Port-Louis a été une nouvelle fois ébranlée par de graves inondations, après celles du 30 mars 2013, qui avaient fait 11 morts. L’heure est à l’action et aux mesures urgentes, plutôt qu’à la recherche de boucs émissaires, selon divers interlocuteurs.
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Le 5 février 2023, dans les colonnes de Le Dimanche/L’Hebdo, l’océanographe et ingénieur en environnement Vassen Kauppaymuthoo disait ceci : « Port-Louis risque de devenir une zone inhabitable à long terme. Une bonne partie de la capitale a été construite au niveau de la mer, à une altitude assez basse. En cas de pluies torrentielles, la ville risque d’être submergée. C’est une zone très vulnérable aux inondations en raison de la proximité des montagnes et du grand nombre de constructions qui obstruent les drains. De nombreuses modifications ont été apportées, empêchant l’évacuation naturelle des eaux pluviales. Il est nécessaire de rétablir cela », Des propos pour lesquels il avait été vivement critiqué et qualifié d’« alarmiste ». Or, les événements du lundi 15 janvier 2024 semblent lui avoir donné raison.
Comme lui, d’autres ont tiré la sonnette d’alarme, mais leurs propos sont restés vains et n’ont pas été pris en considération. « Plus on urbanise, plus les inondations s’aggravent. La relation est assez directe », avait déclaré l’urbaniste Vasant Jogoo en 2018. Il critiquait ainsi l’urbanisation sauvage qui sévit non seulement à Port-Louis, mais aussi dans de nombreuses localités. « On construit un peu partout, n’importe comment », avait-il précisé.
Même si la construction de drains peut aider à atténuer les problèmes d’inondations, la construction dans des zones sensibles pour l’environnement devrait être interdite, et une politique de zonage définie. « Notre modèle d’urbanisation n’est pas adapté à un petit territoire comme Maurice, une petite île. La situation que nous connaissons actuellement ne fera que s’aggraver », avait-il prédit.
D’ailleurs, l’hydrologue Farook Mowlabucus est catégorique : les causes des inondations dans certains endroits, le lundi 15 janvier, sont les mêmes. Il n’y a pas de débouchés pour les crues, permettant aux eaux pluviales de s’écouler correctement vers la mer. Il cite en exemple la Place d’Armes, où l’eau s’est accumulée devant le Port-Louis Waterfront, bloquant ainsi toute circulation routière.
« Rien n’a été fait depuis 2013 »
À cela s’ajoute le fait que le canal du Ruisseau du Pouce déborde fréquemment, entraînant une accumulation d’eau sur la route et des déversements dans les rues La Chaussée, John Kennedy et La Poudrière. « Rien n’a été fait depuis 2013 pour résoudre ce problème, et nous aurons le même problème à ces endroits à chaque grosse averse », prévient-il.
L’hydrologue est d’avis qu’une étude devrait être menée pour améliorer l’écoulement des eaux de pluie vers la mer. Farook Mowlabucus souligne que le canal du Ruisseau du Pouce a bien rempli son rôle dans le passé, mais que les nouvelles constructions, comme les structures recouvrant le canal pour aménager les marchands ambulants, font partie des causes des débordements. Ainsi, les piliers installés et autres constructions sur le canal de la rue La Poudrière freinent, voire obstruent le libre passage des eaux.
Cette situation est aggravée par les déchets charriés par l’eau, comme observé le lundi 15 janvier dernier. « Tant qu’il y aura des piliers dans le canal, il y aura des débordements lors des grosses averses », fait comprendre l’hydrologue.
Murs de soutènement
Les grilles installées dans les canaux pour retenir les saletés et éviter qu’elles n’atteignent la mer devraient également être enlevées, afin d’éviter qu’elles ne se bloquent avec les déchets, car si c’est le cas, l’eau débordera sur la route, ajoute-t-il. Il suggère également l’installation de murs de soutènement sur les berges des canaux, afin que l’eau ne puisse pas se déverser sur les routes.
Les autorités devraient envisager toutes les autres mesures possibles pour résoudre le problème des inondations, comme l’aménagement de puits d’absorption, affirme l’hydrologue. Cependant, ces puits se remplissent très rapidement lors de fortes averses, fait-il remarquer.
Comme l’indique un ancien ingénieur civil, des études, des plans et des projets ont été élaborés depuis de nombreuses années. Qu’attend le gouvernement pour les mettre en œuvre, se demande-t-il. Parmi eux, des drains d’interception (cut-off drains) au pied des montagnes entourant Port-Louis ont été proposés pour dévier l’eau et l’empêcher d’atteindre le centre-ville. Certes, c’est un travail considérable, mais c’est une mesure nécessaire pour atténuer le problème d’inondations à Port-Louis, insiste-t-il. Selon lui, des drains supplémentaires ont également été prévus dans ce projet, qui tarde à se mettre en place.
Il est également d’avis que les obstacles installés en aval des canaux à la rue La Poudrière et Ruisseau du Pouce doivent être enlevés au plus vite, comme cela était prévu depuis plusieurs années déjà. Le pont à côté du Caudan Waterfront, où passe le métro, aurait également dû être surélevé pour augmenter le débit du Ruisseau du Pouce, ce qui n’a pas été fait correctement, affirme-t-il. « Lorsqu’il n’y a aucune obstruction, l’eau parvient à s’évacuer correctement. Mais lors du passage d’un cyclone et en présence de débris dans les deux canaux, ils débordent et provoquent des inondations », explique-t-il. Avec la montée de la mer lors du passage du cyclone, la situation s’est aggravée.
Pour l’ancien ingénieur, tout ce qui peut entraver l’écoulement des eaux pluviales doit être enlevé, et les travaux planifiés doivent démarrer au plus vite. Cela inclut la construction de canaux supplémentaires et de cut-off drains, l’élévation des ponts, et l’installation de murs de soutènement là où c’est nécessaire. Il ajoute qu’il n’est pas possible de creuser les canaux pour accueillir davantage d’eau, mais qu’il faut essayer d’élargir les canaux, car le niveau de la mer doit également être pris en considération.
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