Ce n’était pas la fête au village, mais la fête à la plage. Des nombreuses familles avaient pris place sur la plage de Pomponette dès midi, dimanche. Une plage qui était jusqu’à récemment zone interdite au grand public.
Àl’entrée de cette plage, sont garés quelques autobus « Special Route », de même que des dizaines de voitures. Au loin, avant de pénétrer la zone « trespass », on sentait comme un frémissement. On apercevait plusieurs groupes de familles, des gamins, beaucoup de jeunes femmes sous les arbres se cachant du soleil d’été.
La première famille qu’on rencontre vient de la circonscription nᵒ 4. « Nous sommes là pour Ashok Subron, élu chez nous », lâche Joanica, qui avait à ses côtés Asha, Aurélie, Véronica et deux petits bouts de chou, Ayden, 2 ans, et Maylone, 4 ans. Sont-elles bien armées côté repas, car elles ont quitté Terre-Rouge à 8 heures ? Véronica précise : « On s’est réveillées tôt et au menu il y a du salmi de porc, du riz blanc, de la salade de betterave et quelques autres babioles pour bien caler le coffre, des boissons gazeuses et de l’eau ».
Plus loin, un tout petit groupe de seniors. Toujours du nᵒ 4. Ici, Raffick Bakurally règne en maître et une jeune dame qui a voulu garder l’anonymat, semble être « la cheffe d’orchestre ».
Elle s’explique : « Il y a beaucoup de personnes âgées qui sont dans notre groupe qui ne connaissent pas le combat pour Pomponette et son histoire. On le leur a expliqué durant le trajet ». Raffick Bakurally, die hard du MMM, rétorque : « On a voté pour le changement et on a fait élire Ashok Subron et c’est pour cela que nous sommes là ». Tout près de lui s’assoit Ameenah Calloo, 82 ans : « Premie fwa mo vinn isi ek mo kontan », dit-elle, à l’abri sous son parasol.
À mesure que nous pénétrons les lieux couverts d’une herbe mal entretenue, mais négociable à pied, un militant de MRU 2025, Bernard Cayoux. Lui, il vient du lointain village de Belle-Mare. « Je suis un militant écologique et c’est tout à fait normal que je sois là », soutient ce solitaire, tout sourire. Ailleurs, il y a l’incontournable Ved Sombarydoss. Lui, il est militant ReA depuis 2006. « Je milite pour la cause écologique. Il fallait stopper la construction de cet hôtel à Pomponette, nous avons combattu et nous avons gagné », dit-il.
À bien y voir, Pomponette n’est pas Flic-en-Flac un dimanche après-midi. Mais, régnait ici une certaine frénésie, un contentement de se retrouver entre militants écolos, entre militants tout court ou en famille. La preuve : les bus « Special Route » étaient tous bondés de sympathisants de l’Alliance du Changement. Peu importe la couleur.
Pour ces petites gens-là, comme le chantait Jacques Brel, il ne leur suffit que de peu pour être heureux. Ils ne demandent pas la lune. Mais, du baume au cœur. Et ils sont venus le chercher à pleines mains sur cette plage qui leur a été interdite depuis plus de huit ans.
Des menus pour tous les goûts
Même si vous étiez venus à cette fête à la plage de Pomponette les mains vides, vous n’alliez pas repartir le ventre creux. Car, il y avait une telle générosité entre ceux présents que les repas circulaient à qui voulait s’en servir. Presque tout le monde avait préparé de quoi nourrir tout un régiment de militants écolos.
Voyons voir ce qu’il y avait dans les « deksi » et autres récipients en plastique de ces pique-niqueurs de dimanche : du porc au miel, du vindaye de poisson, du kalia de poulet, du curry de poulet et crevettes, des sandwichs au thon et au maïs, du jambon de poulet ou au porc, du saucisson tranché, du gratin de chouchou mélangé à de la pomme de terre, de la salade en tous genres.
Et, il y avait un petit gars qui trimballait un plateau avec du « chipek » fait maison, des cubes de English cake, des morceaux de fruits frais.
Une victoire signée ReA
Pomponnette est un joyau de 10 hectares le long de 900 mètres de plage, sur la côte sud de Maurice, la côte la moins développée de l’île.
La polémique a pris ses racines quand une société du nom de Midas Acropolis après les élections de 2005 en faisant main-basse sur le site de Pomponnette, dont un bail avait été alloué à un précédent promoteur. Les élections de 2014 ayant mis au pouvoir une nouvelle alliance politique, les vents ont tourné pour Midas qui a vu son bail être résilié, la forçant ainsi à jeter l’éponge sur son projet hôtelier
Une nouvelle entité nommée Clear Ocean Hotel & Resort, émanant d’une holding, la Pelangi Resorts Holding, dirigée par une Sud-africaine dont le métier d’origine étant l’architecture intérieure. Leur nouveau projet était de développer les murs d’un futur Sheraton de 184 chambres et résidences.
Le bail alloué à Midas fut « transféré » à Clear Ocean, de même que leur permis EIA en dépit du fait que le permis avait expiré, qu’un EIA n’est pas transférable, qu’il ne peut être validé pour un projet différent et surtout bien plus important.
Lorsqu’en août 2016 Shawkutally Soodhun alors ministre des Terres et du Logement, « dé-proclama » la plage de Pomponnette, afin que puisse se réaliser le projet, la plateforme AKNL (Arret Kokin Nu Later) s’est mobilisée pour sa restitution au public. AKNL avec des mobilisations citoyennes sur place, l’alerte de l’opinion publique locale et internationale et en logeant une contestation en cour de justice en novembre 2016.
L’une des conditions que Resistans ek Alternativ a mises pour s’allier à l’Alliance du Changement est de faire Pomponnette redevenir de nouveau une plage publique et que le projet hôtelier qui devait y être érigé soit annulé. C’est chose faite.
La Tour Koenig en force
S’il y avait un groupe de jeunes qui s’en donnait à cœur joie, c’est bien celui venant de La Tour Koenig, Pointe-aux-Sables, circonscription no 1. Pour cause, ils sont des mauves foncés, mais sont reconnaissants du combat de ReA. Sur une large table pliante planent une variété de plats, les uns paraissant plus succulents que les autres.
Puis, il y avait les incontournables ravanne, djembé et maravanne. Les jeunes chantaient en chœur sur des titres comme « Bate, bate, bate sa la po la, roule, roule, roule, roule sa sega la », ou encore « Roule Ton Polo, Roule Misie Polo » et d’autres encore. Il y avait de la joie dans l’air, comme une renaissance. « Je suis contente que cette plage soit rouverte au public.
C’est la première fois que je viens ici, c’est chouette comme coin pour la famille », se réjouit Brigitte.
Quelques pas plus loin, une autre famille de La Tour Koenig, plus discrète mais plus nombreuse. Les membres arborent presque tous un t-shirt de ReA. Pour cause, ils sont directement parentés à Kugan Parapen. À l’instar de Rajeenee Parapen, qui avait préparé des macaronis à la carotte, aux laitues finement coupées, avec de la mayonnaise, du maïs et du poivre. Le tout accompagné de poulet rôti fait maison, soit du foie de poulet à la sauce béarnaise, ou alors avec de la salade mixte, du chutney de pomme d’amour, de pâte de piment au citron et de tranches de baguette. À la voir manipuler la spatule et ce parfum qui vous montait aux papilles, on savait déjà qu’on avait affaire à une pro.
« J’ai un petit business à La Tour Koenig et je propose divers menus comme le dholl pita à base de poisson salé, du salmi, du kalia, du tandoori et le vendredi un menu végétarien et aussi du briani de poulet, de poisson ou de boeuf. Dans l’après-midi, je prépare des beignets en tous genres », avance Rajeenee Parapen, dit Yovanna, cousine directe de Kugan Parapen et maman d’un enfant de trois ans, dans un large sourire qui lui va si bien.
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