Interview

Pooja Luchmun, avocate : «Un employeur doit enquêter sur un cas de harcèlement sexuel»

L’avocate  Pooja Luchmun. L’avocate Pooja Luchmun.

Le harcèlement sexuel au travail peut rapidement devenir insupportable. Comment remédier à la situation et venir en aide aux victimes ? L’avocate Pooja Luchmun apporte des explications. Pour elle, le harcèlement sexuel au travail est un délit civil et pénal. Toutefois, bien que la loi fasse mention d’une protection pour les victimes, le système administratif et procédural ne répond pas toujours à leurs besoins.  

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Que dit la législation locale sur le harcèlement sexuel au travail ? Quels sont les actes qui relient le harcèlement sexuel au travail ?
Le harcèlement sexuel au travail est un délit civil et pénal. Les dispositions pertinentes de la loi à l’encontre du harcèlement sexuel figurent principalement dans la nouvelle Workers’ Rights Act et l’Equal Opportunities Act 2008.

La loi locale définit le harcèlement à l’égard d’un travailleur comme englobant « tout comportement indésirable envers le travailleur, qu'il soit verbal, non verbal, visuel, psychologique ou physique, basé sur l'âge, la déficience, le statut du VIH, les circonstances domestiques, le sexe, l’orientation sexuelle, la race, la couleur, la langue, la religion, la politique, le syndicat ou autre opinion ou conviction, l’origine nationale ou sociale, l’association à un statut de minorité, de naissance ou autre, qui survient dans des circonstances lorsqu'une personne raisonnable considère ce comportement comme du harcèlement. »

Le harcèlement sexuel est défini par l’Equal Opportunities Act comme comprenant toute situation dans laquelle une personne serait humiliée, offensée ou intimidée par 

(i) une avance sexuelle non-souhaitée 

(ii) une demande importune de faveur sexuelle ou 

(iii) tout autre comportement importun de nature sexuelle.

Que risque l’auteur d’un harcèlement sexuel ?
Le harcèlement au travail est strictement interdit par la loi du travail et il est considéré comme une forme de violence. Toute personne qui commet une telle infraction peut être passible d’une amende ne dépassant pas Rs 100 000 et d’une peine de prison maximale de cinq ans.

Si une personne est victime de harcèlement sexuel, quel recours a-t-elle ?
Il est conseillé à une personne victime de harcèlement sexuel d’avoir recours au système interne de ressources humaines de la société où elle travaille d’abord pour faire part des préjudices causés. Si aucune mesure n'est prise pour remédier à la situation, elle devrait contacter le ministère du Travail ou porter plainte auprès de l’Equal Opportunities Commission. Elle peut également avoir recours au système judiciaire, notamment en logeant une plainte devant la Cour industrielle. 

L’employeur doit faire en sorte que ses employés soient respectés.

Quel est le rôle de l’employeur lorsqu’un de ses employés est victime de harcèlement ?
La loi est très claire. Aucun employeur, ni mandataire d’employeur, ne doit harceler sexuellement un employé ou une personne recherchant un emploi auprès de cet employeur. Dans l’éventualité où un employeur serait au courant d’un cas de harcèlement commis par un de ses employés ou d’une tierce personne dans sa société, ou s’il aurait dû être au courant de cela par son statut au sein de la société et qu’il n’a pris aucune mesure pour prévenir ou arrêter cette violence, il sera autant responsable en vertu de la loi que celui qui commet l’acte de harcèlement.

Un employeur a la responsabilité légale d’enquêter sur une allégation de cas de violence, incluant le harcèlement sexuel. Il doit prendre les mesures appropriées pour protéger les droits du travailleur.

Je précise que l’employeur est responsable de toutes les personnes travaillant pour lui et doit faire en sorte que ces personnes soient en sécurité et respectées au sein de l’entreprise.

Pensez-vous que les victimes de harcèlement sexuel sont bien encadrées à Maurice ? Que peut-on faire pour remédier à cette situation ?
Il faut une réforme. Bien que la loi fasse provision pour une protection pour les victimes, malheureusement le système administratif et procédural ne répond pas à leurs besoins dans la plupart des cas. 

Il faudrait que les employeurs acceptent d’être partie prenante dans cette lutte contre le harcèlement ; par exemple en mettant en place, comme dans certains pays occidentaux, des procédures internes strictes condamnant le harcèlement sous toutes ses formes au sein d’une entreprise. 
La plupart des victimes ont peur des répercussions si elles se prononcent contre leur employeur. Par conséquent, c’est là qu’il y a besoin de plus de soutien et d’encadrement. Si le harceleur n’est autre qu’un supérieur hiérarchique, un chef de département ou même le patron, les cas rapportés sont bien souvent ignorés ou mis aux oubliettes. 

Les victimes sont souvent même menacées de perdre leur emploi si elles refusent d’enlever leur plainte.  Il faut donc une plus forte présence du département du ministère du Travail. 

La victime devrait être habilitée à demander à ce que ses droits soient respectés et non pas accusée d’avoir eu l’audace de condamner son harceleur. Dans un monde idyllique, toute personne saurait se comporter en public et respecterait son prochain, ainsi, il n’y aurait même pas besoin de ces textes de loi contre le harcèlement au travail en général. 

 

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