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Pluviométrie en baisse : le changement climatique pointé du doigt 

Maurice fait face en ce moment à une sécheresse météorologique et hydrologique. Les pluies passagères ne sont pas suffisantes pour remplir nos réservoirs. Pourquoi la pluviométrie continue-t-elle d’être déficitaire et quels sont les facteurs à l’origine de ce phénomène ? Des experts font le point. 

Prithviraj Booneeady est le directeur par intérim de la station de Vacoas. Il explique que la sécheresse météorologique est caractérisée par un déficit de la pluviométrie qui persiste durant une longue période. La sécheresse hydrologique se produit lorsque les approvisionnements en eau de surface et souterrains sont inférieurs à la normale.

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Déficitaire depuis août 2022

« À présent, on est dans une situation sécheresse météorologique et hydrologique. On a enregistré une pluviométrie déficitaire depuis août 2022 avec des réservoirs presque à secs », fait-il ressortir. Prithviraj Booneeady met l’accent sur le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) publié cette année. Ce document fait mention d’une multiplication des phénomènes extrêmes liés au changement climatique. Maurice, une des petites iles, sera davantage exposée aux phénomènes extrêmes comme des périodes prolongées de sécheresse avec une pluviométrie inférieure à la moyenne saisonnière.

Pas de cyclones 

L’hydrologue, Farook Mowlabacus évoque aussi le changement climatique qui provoque des conditions extrêmes, dont la sécheresse et la pluviométrie en baisse. « Nous n’avons pas eu de gros cyclones ces 20 dernières années, encore moins des systèmes qui sont passés au plus près de Maurice. Ce sont les cyclones qui amènent les grosses pluies, bénéfiques aux réservoirs », indique-t-il. 
Les pluies de ces derniers jours ne suffisent pas. « Il faut qu’il pleuve pendant au moins trois jours et qu’il y ait des ruissellements d’eau pour que le taux de remplissage des réservoirs grimpe.  On peut recueillir 130 mm de pluie en 24 h dans un endroit comme cela a été le cas dernièrement, mais ce n’est pas pour autant que la situation va s’arranger. L’eau va dans la mer », indique l’hydrologue. Ce dernier ajoute que c’est également un fait que le « rain pattern » a changé. 

Baisse de 8 %

L’ingénieur en environnement, Vassen Kauppaymuthoo avance que la pluviométrie varie annuellement en fonction des saisons. « Les services météorologiques ont déterminé que la pluviométrie avait baissé de 8% sur le long terme entre 1950 et 2000 à cause du changement climatique. Une situation causée par le changement climatique, non seulement au niveau de l’atmosphère, mais aussi par les océans qui stockent désormais d’énormes quantités de chaleur, au point où l’on parle aujourd’hui de vagues de chaleur océaniques (comme les canicules sur terre) », soutient notre interlocuteur. Ces vagues de chaleur causent un changement de la circulation océanique globale et du dipôle océanique de l’océan Indien qui est équivalent aux phénomènes climatiques El Niño et La Niña dans l’Océan Pacifique. « Ce phénomène de balancier avec des zones, où la température de l’eau des océans est plus chaude d’un côté du bassin et plus froide de l’autre, entraine des sécheresses d’un côté de l’océan Indien et des pluies torrentielles de l’autre. Ce système influencerait également la formation et la trajectoire des cyclones dans notre région », dit-il.

pluviometrie

Vassen Kauppaymuthoo ajoute que ce sont des phénomènes complexes qui ne commencent à être compris que récemment. Ils font encore l’objet de diverses recherches, car la climatologie et l’océanographie sont des sciences complexes. Celles-ci demandent une intégration complexe d’un nombre phénoménal de données, parfois disparates. À titre d’exemple, il évoque le phénomène de la formation et du développement des nuages. Ce phénomène est tellement complexe qu’il ne peut même pas être modélisé avec les ordinateurs les plus puissants du monde. Dans ce cas, nous parlons de modélisation de l’atmosphère (y compris les nuages), des océans et des interactions entre les deux.

Préparation

« Le projet Hydromet, piloté par la Commission de l’océan Indien (COI), va commencer à s’attaquer à cet épineux problème et on espère avoir plus de compréhension. Il nous permettra de mesurer et d’avertir / de prévoir les sécheresses ou les pluies torrentielles en avance et ainsi, mieux se préparer », indique l’ingénieur en environnement. Pour lui, il est clair qu’on ne peut remédier à la pluviométrie qui est en baisse ou aux pluies torrentielles. « Il faut comprendre qu'aujourd’hui, avec le changement climatique, on se retrouve dans des situations où après une sécheresse prolongée, une partie de l’ile est sous les eaux alors que l’autre est sous le soleil. Tel a été le cas le mardi 10 janvier dernier avec 124 mm de pluie à Plaisance, 5 mm de pluie à Albion et seulement 18 mm de pluie à Mare-aux-Vacoas », fait-il ressortir. 

Vassen Kauppaymuthoo souligne que le monde change et qu’il faut se préparer à faire face aux catastrophes naturelles. Diverses mesures doivent être prises, notamment : 

  • Augmenter le captage et le stockage de l’eau de pluie individuellement et au niveau de la CWA.
  • S’attaquer aux connexions illégales.
  • Réparer les tuyaux défectueux. 

« Cependant, ce travail ne pourra pas se faire sans l’apport de tous et sans une réflexion en profondeur, intégrée, comprenant tous les acteurs, mais aussi les compétences diverses », estime notre interlocuteur. 

Il déclare qu’il faudra penser et s’engager dans le long terme. « Malheureusement, les sécheresses de 1961, 1980 et 1998 ont été vite oubliées, une fois le retour  de la pluie. Est-ce que ce scénario va se répéter en 2023 ? Va-t-on s'attaquer aux vrais problèmes. Seul l’avenir nous le dira », conclut-il.

La gestion de l’eau décriée 

L’ingénieur en environnement, Vassen Kauppaymuthoo explique que la pluviométrie moyenne à Maurice sur la période 1971 à 2000 est environ de 2 000 mm par année, ce qui signifie qu’il tombe en moyenne plus de deux mètres d’eau sur toute l’ile (1 865 kilomètres carrés) en un an. « Ce qui fait des volumes d’eau énormes : 1 865 kilomètres carrés x 2 mètres de hauteur d’eau, soit plus de 3 730 millions de mètres cubes d’eau qui arrosent notre ile chaque année. Une partie de ce volume d’eau s'évapore (30 % soit 1 119 millions de mètres cubes. L'autre partie finit dans les rivières (« run-off », soit 60 %. ce qui équivaut à 2238 millions de mètres cubes) et le reste s’infiltre dans le sol pour alimenter les aquifères d’eau souterraine (10 %, soit 373 millions de mètres cubes) », explique-t-il. 

Il poursuit que la quantité d’eau disponible est donc l’eau qui s’écoule plus celle qui alimente les nappes d’eau souterraines, soit 2 611 millions de mètres cubes. Or, selon lui, la Central Water Authority (CWA) ne produit qu’environ 300 millions de mètres cubes d’eau et elle ne récolte ainsi que moins de 11 % de cette eau. « Sur ces 300 millions de mètres cubes, 180 millions de mètres cubes (soit 60 %) disparaissent dans la nature sous forme de fuites ou de connexions illégales d’après les chiffres disponibles », estime notre interlocuteur. 

Selon lui, si on considère que la population de Maurice de 1.2 million d’habitants consomme en moyenne 180 litres d’eau par jour, à laquelle il faut ajouter environ 50 000 touristes présents sur notre territoire à un moment donné, cela fait une consommation de 225 000 mètres cubes par jour, soit 82 millions de mètres cubes par année. L’agriculture consomme environ le même volume, mais l’eau retourne à la terre à travers la percolation.

« Notre consommation d’eau ne représente environ que 2 % de l’eau qui tombe à Maurice chaque année et 3 % de l’eau est utilisable à Maurice (ruissellement et eau souterraine). Quand on voit ce pourcentage, on comprend rapidement que le problème n’est pas lié à la pluviométrie, mais au système de gestion de l’eau », indique-t-il. 

Il fait la comparaison avec Dubaï avec une pluviométrie qui varie entre 140 mm et 200 mm par année, soit 10% de la pluviométrie à Maurice. Pour lui, il ne manque pas d’eau à Maurice.

 

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