Politique

The Political History of Mauritius : l’ouvrage posthume du dernier historien du Labour

The Political History of Mauritius

Le 3e tome de The Political History of Mauritius, lancé il y a deux semaines, a toutes les caractéristiques d’un ouvrage posthume en raison de la disparition de son auteur, Moonindra Nath Varma, il y a quelques mois. Avec cet ouvrage, ce dernier ferme la boucle de son histoire du Parti travailliste dont il fut, sans conteste, le dernier biographe.

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Quelques jours après son décès, nous écrivions, dans cette page : « Il était un des derniers témoins et protagonistes, souvent dans l’ombre, de l’ascension du Parti travailliste (PTr), mais aussi des années sombres de ce parti. L’historien Moonindra Nath Varma, décédé le vendredi 19 janvier 2018, a surtout apporté son éclairage sur l’histoire sociale et politique de Maurice jusqu'à ses derniers jours, au moment où il complétait les deux derniers livres du 2e tome de The Political History of Mauritius. »

L'auteur était très proche du PTr mais il n'a pourtant jamais été tenté par une investiture sur la liste Labour. À son fils, Yatin, il a raconté comment  à deux reprises, il s’est trouvé devant le choix de se lancer dans l’arène politique. «  Une première fois, aux élections de 1959, Sir Seewoosagur Ramgoolam (SSR) lui avait proposé l’investiture travailliste à Vieux Grand-Port. Mais il avait posé cette question au leader du PTr : ' Si vous aviez à donner un conseil à votre propre fils, est-ce que vous lui demanderiez d’être candidat ?' Sir Seewoosagur lui a répondu : ‘Non’.  À ce moment-là, il a décliné l’offre ».  En 1963, ce sera au tour de l’Independent Forward Block (IFB) de lui offrir un ticket face au travailliste Aunauth Beejadhur et, devant son refus, la proposition échouera à Anerood Jugnauth qui gagnera l’élection.  

Toujours selon Yatin Varma, cette fois, à la demande de Jules Koenig, Francis Sadien, ex-PTr passé dans le camp PMSD, avait approché Moonindra Nath Varma pour lui demander de rejoindre le parti des Bleus. « Mon père avait, bien entendu, refusé l’offre », dit Yatin Varma.

C’est sans doute pour avoir côtoyé de si près les barons rouges, entendu des conversations - celles des coulisses en particulier -, observé de près les principaux acteurs de la scène politique locale que Moonindra Nath Varma a pu achever la rédaction de cette trilogie qui, à défaut d’être très analytique, offre une chronologie politique très intéressante. Bien entendu, l’auteur est un laborite pur jus, grand admirateur de Ramgoolam père, mais il a su restaurer avec honnêteté l’ambiance qui allait précipiter la chute de Ramgoolam fils et du PTr en décembre 2014.

S’est-il trompé dans la description qu’il livre du Paul Bérenger, encore jeune et qui, de retour à Maurice, est tenté de rejoindre les rangs du PTr et sans doute pour le tirer vers l’extrême-gauche avec les promesses d’un grand soir sans classe ? Non, car Moonindra Nath Varma, un peu comme Ramgoolam père, socialiste pragmatique mais également traité de dangereux bolchevique par l’oligarchie, sait que les Mauriciens, toutes communautés confondues, détestent les  remises en cause brutales. Sir Seewoosagur Ramgoolam et sir Gaëtan Duval, faux frères ennemis, le savaient déjà. D’où la coalition du PTr et du PMSD, parti dont la grande majorité de partisans anti-indépendantistes et fanatisés par le même Duval, iront rejoindre les rangs du MMM naissant.

C’est dans le volume 2, couvrant la période 1984-1995, que l’auteur tente de cerner la personnalité de Paul Bérenger et de sir Anerood Jugnauth (SAJ), à l’aube de la première victoire de 60-0 dans l’histoire des législatives de Maurice; de la cassure qui s’ensuivit; des rapports complexes entre Harish Boodhoo, Paul Bérenger et Anerood Jugnauth; de la tentative du MMM d’asseoir la suprématie du parti, d’inspiration léniniste sur toute autre forme de pouvoir, à commencer par la Constitution. C’est aussi durant cette période que se forgera la personnalité de SAJ dont on sait qu’il n’a jamais adhéré à l’idéologie marxiste – il faut ici souligner que Bérenger n’a jamais été communiste, choisissant de se définir comme « marxiste libertaire »-, préférant le pragmatisme, le respect des institutions à la dictature du parti, l’économie de marché au socialisme, l’obéissance à la contestation, bref des traits empruntés à Lee Kwan Yu qui plaçait les intérêts de Singapour avant toute autre forme de solidarité avec les autres pays. Cela a fini par payer. L’auteur le raconte bien dans ce deuxième volet tout en mettant en exergue l’opposition du MMM à cette stratégie de développement tirée au centre par le duo Duval-Lutchmeeraidoo. Moonindra Nath avait trouvé cette phrase pour expliquer la nature de la combativité de Paul Bérenger, qui ne s’est jamais démentie.

« The more he was humiliated, the stronger he became and emerged to challenge, defy and retaliate. The hurt he had endured, the guilt he felt and the helplessness he had suffered made him more energetic, committed and resilient. »C’est à ce moment précis que Navin Ramgoolam, après une longue période d’absence de leadership au PTr, fait son entrée sur la scène politique mauricienne et Paul Bérenger dira que le fils de SSR incarne la modernité. Plus tard, on sait comment il se déjugera.

Moonindra Nath Varma n’a pu assister à la publication de son dernier ouvrage. C’est son fils Yatin qui se chargea de le publier et de le lancer. Ces trois volets sont d’une lecture aisée et très instructive pour tout Mauricien qui veut s’imprégner de l’histoire contemporaine politique de Maurice.

The Political History of Mauritius, volumes 1 et 2, de Moonindra Nath Varma
Publié par Star Publications PVT LTD, New Delhi


L’affaire Medpoint

Peut-on conclure de cet épisode qu’il a marqué le début d’une inimitié irrémédiable ?  Nullement, car  aux élections législatives de 2010, le MSM souffla une alliance avec le PTr sous le nez du MMM. Puis en 2011 éclata l’affaire Medpoint, qualifiée de «  scandale du siècle » par Paul Bérenger où l’Icac convoqua Maya Hanoomanjee et l’arrêta. Elle fut poursuivie sous une accusation provisoire de « making use of her position for gratification for another person ». Cette arrestation puis la remise en liberté sous caution de Hanoomanjee, alors ministre de la Santé, provoqua le départ du gouvernement du MSM et marqua la fragilisation du PTr. Elle contribua au rapprochement entre le MSM et le MMM. On connaît la suite… On sait aussi que l’issue de l’affaire Medpoint sera déterminante lorsque les Law Lords du Privy Council rendront leur verdict vers mi-janvier 2019.

Siège du Leader de l’Opposition
De 1996 à 2017, période traitée par l’auteur dans le 3e volume, l’on assiste à la montée en puissance de Navin Ramgoolam. En fin politicien, SAJ comprend déjà que ce dernier bénéficie d’un bassin de partisans hérité de l’ère postcoloniale et d’un appareil de parti. De son côté, son parti, a souffert du départ du trio Daby-Lutchmeenaraiodoo-Ramjuttun sacrifié au nom de l’accord avec le MMM et que Bérenger avait exclu de son équation. Aux législatives de 1991, l’alliance MMM-MSM remporte une écrasante victoire face au PTr-PMSD, Navin Ramgoolam héritant du poste de chef de l’opposition et sir Gaëtan Duval repêché par le Best Loser System. Mais c’est aussi durant cette période que SAJ s’emploiera à faire perdre à Ramgoolam son poste en raison des vacances prises par ce dernier pour poursuivre ses études de Droit en Angleterre. Il se passa un épisode très révélateur de l’hostilité profonde entre les deux hommes. SAJ avait demandé et obtenu du Speaker de l’époque, Iswardeo Seetaram, d’organiser une session de l’Assemblée nationale, qui avait été ajournée,  afin de déclarer le siège de leader de l’opposition vacant car ce jour,-là soit le 26 janvier 1992, il était à Londres.  Ce même jour, Ramgoolam rentra à Maurice et apprit que son siège avait été déclaré vacant. Il se trouva qu’un Order Paper avait été transmis la veille du 26 janvier aux parlementaires afin qu’ils soient présents durant cette session du parlement convoquée avec pour seule motion de déclarer vacant le siège de Navin Ramgoolam. Ce dernier saisit alors la Cour Suprême et avec le témoignage de Paul Bérenger, celle-ci rendit un verdict en faveur de Navin Ramgoolam.

 

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