- La première décision de la Gouverneure Muthoora Thakoor attendue
La Banque de Maurice tiendra, ce mercredi 12 novembre, la première réunion du Monetary Policy Committee (MPC) présidée par sa nouvelle Gouverneure, Priscilla Muthoora Thakoor. Une décision clé est attendue sur le taux directeur, dans un contexte de croissance ralentie et d’inflation maîtrisée, mais persistante.
La réunion du MPC, qui se tient aujourd’hui à la Banque de Maurice (BoM), s’annonce décisive pour l’orientation de la politique monétaire du pays. Alors que le taux directeur est maintenu à 4,5 % depuis mai dernier, les signaux économiques se multiplient : ralentissement de la croissance, inflation globalement sous contrôle et incertitudes géopolitiques pesant sur les perspectives internationales. Les analystes se divisent entre ceux qui anticipent une baisse prudente du taux, afin de soutenir la consommation et l’investissement, et ceux qui misent sur un statu quo, par souci de prudence. La décision de la nouvelle Gouverneure de la BoM sera ainsi scrutée comme un indicateur fort de sa vision économique.
Certains analystes anticipent une baisse prudente du taux, afin de soutenir la consommation et l’investissement, alors que d’autres misent sur un statu quo, par souci de prudence. La décision de la nouvelle Gouverneure sera ainsi scrutée comme un indicateur fort de sa vision économique.»
Amit Bakhirta, CEO d’Anneau, estime qu’il est plausible que nous assistions à une baisse des taux d’intérêt d’au moins 0,25 %, pour atteindre 4,25 %, ou, au pire, à un maintien du statu quo. « Compte tenu des estimations de croissance économique de +3,1 % pour 2025, d’une inflation globale en hausse à 3,50 % en octobre 2025 et du fait que nous sommes actuellement dans un cycle de normalisation économique, la BoM pourrait être tentée d’aligner sa politique monétaire sur celle de la Réserve fédérale américaine (Fed) et de la Banque centrale européenne (BCE), afin de stimuler la croissance », explique-t-il. Par ailleurs, ajoute-t-il, sur le plan international, les pressions sur les prix des matières premières restent modérées, le prix du pétrole brut se maintenant notamment sous la barre des 60 dollars américains le baril. « Malgré l’inversion de la tendance inflationniste intérieure, qui s’oriente à la hausse depuis mai 2025, on peut s’attendre à ce que la BoM modifie sa politique monétaire pour la première fois depuis décembre 2022 », soutient-il.
Prudence et continuité
Sanjay Mungur, CEO de FinClub, estime pour sa part que le scénario dominant reste celui d’un statu quo, dans une logique de prudence et de continuité. « Néanmoins, les conditions actuelles laissent entrevoir une fenêtre pour un ajustement mesuré, avec une baisse du taux directeur de 0,5 % », affirme-t-il. Selon lui, l’inflation poursuit sa décrue, la croissance ralentit et plusieurs secteurs clés, comme la construction et les PME, montrent des signes d’essoufflement. « Une telle décision permettrait d’alléger la pression sur les ménages déjà fortement endettés, tout en stimulant l’investissement et la consommation », fait-il ressortir.
Cédric Beguier, Head of Investment Strategy chez AXYS Group, est d’avis que la position la plus probable est un statu quo sur le taux directeur, maintenu à 4,50 %. « Les dernières données montrent que l’inflation est en phase de stabilisation, dans la partie haute de la fourchette visée : 4,1 % en glissement annuel en octobre, et 3,4 % en moyenne sur 12 mois à fin septembre », indique-t-il. Il ajoute que la croissance mauricienne se normalise autour de 3 %. « Dans ce contexte, la BoM devrait conserver une posture de prudence afin de ne pas pénaliser davantage l’activité, tout en gardant un ancrage crédible contre l’inflation », dit-il.
Le marché, poursuit-il, ne s’attend donc pas à un mouvement brutal, mais plutôt à une confirmation de la trajectoire actuelle et à une communication plus détaillée sur les conditions qui pourraient justifier une détente ultérieure.
Priscilla Muthoora Thakoor face à sa première grande décision monétaire

Depuis que la nouvelle Gouverneure de la BoM, Dr Priscilla Muthoora Thakoor a pris officiellement ses fonctions en septembre dernier, c’est la première fois qu’elle présidera le Comité de politique monétaire. Pour Sanjay Mungur, il s’agit d’une réunion importante sur le plan institutionnel. « Forte de plus de 15 années d’expérience au Fonds monétaire international (FMI), la nouvelle Gouverneure apporte une compréhension approfondie des politiques macroéconomiques et financières, ainsi qu’une vision internationale des défis auxquels font face les petites économies ouvertes comme Maurice », affirme-t-il. Sa décision, dit-il, reposera sur les indicateurs de croissance, d’inflation et de crédit, ainsi que sur l’évolution du contexte international. « Le statu quo représenterait une forme de continuité, mais une réduction modérée du taux directeur traduirait une volonté de restaurer la confiance et de renforcer la compétitivité de l’économie mauricienne », avance-t-il. Selon lui, les grandes incertitudes géopolitiques telles que tensions en Ukraine et au Proche-Orient, rivalités économiques entre les États-Unis et la Chine pèsent encore sur la visibilité mondiale. « Toutefois, leur impact immédiat s’est stabilisé, offrant à la BoM une marge pour ajuster progressivement sa trajectoire monétaire avec discernement et courage. Dans ce contexte, le marché, les observateurs et l’ensemble des acteurs économiques attendent avec impatience sa première décision, qui donnera le ton de la nouvelle trajectoire monétaire du pays », soutient-il.
Pour sa part, Amit Bakhirta rappelle qu’il appartient au Comité de politique monétaire de définir la politique à mener pour maintenir la stabilité des prix, tout en favorisant un développement économique harmonieux et équilibré. « Il a été rapporté que l’approche de la nouvelle Gouverneure est fondée sur les données. L’indépendance de la Gouverneure est essentielle », souligne-t-il.
Cédric Beguier estime, lui, que cette première réunion est importante, car elle donnera le ton du nouveau gouvernorat. « Tout indique que la nouvelle Gouverneure veut installer une approche plus ‘data-driven’, plus transparente et mieux alignée sur les standards internationaux. On devrait donc s’attendre à une communication insistante sur deux points », affirme-t-il.
Premièrement, la volonté de préserver la crédibilité anti-inflation. Deuxièmement, la reconnaissance que l’économie montre des signes de ralentissement et qu’il faudra soutenir la croissance si l’environnement externe se dégrade. « Autrement dit, le message sera probablement celui d’une prudence active : pas de relâchement prématuré, mais ouverture à un assouplissement graduel si l’inflation continue de se replier et si la demande intérieure faiblit », avance-t-il.
Croissance vs inflation : un équilibre délicat
Selon Amit Bakhirta, la BoM peut équilibrer la nécessité de soutenir la croissance tout en maîtrisant l’inflation en amorçant un cycle d’assouplissement monétaire à court terme d’au moins 0,25 %, même s’il aurait personnellement opté pour des taux plus élevés l’an dernier afin de dynamiser la roupie. « Les anticipations d’inflation étant relativement maîtrisées à ce stade, il me semble primordial de privilégier la croissance économique, notamment à l’horizon 2026, via les mécanismes de transmission monétaire », soutient-il.
Pour lui, dans un contexte de liquidités abondantes, ces mécanismes restent relativement inefficients, « ce qui explique les efforts continus du FMI et les instruments à court terme visant à améliorer leur efficacité », poursuit-il.
De son côté, Sanjay Mungur estime que le défi consiste à soutenir la croissance sans compromettre la stabilité des prix. « Dans le contexte actuel, une baisse de 0,5 % du taux directeur offrirait un soulagement tangible. Elle réduirait le coût de l’emprunt pour les ménages, soutiendrait leur pouvoir d’achat et relancerait la confiance économique. Elle donnerait aussi de l’air aux secteurs en tension, en particulier la construction, qui a fortement ralenti, et les PME dont les marges sont comprimées par la hausse des coûts salariaux et des intrants », fait-il ressortir. Selon lui, un taux légèrement plus bas encouragerait également l’épargne et l’investissement productif, deux leviers essentiels pour une reprise durable.
Pour sa part, Cédric Beguier rappelle que le rôle du taux directeur est de servir de point d’ancrage aux conditions financières. « S’il est trop bas, il soutient le crédit et la consommation, mais accroît le risque de dépréciation de la roupie, et donc d’inflation importée. S’il est trop haut, il protège la stabilité des prix mais freine l’investissement et la demande domestique », explique-t-il. Dans le contexte actuel, dit-il, la bonne stratégie pour la BoM est une approche graduelle : garder le taux à un niveau compatible avec la désinflation en cours, utiliser d’autres instruments (gestion de la liquidité, interventions ciblées sur le marché des changes, communication) pour éviter une volatilité excessive de la roupie, et ne baisser le taux directeur que lorsque les données confirmeront à la fois un reflux durable de l’inflation et un besoin plus marqué de soutien à l’activité. « Cela lui permet de remplir son double objectif : préserver la stabilité des prix tout en ne fermant pas la porte à la croissance », avance-t-il.
Évolution du Key Rate
| Dates clés | Décision du MPC |
|---|---|
| 14 décembre 2022 | Taux directeur augmenté de 4 % à 4,5 % |
| 15 juin 2023 | Taux directeur maintenu à 4,5 % |
| 15 septembre 2023 | Taux directeur maintenu à 4,5 % |
| 28 novembre 2023 | Taux directeur maintenu à 4,5% |
| 3 avril 2024 | Taux directeur maintenu à 4,5 % |
| 11 juillet 2024 | Taux directeur maintenu à 4,5 % |
| 20 septembre 2024 | Taux directeur réduit de 4,5 % à 4 % |
| 4 février 2025 | Taux directeur augmenté de 4 % à 4,5 %. |
| 7 mai 2025 | Taux directeur maintenu à 4,5% |
| 13 août 2025 | Taux directeur maintenu à 4,5 % |
| Source : La Banque de Maurice | |
Évolution du taux d’inflation
| Mois | Inflation globale (%) |
|---|---|
| Janvier | 3,3 |
| Février | 2,8 |
| Mars | 2,5 |
| Avril | 2,6 |
| Mai | 2,7 |
| Juin | 2,9 |
| Juillet | 3,1 |
| Août | 3,3 |
| Septembre | 3,4 |
| Octobre | 3,5 |
| Source : Statistics Mauritius | |
Évolution de la croissance
- 2022 : 8,3 %
- 2023 : 4,7 %
- 2024 : 4,9 %
- 2025 : 3,1 % (prévision)
Statistics Mauritius : « Cette prévision repose sur les informations récentes concernant les projets d’investissement publics et privés, notamment dans les infrastructures routières, le drainage et les logements sociaux, ainsi que sur les mesures annoncées dans le budget 2025/2026. »
L’influence de la récente baisse des taux de la Fed
Amit Bakhirta se dit confiant que la récente baisse des taux de la Fed pourrait jouer un rôle déterminant. « Que la stabilité et l’appréciation ciblée de la roupie soient un facteur déterminant ou non, cette prochaine réunion du Comité de politique monétaire constituera un signal clé », fait-il ressortir. Selon lui, le différentiel de taux d’intérêt entre le dollar américain et la roupie se situe actuellement à un niveau raisonnable de -0,50 %, contre un pic de 1,00 % sur la période juillet 2023 – septembre 2024. « Par rapport à l’euro, cet écart s’établit à -2,35 %, contre un sommet de 0,00 % en septembre 2023 », indique-t-il. Ainsi, dit-il, il existe une marge de manœuvre pour une légère baisse des taux d’intérêt, sans incidence sur le portage de la roupie.
Pour sa part, Sanjay Mungur estime que, dans un contexte où l’inflation reste majoritairement importée, le maintien de taux élevés n’apporte pas de réponse structurelle. « La récente baisse des taux de la Fed de 0,25 % crée un environnement international plus favorable en réduisant la contrainte extérieure. En somme, une baisse modérée de 0,5 % constituerait un signal équilibré pour soutenir l’activité tout en préservant la stabilité monétaire », explique le CEO de FinClub.
De son côté, Cédric Beguier estime que la baisse des taux de la Fed réduit la pression externe sur la BoM, notamment sur le différentiel de taux et sur les flux de capitaux. « Cela lui donne davantage de marge pour privilégier la stabilité interne, c’est-à-dire maintenir le taux directeur sans crainte immédiate d’un arbitrage massif en défaveur de la roupie. En revanche, cette détente américaine ne se traduira pas automatiquement par une baisse des taux à Maurice », soutient-il. Selon lui, le MPC restera guidé d’abord par les paramètres domestiques, en particulier l’évolution de l’inflation importée et la stabilité du taux de change. « On peut dire que la Fed ouvre une fenêtre de flexibilité, mais ne dicte pas la décision », dit-il.
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