Avec quelque 10 000 décès par an à Maurice, il y a bien un secteur qui ne mourra jamais : les services funèbres. Un business florissant qui propose des services essentiels à toute famille. Aujourd’hui, il est même possible de préparer ses funérailles bien à l’avance…
Dans le milieu des pompes funèbres, on ne connaît pas la crise. Bien au contraire. Le secteur est actuellement en pleine mutation. Pour répondre à la demande des familles, les croque-morts innovent et proposent des services, allant du plus élémentaire aux produits haut de gamme. Gants blancs, White Ladies, service café, écrans sur lesquels défilent les photos du défunt. Rien n’est laissé au hasard. C’est que la concurrence est féroce.
C’est ce qui a toujours poussé une des compagnies de pompes funèbres à toujours innover. Dernière nouveauté en date : la création d’un département qui s’occupe du rapatriement de corps et de cendres mortuaires. La responsable, Jessica Elie, ne s’aventurera pas à donner des détails en ce qui concerne les procédures de rapatriement. Un secret bien gardé pour éviter toute concurrence.
« Le département de rapatriement existe depuis 2012. On fait des rapatriements de corps ou de cendres mortuaires de Maurice vers l’étranger et vice versa. Si un Mauricien décède à l’étranger, on entre en jeu si la famille nous contacte et nous entamons toutes les démarches nécessaires pour le rapatriement. Nous nous occupons aussi du rapatriement, par exemple, de la dépouille d’un touriste qui décède chez nous ou d’un Mauricien établi à l’étranger mais qui meurt alors qu’il est en vacances au pays, ou encore celle d’un travailleur étranger. » Selon les dires de Jessica Elie, même ce département de rapatriement est en constante évolution. « Je me suis rendue dans d’autres pays pour rencontrer des partenaires dans ce domaine. »
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Jessica Elie précise que dans son entreprise, les innovations ne datent pas d’hier. « La compagnie existe depuis 1928. C’est une entreprise familiale qui a grandi très vite. Il y a cinq ans encore, nous étions à 35 employés et aujourd’hui on est 220 à assurer le service. Nous avons introduit le Funeral Scheme et rien que pour cela, nous avons dû employer du personnel. »
Selon notre interlocutrice, au fil des années, le nombre de funérailles qu’organise la compagnie a augmenté. Par conséquent, des porteurs et des chauffeurs ont été recrutés. La production de cercueils a aussi été revue à la hausse et la compagnie a fait l’acquisition de nouveaux corbillards et autobus.
« Aujourd’hui nous offrons des bus aux familles. Nous avons aussi notre chapelle ardente. On prévoit un service de café à la demande de la famille au moment de la veillée. En 2007, nous avons introduit le service des White Ladies. Il est important de noter que nous évoluons avec les demandes des familles. Tout dernièrement, nous avons commencé à produire des cercueils pour animaux à la demande de notre clientèle. Notre grand projet pour le futur est le Memorial Garden. Il sera multiculturel. »
La responsable d’une autre société de pompes funèbres abonde dans le même sens. « Cette année, la compagnie fête ses 91 ans. C’est une entreprise familiale qui n’a pas cessé d’évoluer. La base reste la même, qu’il s’agisse de la crémation ou de l’inhumation. Aujourd’hui, nous offrons toute une gamme de services aux familles d’un défunt. Nous nous occupons de la dépouille, de la veillée ainsi que de la cérémonie. Ce n’était pas comme cela auparavant. Nous nous occupons de la conservation du corps, nous donnons le bain à la personne décédée, le maquillage, nous faisons aussi les démarches administratives » soutient Daphné Moura, une des directrices de la compagnie.
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Bien préparer ses funérailles
La société de Daphné Moura ne propose pas de Funeral Scheme. Toutefois, les personnes désirant retenir les services de cette entreprise pour organiser leurs funérailles peuvent l’en informer à l’avance. « Les gens ne viennent pas payer tous les mois. S’ils désirent que nous soyons là à nous occuper d’eux à leur décès, ils peuvent venir chez nous, choisir tous les services, leur cercueil, mais ce n’est pas nécessaire qu’ils payent tout de suite. La tendance est à la préparation de ses funérailles en avance, surtout chez les personnes âgées », soutient notre interlocutrice. Plusieurs personnes confirment cette nouvelle pratique. Serge, 51 ans, est abonné au Funeral Scheme d’une société de pompes funèbres. Il se fait un devoir de régler sa note à chaque fin de mois. Pour lui, préparer ses funérailles est devenu nécessaire. « Des cérémonies funéraires coûtent cher. Je ne peux pas imposer cette dépense à mes enfants quand je ne serai plus là. Mieux vaut tout préparer maintenant. On ne sait pas quand on mourra. Il faut être prévoyant. » Et pour être prévoyant, Serge l’est. Il a déjà tout choisi. « J’ai déjà choisi le modèle de mon cercueil. Je vais être porté par des femmes. Ensuite, je serai exposé à la chapelle ardente. J’ai même déjà choisi mon costume. Pour le reste, c’est la compagnie qui gérera. » Autrefois qualifiées de glauques, aujourd’hui les funérailles sont à la limite du grandiose. Pour Pavi Ramhota, sociologue, le comportement évolutif du consommateur a provoqué ce changement au niveau des services funéraires. « Nous vivons dans une ère moderne, influencée principalement par l’Occident. En plus de cela, tout devient accessible. Les compagnies de pompes funèbres proposent énormément de services. Avec un forfait d’environ Rs 100 par mois, on peut avoir un service haut de gamme à sa mort. Avec la hausse du niveau de vie, on veut tous avoir une belle cérémonie le jour de ses funérailles. »Et les traditions dans tout ça ?
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Mais qu’en est-il des traditions ? Pavi Ramhota se dit persuadé que les innovations dans la manière d’organiser des funérailles n’impactent pas forcément sur les traditions. « Les systèmes religieux n’ont pas changé à cause des innovations dans ce secteur. Cette partie-là a été bien conservée. Les Mauriciens respectent la tradition et ils n’auraient pas accepté qu’on la modifie. Beaucoup de choses ont changé certes, mais pas les rituels. » Qui dit secteur en pleine expansion dit aussi secteur qui recrute. En cinq ans, l’entreprise où travaille Jessica Elie a multiplié son personnel par six.
Les pompes funèbres attirent des chercheurs d’emploi qui trouvent dans ce secteur des opportunités de gravir les échelons. Lizzie dit avoir commencé comme White Lady mais est aujourd’hui conductrice de corbillard.
« Quand j’ai rejoint la compagnie, je ne savais pas ce que j’allais faire ici. Je ne me situais pas. J’ai commencé par être porteuse. Aujourd’hui, je suis coresponsable des porteuses, mais aussi conductrice de corbillard. Je reconnais aujourd’hui que c’est un métier noble que je fais. Nous sommes aussi là pour soutenir la famille endeuillée. »
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Témoignages
Chantal Marivel: « Le personnel a été d’une grande aide »
Chantal Marivel a perdu sa mère en juillet dernier. Elle affirme avoir reçu un soutien considérable de la compagnie de pompes funèbres dont elle avait retenu les services. « Ma maman était très malade, elle est décédée un après-midi. Nous avons tout de suite appelé une compagnie de pompes funèbres. Les employés de la compagnie sont arrivés dans les minutes qui ont suivi avec un médecin pour constater le décès. Ils nous ont expliqué ce qu’il fallait faire. En un rien de temps, ils sont repartis avec le corps de ma maman qui allait être exposé dans leur chapelle ardente. » Chantal soutient que le service offert a dépassé ses attentes ainsi que celles de ses proches. « Quand nous sommes arrivés à la chapelle ardente pour la veillée, ma mère était habillée, maquillée et coiffée. Elle était belle sur le canapé. On aurait cru qu’elle respirait la vie. Le personnel de la compagnie nous a été d’une grande aide. Tout a été fait avec minutie jusqu’à la crémation. »Sharmila: « Professionnalisme et empathie »
La tante de Sharmila est décédée en octobre dernier. Sharmila a fait appel à un service de pompes funèbres qui lui a apporté un peu de réconfort. « Ma tante vivait seule. Elle n’avait ni conjoint, ni enfant. Son unique frère vit à l’étranger. Ce dernier a dû faire le déplacement pour assister aux funérailles et il a fait appel aux services d’une compagnie de pompes funèbres. Le corps était à l’hôpital. C’est la compagnie qui a fait transporter le corps à sa résidence. Elle a aussi effectué les démarches administratives. Ensuite, les employés ont assuré l’habillement, le maquillage, l’embaumement. La société nous a fourni un canapé réfrigérant et le lendemain, elle a fait le nécessaire pour les funérailles. Nous avons dépensé entre Rs 15 000 et Rs 20 000 mais nous avons été très satisfaits du service. » Sharmila soutient aussi que le personnel sait conjuguer professionnalisme et empathie. « Ils ne le font pas juste parce que c’est leur métier. Ils apportent une touche humaine à leurs actions. » Il y a quelques années, Sharmila avait perdu sa belle-sœur. Aujourd’hui elle sait faire la différence en ce qui concerne des pompes funèbres. « J’ai vécu les funérailles de ma belle-sœur où nous n’avions pas fait appel aux services d’une telle compagnie. Tout avait été fait dans la plus pure tradition. Nous avions nous-mêmes construit le palanquin, acheté les vêtements. Nous avions dû nous-mêmes habiller la défunte et je peux vous dire que ce n’est pas facile du tout de mettre un saree sur une personne décédée. Alors que la personne qui est venue habiller ma tante l’a fait en deux temps trois mouvements. Elle est formée pour cela. »Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !