Le Budget 2024-25 sera présenté dans des conditions qui diffèrent des années précédentes. Pour autant, Pierre Dinan est d’avis qu’il faut faire attention face aux pièges d’un Budget électoraliste. L’économiste aborde dans cet entretien les questions relatives à ce qui apparaît probablement comme le dernier Budget du Grand argentier.
Après une progression économique de 7 % en 2023, la Banque de Maurice table sur une croissance du PIB réel de 6,5 % en 2024. L’inflation est également en baisse alors que les prévisions de recettes touristiques sont en hausse. Peut-on dire que le Budget 2024-25 sera présenté dans des conditions économiques optimales ?
Je n’emploierai pas le terme optimal. Ceci dit, le Budget 2024-25 sera présenté dans de bonnes conditions dans la mesure où le pays sort du gros problème engendré par la pandémie. Il y a une amélioration de la situation macroéconomique par rapport à la période pandémique. Cependant, il ne faudrait pas se dire que tout est au mieux dans le meilleur des mondes possibles. Tant mieux si nos chiffres sont meilleurs que durant la crise, on ne peut qu’être content pour le pays. Toutefois, il convient de comparer ce qui est comparable. L’économie mondiale reprend, mais la reprise n’est pas des plus belles. Les États-Unis sont en campagne pré-électorale et l’économie chinoise n’affiche pas une forme olympique.
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Les consultations pré-budgétaires ont déjà commencé alors que Renganaden Padayachy se prépare pour son cinquième Budget. Il se peut d’ailleurs que ce soit le dernier Budget de l’actuel régime. Dans cette éventualité, est-ce que le concept de marge de manœuvre est futile ?
La marge de manœuvre est ce que le ministre des Finances choisira pour la situation présente. Je ne peux me mettre à sa place. Toutefois, tout gouvernement et par ricochet, tout ministre des Finances responsable, doit présenter un Budget où le maximum est fait pour que l’économie fonctionne correctement. Le maximum doit être fait en termes d’aides sociales aux plus nécessiteux. Le Budget ne doit pas causer de problèmes au niveau de la balance des paiements. Cela signifie également qu’il faudrait protéger la valeur de la roupie pour les temps qui viennent. Ce sont là les principes nécessaires.
Après la révision du salaire minimum et la hausse de la pension qui ne sont pas sans conséquence sur les dépenses de l’État, le ministre des Finances doit-il présenter le prochain Budget comme n’ayant aucune contrainte ?
La prudence est de mise, car le Budget n’est pas uniquement pour l’année qui suit, mais des mesures qui devront garder l’économie en état de bien se remettre de la pandémie. Évitons de tomber dans la tirade de Louis XV : après moi le déluge. J’insiste sur le fait qu’il faut à tout prix éviter que le Budget n’ait de conséquences désastreuses pour les années à venir.
Les mesures habituelles qui touchent à l’infrastructure, la création d’emploi, la formation ou encore des impositions favorables, doivent-elles avoir leur place dans le Budget 2024-25 ?
Absolument ! Le Budget doit être tel qu’il encourage que toutes les ressources dont nous disposons soient mises en valeur. Quelles sont ces ressources ? Il s’agit du capital humain, surtout les jeunes et moins jeunes. Notre espace maritime n’est pas suffisamment exploité. L’agriculture est aussi une ressource naturelle. Le gouvernement a beaucoup fait pour améliorer notre infrastructure et nous n’allons pas lui reprocher cela. Cependant, nos terres n’ont pas connu le même développement. Les terres ne concernent pas uniquement celles de Maurice, mais aussi de Rodrigues et d’Agaléga.
Sous l’effet de la Covid-19, les deux premiers Budgets du Grand argentier incitaient les ménages à se serrer la ceinture. Le contexte électoral qui prévaut supplée-t-il cette politique de ‘serre-ceinture’ qui était préconisée par le gouvernement suivant les années de crise ?
Il y a déjà un desserrement de la ceinture. Le salaire minimum a été augmenté avec pour conséquence une révision des rémunérations à travers tout le système. On pourrait qualifier cela de pré-budget. Cela influence le Budget qui va suivre. La question de ‘serre-ceinture’ ne se pose même plus.
L’enjeu du Budget 2024-25 pourrait être dicté par les élections générales en ligne de mire. Doit-on s’attendre à des mesures qui s’inscriraient dans le ‘feel-good factor’ que souhaite instaurer le gouvernement ?
Il faudra poser la question au ministre des Finances. Les rémunérations ont déjà été élevées. Ceci dit, la baisse des taxes indirectes, soit une réduction de l’income tax, ou de la TVA, iront dans le sens dont vous soulignez dans la question. Peut-on aussi s’attendre à une mesure concernant les produits pétroliers ? Va-t-il s’attaquer aux taxes indirectes ? Personnellement, je ne pense pas qu’il le fera. Si cela arrivait, cela aurait encore des conséquences sur le déficit budgétaire. Les taxes indirectes influencent les produits importés qui ne sont pas sans répercussions sur la balance des paiements. Les effets néfastes sur la balance des paiements se répercutent sur la valeur de la monnaie mauricienne. La Banque de Maurice est contrainte d’intervenir sur le marché intérieur des changes lorsque la balance des paiements est défavorable.
Plusieurs économistes mettent en garde contre les répercussions d’un Budget ‘labous dou’. Un Budget électoraliste risque-t-il de provoquer l’implosion de l’économie locale ?
Il ne suffit pas de regarder le côté déficit budgétaire, mais aussi d’avoir en tête les conséquences sur la valeur de la roupie et le déficit de la balance des paiements.
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