a dû aller déposer lui-même ses enfants à l’école sur son scooter.

Or le mari et la femme se rendaient quotidiennement ensemble au travail. Mais à cause du détour de l’époux à l’école, Helena et Alan ont eu des retards répétés. Ce qui n’a pas été du goût de leur employeur. « Nous avons été remerciés. C’est vraiment injuste. Nous avons dû arrêter les leçons particulières de notre aînée car nous n’avons plus les moyens de les payer », déplore notre interlocutrice.

Pour pouvoir sortir la tête de l’eau, le couple Nombreuse compte sur la générosité de leurs familles respectives. D’ailleurs, selon la jeune femme, plusieurs fois ses enfants ne se sont pas rendus à l’école faute de moyens. Helena Nombreuse ne manque pas de souligner que même si son époux et elle arrivent à trouver du travail, ils devront recommencer à zéro. « Si le PRGF était une réalité, cela nous aurait aidé car notre temps de service aurait été comptabilisé », indique notre interlocutrice.

Même son de cloche de Stephano Tranquille. Âgé de 45 ans, il a travaillé pendant 21 ans pour une entreprise. Toutefois, un beau jour, il a été remercié. « Il y avait un manager qui ne  me tenait pas dans son cœur. J’ai donc été limogé », relate cet habitant de Beau-Bassin. Père de trois enfants, il n’a guère de choix que de trouver un emploi pour faire bouillir la marmite.

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Karen Jeanne, qui travaille dans une clinique privée,  accueille avec grande satisfaction cette annonce du ministre des Finances.

Étant le seul gagne-pain de sa famille, il devient peintre. Or, la vie n’est pas facile car il peine à arrondir les fins du mois. Cependant, deux ans après ses déboires, son ancienne compagnie le rappelle pour lui offrir à nouveau un emploi. « La direction a su que j’ai été injustement licencié et a ainsi décidé de me réemployer », poursuit Stephano Tranquille.

Cependant, le problème est qu’il doit commencer sur de nouvelles bases car son temps de service n’est pas pris en considération. « On m’a dit que je serai employé comme un nouveau. Deux ans que j’ai repris le boulot maintenant. Si on prenait en considération l’intégralité de mon temps de service, j’aurais déjà 23 ans de service alors que là je n’en ai que deux », affirme ce dernier. Pour lui, il est impératif de corriger cette anomalie pour que d’autres employés n’en souffrent pas.

Karen Jeanne abonde dans le même sens. Pour elle, l’introduction du PRGF serait une meilleure protection pour les employés s’ils se retrouvent sur le pavé ou s’ils décident de leur propre chef de trouver du travail ailleurs. Cette mère de famille qui travaille dans une clinique privée vit dans la crainte, même après 14 ans de temps de service.

« Il y a toujours la pensée que je puisse perdre mon emploi qui me taraude. La précarité de l’emploi fait peur surtout quand vous êtes parents », lance la femme de 38 ans. Elle se souvient qu’elle avait, dans le passé, travaillé pour une société qui après deux ans l’avait remerciée, ce qui lui avait causé beaucoup de difficultés financière. Ainsi, elle estime que le PRGF aidera les employés à mieux faire face en cas de licenciement.

Une bataille de 16 ans pour Ragoo et Chuttoo

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Jane Ragoo et Reaz Chuttoo

Jane Ragoo et Reaz Chuttoo de la CTSP ont, pendant des années, mené une bataille pour l’introduction du PRGF. Ils ne cachent pas leur joie. « Après 16 ans, il y a une telle annonce. On réclamait une portable severance allowance. Le gouvernement a opté pour le PRGF. Si cela devient une réalité, ce sera vraiment révolutionnaire pour tous les travailleurs », s’exclame Reaz Chuttoo.

Pour sa part, Jane Ragoo souligne qu’un fonds pareil protégerait mieux les travailleurs. Pendant des années, dit-elle, les gouvernements successifs ont évoqué l’introduction de ce fonds. La syndicaliste dit espérer que cette fois-ci c’est chose sérieuse. « Il ne faut pas que ce ne soit qu’un effet d’annonce. Les élections sont derrière la porte. Si on ne va pas vite et s’il y a un changement de régime, ce projet risque d’être mis aux oubliettes encore une fois et deviendra un mort-vivant », avertit Jane Ragoo.

Elle poursuit qu’une montagne de travail a été abattue à ce jour. Ce qui fait que sa mise en œuvre se fera comme une lettre à la poste. En effet, les syndicats ont proposé 12 jours par année de service et que ce fonds soit géré par le gouvernement. « Il n’y a rien de difficile. Je connais plusieurs employeurs qui sont favorables à cette idée », dit-elle.

Toutefois, Reaz Chuttoo ne manque pas de déplorer « le mauvais rôle du patronat ». Et elle met en garde le gouvernement pour qu’il ne se laisse pas influencer. « Le patronat dit que le PRGF coûtera Rs 72 milliards et qu’il faut que les employeurs cotisent uniquement sur le salaire de base. Il ne faut pas oublier que le patronat avait mené une campagne contre le salaire minimum. Pourtant aujourd’hui, c’est un succès. Il y a un sourire sur les visages », se souvient-il.

Patronat

Dursun : « Est-ce que le PRGF cohabitera avec les plans de pension ? »

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Pradeep Dursun

Le Chief Operating Officer (COO) de Business Mauritius, Pradeep Dursun, catégorise le PRGF comme étant une mesure de « protection sociale ». « Il faut juste comprendre comment ce fonds va fonctionner et finaliser les modalités », affirme notre interlocuteur. Selon lui, la loi actuelle fait provision d’un paiement de gratuité à la retraite. Il soutient que la nouveauté avec le PRGF, c’est que le temps de service sera pris en considération.

Le COO indique qu’il y a plusieurs aspects à prendre en considération. Notamment, le fait qu’il y a de nombreuses entreprises qui ont déjà souscrit à des plans de pension pour leurs employés. « Est-ce que le PRGF cohabitera avec les plans de pension ? », se demande Pradeep Dursun qui précise qu’il y a plusieurs choses à finaliser.

Certes, les 350 000 employés du privé bénéficieront de ce fonds. Toutefois, le COO de Business Mauritius est convaincu qu’il faut faire des études approfondies, car le dosage est important quant à la somme à payer à la retraite, la somme à cotiser et autres éléments à considérer. « C’est tout un cheminement. Plus on tardera, plus ce sera difficile », est-il d’avis.

Pradeep Dursun affirme qu’il n’y a pas de doute que le PRGF est une des étapes pour faire de Maurice un high income country. Cependant, il croit également qu’il faut donner les moyens aux entreprises de se restructurer pour que ces dernières ne soient pas obligées de mettre la clé sous le paillasson et puissent préserver les emplois. 


Le fine-tuning de la loi

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Soodesh Callichurn

« Les consultations ont déjà eu lieu. Il ne reste que le fine-tuning », déclare le ministre du Travail, Soodesh Callichurn à la suite de l’annonce sur l’introduction d’une nouvelle loi du travail et du Portable Retirement Gratuity Fund. Ajoutant : « Votre temps de service va compter même si vous changez d’emploi. Si vous perdez votre emploi, votre temps de service sera comptabilisé quand on payera votre retraite ». Selon lui, il ne reste plus que quelques réunions du comité technique qu’il préside avant de présenter les résultats. Soodesh Callichurn donne aussi la garantie que les projets de loi ayant trait au travail seront bientôt présentés, ce qui signifie dans deux à trois semaines. « Dormez sur vos lauriers. Ces lois donneront une bouffée d’air frais », dit-il.


Me Ramano : «Il faut une loi anti-licenciement»

devL’avocat qui occupe principalement des cas ayant trait à l’emploi et aux relations industrielles, Me Dev Ramano, affirme que ce fonds est essentiel pour pallier aux drames humains. En particulier avec les vagues de licenciements qui font vivre les employés dans une angoisse permanente.

Citant le cas de Palmar Ltée où il y a eu des pertes d’emplois, Me Ramano explique que c’est un exemple qui démontre que, depuis plusieurs années, il y a un drame social qui se déroule à Maurice où plusieurs employés, après beaucoup d’années de service, se retrouvent sur le pavé à cause des licenciements économiques.

« La loi actuelle prévoit qu’un patron donne un “notice” au ministère concerné et il ferme son entreprise ou la restructure, et met des personnes à la porte. Ces employés ont eu droit à un mois de préavis. Et si l’employeur veut donner une compensation, c’est à sa discrétion », déclare l’avocat qui ajoute que cette situation est atroce et préoccupante, que les autorités en place doivent absolument pallier à cette situation en portant une législation qui amène cet élément phare qu’on appelle le PRGF.

« Je crois aussi qu’une personne qui quitte son emploi, ou qui est licenciée, doit avoir droit à une indemnisation. La nouvelle formule ne concerne que la retraite. Or, entre deux emplois, une personne ne peut rester le ventre vide. Il faut un fonds lui permettant de toucher un salaire et de faire vivre sa famille », estime ce dernier.

Me Dev Ramano est très critique. À ses dires, plusieurs droits des travailleurs ont été détricotés  et les patrons ont eu des « cadeaux » au détriment des employés. En conséquence, il faut rétablir cela. « Il faut une loi anti-licenciement et aussi un autre fonds mutualisé par les patrons pour que ceux qui sont licenciés puissent vivre en attendant de trouver un nouvel emploi », préconise l’avocat.

Il ne s’arrête pas là. Me Ramano croit qu’il faut rétablir les trois mois de préavis avant de licencier un employé. En sus de cela, il dit espérer que le Termination of Contract Service Board (TCSB) qui régissait les licenciements économiques renaisse de ses cendres. Dans les faits, grâce au TCSB, si un employeur décidait de réduire son personnel, la loi lui imposait d’adresser un courrier au ministère qui devait nécessairement référer l’affaire au TCSB.

Et, au sein du TCSB, s’il était établi que l’employeur justifiait cette réduction du personnel sur une base économique, l’employé avait automatiquement droit à une compensation de 15 jours par année de service. Si la démarche de l’employeur était non justifiée, l’employé réintégrait son poste ou bien il avait droit à une compensation de trois mois par année de service.


Comment le PRGF va fonctionner ?

Un document officiel du ministère du Travail, mis en ligne en  novembre 2018, décrit en détail ce qu’est le PRGF et comment il devrait fonctionner. Voici, en résumé, l’essentiel de ce que contient ce document:

Objectif : « to ensure that a worker who retires benefits from the payment of a retirement gratuity for his length of service with the current employer at the date of coming into operation of the Fund as well as for his length of service with any future employer, contrary to the present retirement regime whereby the retirement gratuity is computed on his length of service with his last employer only. »

Qui sont concernés : tous les employés, sauf ceux qui sont couverts par la Statutory Bodies Pension Funds Act ou un fonds de pension privé.
Qui gère le fonds : le gouvernement.

Montant de la contribution de l’employeur : 4,8% du salaire de l’employé concerné.

Qui sera responsable de collecter les contributions et effectuer les paiements : la MRA.

Quelles sont les implications pour les personnes déjà en emploi et sans fonds de pension : leur employeur aura droit à une période moratoire pour les contributions des années passées.

Quelles sont les implications pour les personnes déjà en emploi qui contribuent dans un fonds de pension : si la contribution de l’employeur est inférieure à la prescription du PRGF, il devra payer la différence suivant la période moratoire.

Un employé peut-il transférer son argent d’un fonds de pension privé au PRGF en changeant d’emploi : oui, il peut aussi choisir d’effectuer le transfert vers un autre fonds privé.

Quand peut-on toucher l’argent du PRGF : quand on a atteint l’âge de la retraite, quand on est contraint à la retraite pour causes médicales, quand on est licencié pour raisons économiques et qu’on est âgé de plus de 45 ans, quand on est le conjoint d’un travailleur décédé.

 

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