Elles sont connues comme ‘Bat dan latet’, ’Murder’, ‘La poussier tomb’, ‘Salvia’, ‘Ce n’est pas bien’... Des substances illicites qui font des ravages auprès des jeunes. Survol des impacts.
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Aadil M., 22 ans : «J’ai failli mourir»
Le jeune homme raconte comment il est devenu accro à la drogue synthétique. La première fois qu’Aadil a fumé du cannabis, c’était chez un ami, alias Lapoud, âgé de 30 ans. Un beau, ou plutôt un mauvais jour, ce dernier l’appâte. « Lapoud avait de bonnes adresses, mais un jour, il m’a dit : ‘Zordi nou fim enn taba. Sa pwazon sa’, raconte Aadil. J’ai fumé mais tout de suite, je me suis senti mal en point. Ma langue est devenue pâteuse, ma bouche était engourdie et mon corps ne suivait plus mes mouvements. J’ai eu très chaud et j’ai perdu connaissance. »
Lorsque Aadil se réveille, son ami lui apprend qu’il a dormi pendant quatre heures. « J’avais passé tout l’après-midi chez lui et je ne me souvenais pas de grand-chose. Je lui ai demandé ce qu’il m’avait fait fumer et il m’a répondu : ‘Mo ti byen dir twa pwazon sa’. » Cela n’a pas refroidi Aadil. Il est retourné chez son ami de plein gré, une deuxième, voire plusieurs fois.
« Je lui donnais de l’argent et je lui ai moi-même demandé d’appeler ses contacts pour nous acheter la même chose que j’ai beaucoup consommé. Parfois, ce n’était pas le même nom, ni la même matière, mais l’effet était aussi direct que rapide. J’aimais ça ! » Il finit même par laisser tomber son ami pour faire cavalier seul. « Une fois, Lapoud m’a dit qu’il ne voulait plus fumer de la drogue synthétique, je ne comprenais pas pourquoi et j’ai cessé de le voir. »
Aadil ne se rendait pas compte qu’il en était accro. « J’ai commencé à avoir de mauvaises fréquentations, je connaissais tous les noms de drogue synthétique et je les ai tous essayés jusqu’au jour où mon cœur a semblé s’arracher de ma poitrine. J’ai failli mourir », confie-t-il avec tristesse. Il a été hospitalisé pendant une semaine à l’hôpital Brown-Séquard en cure de désintoxication. Depuis Aadil ne touche plus à la drogue.
Selven Govinden : «Personne n’est à l’abri»
«La situation est alarmante ! » C’est le cri du cœur de Selven Govinden, porte-parole du Cannabis Legalization and Informative Movement (Claim). Une association qui mène un combat pour la légalisation du cannabis à Maurice. Objectif : éduquer le public en engageant des débats se fondant sur des recherches et des statistiques internationales. Pour lui, le pire, c’est que cela touche les personnes de tout âge.
« C’est un gros fléau qui ronge notre société. Personne n’est à l’abri de ce type de drogue car elle est bon marché, très accessible et peut être fabriqué par n’importe qui. C’est ce qui a permis à la drogue synthétique de prendre de l’ampleur à Maurice. Nous en avons entendu parler et nos jeunes sont les plus vulnérables. Même les moins de 15 ans ont eu accès à cette drogue », indique Selven Govinden.
Il y a aussi une féminisation de la consommation de cette drogue, selon le porte-parole de Claim. « Pendant notre travail sur le terrain, nous avons rencontré beaucoup de femmes qui ont touché plus d’une fois à une drogue de synthèse, à défaut de la marijuana ou en raison de son coût, souligne Selven Govinden. Pour le porte-parole du Claim, la meilleure prévention, c’est de ne pas en consommer. « Il est préférable d’éviter d’en prendre. D’abord, pour en diminuer la vente et la faire disparaître, et ensuite pour votre propre santé. »
Les membres du Claim sont en faveur de la légalisation ou du moins de la dépénalisation du cannabis à Maurice. « C’est à travers sa légalisation qu’il y aura un meilleur contrôle. Cette plante peut aider à soigner plusieurs maladies car elle comporte des vertus bénéfiques », avance Selven Govinden. Il conseille aux jeunes, qui veulent se renseigner sur le sujet ou trouver de l’aide, de contacter des associations qui militent contre les drogues de synthèse à Maurice. Notamment Pils, Claim, Cut, le Centre solidarité pour une nouvelle vie ou le groupe No To Synthetik sur Facebook.
Imran Dhannoo : «Aucun protocole de traitement à ce type d’addiction»
Quelles sont les drogues de synthèse ?
Les drogues de synthèse existent depuis longtemps, comme le LSD, l’ecstasy ou le PCP (Angel Dust). Ces substances illicites sont aussi connues comme des designers drugs ou club drugs. Depuis 2008, le monde fait face à un nouveau phénomène connu comme les nouvelles drogues de synthèse (NDS).
Il s’agit de substances dont les principes actifs ne sont pas tous prohibés sous les conventions sur les drogues des Nations unies. Nous avons différentes familles de drogue de synthèse, comme le synthetic cannabinoid, le synthetic cathinone, le ketamine, phencyclidin, piperazine et les plant-based products ainsi que de nouvelles substances qui ont aussi fait leur apparition tombant sous d’autres groupes. Au départ, elles étaient vendues comme des spice products, bath salts, incense ou plant food.
À Maurice, c’est surtout le synthetic cannabinoid qui prévaut. L’objectif de ces nouvelles drogues de synthèse consiste à imiter les principes actifs des drogues conventionnelles. Chez nous, les nouvelles drogues synthétiques de la famille du cannabinoïde synthétique disponibles sont spice, black mamba, wasabi, strawberry, bat dan la tet, rambo (noms locaux). Les produits susmentionnés sont des plantes séchées ajoutées à d’autres substances toxiques.
Quels sont les effets généraux : physiques et psychologiques ?
Il est bon de rappeler que l’effet d’une drogue est tributaire de plusieurs facteurs, tels que le produit, la quantité du produit ingérée, la personnalité du consommateur, le mode de consommation, les mélanges inhérents et ajoutés à d’autres drogues et l’environnement. Quelques effets de ces drogues (de la famille cannabinoid synthetik) sont perte de contrôle, agitation accrue, tension artérielle élevée, palpitations cardiaques, paranoïa, délusion, hallucinations. Ces conséquences peuvent aussi entraîner la mort. Les jeunes parlent, eux, d’un nissa sauvage.
Quels sont les risques pour la santé ?
Ils sont immenses d’autant plus qu’on ne connaît pas la composition des substances de ces drogues de synthèse. Ils ont un complex chemistry avec des produits qui n’ont jamais été testés sur le corps humain.
Existe-il un traitement à cette addiction ? La méthadone, est-ce une solution ?
Dans le monde et à Maurice, nous n’avons aucun protocole de traitement à ce type d’addiction. La seule démarche thérapeutique est de soigner les symptômes manifestés par la personne ayant pris ce produit.
Akhilesh Bhauruth, policier : «Le contenu réel est méconnu»
«Au départ, la drogue de synthèse était principalement proposée sur Internet, mais de plus en plus, ils sont vendus par des dealers dans les lieux fréquentés par les usagers de drogue », soutient Akhilesh Bhauruth, policier.
Dans son métier, Akhilesh Bharuth a rencontré bon nombre de cas où des jeunes avaient consommé un de ces produits de synthèse. « Plusieurs fois, nous avons dû secourir ou accompagner des jeunes qui sont impliqués dans des cas d’overdose ou de crises psychologiques, les bad trips comme on dit, et aussi dans plusieurs décès. Certains voulaient mourir devant nos yeux. Ils ne tenaient plus en place. Ils devenaient fous. Les effets varient selon les produits, les consommateurs et leurs conditions physiques. »
Akhilesh Bhauruth attire l’attention sur le fait que le contenu est totalement méconnu la plupart du temps. « Il convient de noter que les acheteurs n’ont pour la plupart aucun moyen d’être certains du contenu réel ainsi que du degré de pureté de leurs achats, aussi soigneuse que soit la présentation. » Le plus dangereux, c’est le mélange de produits, selon le policier. « Ces produits sont souvent très puissants et le manque d’informations et de précautions élémentaires conduit parfois à des interactions avec d’autres substances qui peuvent se révéler dangereuses. Certains en consomment avec de l’alcool et de la marijuana, et cela ne fait qu’empirer leur état. »
Micro-Trottoir
Comment faire pour éliminer les drogues de synthèse ?
Wenda Basile, 24 ans :
« Il faut éradiquer cette drogue très vite car cela tue nos jeunes. Trop de familles perdent leurs enfants à cause de la drogue synthétique. Si cela s’annonce déjà de dette façon, je crains pour l’avenir des jeunes. On fait plus des campagnes contre la drogue synthétique ou on légalise le cannabis. »
Mevin Seeruttun, 20 ans :
« Il faudrait peut-être rendre le gandia légal. Ce n’est pas aussi facile d’éradiquer cette drogue car il y en a qui produisent eux-mêmes leur drogue synthétique. Cela se vend à très bon marché, beaucoup moins que le cannabis et la drogue dure. Donc, c’est très facile d’en obtenir. Il faut mettre la main sur les grands ‘cerveaux’ qui utilisent les jeunes pour propager cette drogue dangereuse. Les écoles sont aussi des zones d’opération de cette propagande. »
Chelsea Savrimootoo :
« Vouloir l’éradiquer, c’est une chose, mais le faire, c’est très difficile. Puisque même un collégien peut produire cette drogue. Je ne suis pas pour la marijuana, mais je pense que si c’était permis, il n’y aurait jamais eu de synthétique et il y aurait moins de morts car c’est quelque chose de naturel. »
Alpacino Cousinery, 22 ans :
« Il faut éliminer la drogue, mais tant qu’il y aura des producteurs, ce sera impossible. Si on réussit à empêcher une personne de la produire et de la vendre, il y aura toujours un autre qui prebndra le relais. »
Sivom Palen, 27 ans :
« Les gens ne vont jamais arrêter de prendre de la drogue. Il faudrait légaliser ou dépénaliser le cannabis. »
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