Piégée à 16 ans, cette jeune femme vit dans l’ombre. Alors en couple, elle a accepté de faire une sextape à la demande de celui qui était son petit ami. Mal lui en a pris. Deux ans après, cette histoire la hante toujours. Cette habitante de la capitale a porté plainte pour « Breach of Information & Communication Technologies Act ».
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En 2020, Rachel (prénom d’emprunt) a 16 ans et habite Belle-Vue-Maurel chez sa grand-mère maternelle. Car après la séparation de ses parents, sa mère a refait sa vie à Rodrigues. L’adolescente fait la connaissance d’un jeune homme de 17 ans, qui réside dans la région de Bambous. Elle tombe vite sous son charme. À ce moment-là, elle ne sait pas qu’elle a affaire à la personne qui gâcherait son adolescence et sa scolarité.
Rachel se met en couple avec lui. « Un jour, alors qu’on passait un moment intime chez moi, il a commencé à filmer nos ébats amoureux sur son téléphone. Je n’étais pas partante, mais il a réussi à me convaincre. Il m’avait promis qu’il garderait la vidéo privée. Il avait parlé d’amour. J’ai alors accepté », raconte la jeune femme qui habite aujourd’hui dans la capitale.
Cependant, la relation amoureuse du jeune couple ne dure que deux mois. Rachel pensait néanmoins que son ex-copain tiendrait sa promesse concernant la « sextape ». C’est pourquelle elle tombe des nues lorsqu’elle apprend que la vidéo a été publiée sur un site pornographique.
« Une copine m’a envoyé un lien. Et lorsque j’ai cliqué dessus, j’ai été dirigée vers une page pornographique. Je suis tombée sur la vidéo que mon ex avait filmée. Je me voyais dessus. J’étais à la fois paniquée et profondément blessée », confie-t-elle.
Déboussolée par la situation, elle appele son ex-petit ami. « Letan mo telefonn li, li dir mwa ki li ti pe sexchat ek enn lot tifi e linn al rate e linn al avoy mo video », poursuit Rachel. « J’ai rapporté la vidéo sur le site web et elle a été supprimée. Je pensais que le problème avait été résolu. » Sauf que ce n’est pas le cas.
« On m’insultait »
Deux mois après, son cauchemar commence. « Je ne cessais de recevoir des appels, des messages indécents, des insultes et jurons sur mon téléphone. C’est alors que j’ai appris que la vidéo avait réapparu. Elle était postée sur plusieurs pages pornographiques et sur Telegram », confie-t-elle.
Rachel reprend contact avec son ex-copain. « Li dir mwa ki sa dimoun ki pe fer sa la pe dir mwa aret ‘report’ sa video lor bann sit porno sinon li pou rann sa piblik dan Moris. C’est alors que j’ai compris qu’il se faisait de l’argent sur des sites web pornographiques avec cette sextape. Et lorsque je signalais la vidéo et qu’elle était enlevée, il ne recevait plus d’argent », explique-t-elle.
La vie de Rachel est bouleversée. Elle est alors en Form V. « J’ai échoué à mes examens à cause de ce problème. » Elle choisit de mettre fin à sa scolarité.
« D’abord, je ne pouvais plus me rendre à l’école. On me traitait de ‘pute’, la majorité des collégiens m’insultaient. On ne me respectait plus. Beaucoup de gens dans mon quartier ont vu la vidéo, la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. Dimoun so regar lor lari ti bien dir. Mo santi kouma dimoun pe koz mwa kouma mo fini pase. Alors que je ne suis pas ce genre de fille. J’ai été juste une fille amoureuse et bête… » lâche-t-elle.
Elle s’enferme chez elle pendant plusieurs mois, le temps que les ragots se calment. Par la suite, Rachel prend de l’emploi comme vendeuse dans un magasin.
« Quelque temps après, plusieurs personnes ont pris connaissance de la sextape dans laquelle je figure. Et c’était impossible pour moi de continuer de travailler… »
Modus operandi
La jeune fille décide alors de mener sa propre enquête. « Après des recherches sur les sites web, j’ai compris que je n’étais pas la seule victime de ce gars-là. Il y a eu d’autres filles dans la même situation que moi. Sauf que je ne connais pas leur identité. C’est à travers le ‘user ID’ qu’il utilise pour poster ses contenus que j’ai compris son mode opératoire. Bien qu’on ne puisse pas voir son visage dans les autres vidéos, j’arrive tout de même à reconnaître son corps », indique-t-elle.
C’est ainsi, poursuit Rachel, qu’elle a compris que son ex « berne ses compagnes en faisant référence à l’amour, afin de pouvoir obtenir sa vidéo ». Elle rassemble tous les éléments qu’elle peut trouver pour établir que c’est bien lui qui publie ces vidéos. Et se rend ensuite au Mauritius Cybercrime Online Reporting System à Ébène pour porter plainte.
« Sur place, j’ai raconté mon histoire à une femme, mais elle n’a pas enregistré ma plainte. Elle m’a demandé de rapporter l’affaire sur leur site web. J’ai fait ce qu’elle m’a demandé, mais rien n’a changé », soutient Rachel.
Elle se rend alors au poste de police de Piton. « Lorsque je me suis rendue au poste de Piton, les policiers ont visionné la vidéo sur mon téléphone. Et ils m’ont dit, ‘to ankor miner, to bann paran ki pou al gagn problem ladan’. J’étais découragée et j’ai renoncé à aller de l’avant avec cette affaire. »
« Mo nepli existe »
Rachel se renferme sur elle-même. « Je n’ai plus quitté la maison. J’ai effacé mes comptes sur les réseaux sociaux et j’ai évité les gens. Monn fer koumadir monn disparet, mo nepli existe », lâche-t-elle. Puis, elle élit domicile dans la capitale à l’âge adulte.
« Kan monn vinn res dan Porlwi lerla monn koumans sorti inpe. Lanvironma ti nouvo. Sa zafer la tinn kalme. »
Cependant, elle reçoit un énième message d’insulte d’un inconnu sur son téléphone cellulaire le dimanche 2 octobre. Elle se rend au poste de police de sa localité. « Grâce à Dieu, j’ai pu porter plainte pour ‘Breach of Information & Communication Technologies Act’ contre mon ex-copain. »
Elle a donné les détails sur son ex-petit ami, ainsi que le numéro de cellulaire de l’expéditeur inconnu qui l’a insultée. Le message était accompagné d’un GIF animé de sa sextape. Une enquête a finalement été ouverte.
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