Mise à jour December 27, 2025, 8:00 pm

Petit par la taille : Shayann Juddoo transforme la différence en moteur de réussite

Ajagen Koomalen Rungen 
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À 31 ans, Shayann Nehilsingh Juddoo avance dans la vie avec une assurance paisible et une détermination forgée très tôt. Analyste bancaire, citoyen engagé et porte-voix discret mais puissant des personnes de petite taille, il a fait de sa différence une force. Portrait d’un homme qui ne cherche pas à être vu autrement, mais simplement reconnu pour ce qu’il est : libre, compétent et profondément humain.

Shayann Nehilsingh Juddoo n’élève jamais la voix. Il n’impose rien. Et pourtant, il laisse une empreinte durable partout où il passe. À 31 ans, installé à Curepipe, il mène une vie active, équilibrée, tournée vers l’avenir. Analyste en opérations réglementaires à Investec Bank Mauritius, après cinq années au sein de Standard Chartered Bank, il évolue dans un univers exigeant où la rigueur, la précision et la confiance sont essentielles. Des qualités qu’il incarne avec naturel.

Mais au-delà de son parcours professionnel, c’est l’homme qui intrigue, touche et inspire. Shayann est une personne de petite taille, atteinte d’achondroplasie, la forme la plus courante de nanisme. Une condition génétique qui n’a jamais limité son intelligence, ses ambitions ni sa capacité à rêver. « Ma taille fait partie de moi, mais elle ne me définit pas », dit-il simplement.

Une enfance entre continents et cultures

L’histoire de Shayann commence à Maurice, mais elle s’écrit très tôt à l’international. Il n’a que sept ans lorsqu’il passe deux années à Madagascar, une expérience marquante, puis dix années à Bangalore, en Inde, où ses parents travaillent comme expatriés dans l’industrie textile. C’est là qu’il effectue l’essentiel de sa scolarité secondaire.

Grandir entre plusieurs pays, plusieurs cultures, plusieurs regards aussi, forge un caractère. « Très jeune, j’ai appris à m’adapter, à observer, à comprendre les autres. Cela m’a rendu plus ouvert, plus résilient », confie-t-il. Cette diversité culturelle devient une richesse, un socle sur lequel il construit sa vision du monde.

Il est le cadet d’une fratrie de trois enfants, entouré de deux sœurs aujourd’hui âgées de 34 et 22 ans. Seul membre de la famille vivant avec le nanisme, il grandit dans un foyer aimant, attentif, protecteur sans être étouffant.

Le diagnostic, le choc… et la lumière

Ses parents découvrent son achondroplasie environ un mois après sa naissance. À l’époque, l’information médicale sur le sujet est limitée à Maurice. L’inquiétude est immense, les questions nombreuses. « C’est un moment de grande incertitude pour une famille », reconnaît-il.

La rencontre avec le Dr Bhimal Ramdenee, pédiatre respecté et éclairé, marque un tournant. Plus qu’un diagnostic, il offre des explications, de l’écoute, et surtout de l’espoir. « Il a accompagné mes parents médicalement, mais aussi émotionnellement. Cela a tout changé ».

Pour mieux comprendre la condition de leur fils et anticiper les défis à venir, ses parents rejoignent Little People of America (LPA), une association internationale de référence. Ils y trouvent des ressources, des témoignages, des repères. Aujourd’hui encore, Shayann est membre actif de cette organisation, convaincu que l’accès à l’information est souvent la clé de l’acceptation.

Grandir sous le regard des autres

Être une personne de petite taille, c’est apprendre très tôt à vivre sous le regard des autres. Les regards insistants, les questions intrusives, parfois les remarques maladroites ou blessantes, surtout dans les transports publics. « On vous parle comme à un enfant, même à l’âge adulte. Cela peut affecter l’estime de soi si l’on n’est pas solidement entouré ».

Heureusement, Shayann l’est. Sa famille, ses amis, et particulièrement son père, jouent un rôle déterminant. « Mon père m’a transmis des valeurs de respect, de discipline et de confiance. Il m’a appris à ne jamais me sentir inférieur ». Très vite, Shayann développe une maturité émotionnelle et une force intérieure qui l’aident à traverser ces épreuves sans amertume.

La liberté au volant

Il y a des victoires silencieuses qui valent mille discours. Pour Shayann, l’obtention de son permis de conduire en est une. Lassé des contraintes et des situations inconfortables liées aux transports publics, il décide de prendre son indépendance.

Aujourd’hui, il conduit librement un véhicule adapté, symbole puissant de son autonomie. « Conduire, ce n’est pas juste se déplacer. C’est choisir son rythme, son itinéraire, sa liberté ». Un message fort aussi pour les autres personnes de petite taille : oui, tout est possible avec les bons aménagements et la bonne information.

Une carrière bâtie sur la rigueur

Sur le plan académique, Shayann décroche un Bachelor of Commerce, avec une spécialisation en Business Law, à Curtin University Mauritius. Un choix réfléchi, aligné avec son goût pour l’analyse, la réglementation et la structure.

Il intègre ensuite le secteur bancaire, d’abord chez Standard Chartered Bank, puis chez Investec Bank Mauritius. Dans un environnement où la performance prime, il se distingue par son sérieux, son professionnalisme et sa discrétion. « Au travail, je suis jugé sur mes compétences. C’est exactement ce que je souhaite ».

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Ses proches ont été d'un grand soutien pour lui.
Ses proches ont été d'un grand soutien pour lui. 
Golf, engagement et art de vivre

En dehors du bureau, Shayann cultive l’équilibre. Depuis plus de cinq ans, il pratique le golf, un sport exigeant qui demande patience, concentration et précision. « Le golf m’apprend l’humilité. Chaque coup est un nouveau départ ».

Il est également membre actif de Round Table Mauritius, une organisation fondée sur l’amitié, le leadership et l’engagement caritatif. Donner de son temps, contribuer à la société, soutenir les plus vulnérables : des valeurs qui lui sont chères. 

Il aime la vie, les rencontres, les événements, les découvertes. « Vivre pleinement, c’est aussi oser sortir de sa zone de confort ».

L’acceptation comme renaissance

À 23 ans, Shayann traverse une étape décisive : celle de l’acceptation totale de son identité. « J’ai compris que je n’avais plus rien à prouver. Être moi suffisait ».

Depuis, il avance avec assurance, sans chercher à se justifier, sans vouloir disparaître ni se surcompenser. Il est là, simplement, solidement. Il compte aussi faire sa maîtrise en Banking and Insurance l’année prochaine.

Briser les tabous, changer les regards

Pour Shayann, le nanisme ne doit jamais être un sujet tabou. « Un enfant né avec cette condition, s’il est bien accompagné, peut mener une vie épanouie, ambitieuse et digne ».

Son inspiration ? Peter Dinklage, acteur mondialement reconnu, défenseur des droits des personnes de petite taille. « Il a prouvé que le talent n’a pas de taille ».

Aujourd’hui, des personnes de petite taille brillent dans les médias, le sport, la mode, l’art et l’activisme. Mais à Maurice, le manque de sensibilisation reste réel.

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Shayann Juddoo
Un projet pour demain

Dans les cinq à dix prochaines années, Shayann nourrit un rêve clair : créer une organisation mauricienne dédiée à la sensibilisation au nanisme. Un espace pour informer, accompagner les familles, défendre les droits et promouvoir une représentation juste et respectueuse.

Il insiste sur l’importance de Dwarfism Awareness Month, célébré chaque mois d’octobre à l’échelle mondiale, autour de trois piliers : 

  • Éducation, pour déconstruire les mythes
  • Plaidoyer, pour l’égalité des droits
  • Représentation, pour changer les récits
« Notre potentiel est infini »

Son message est simple, mais puissant. Les personnes de petite taille travaillent, conduisent, aiment, rêvent et réussissent. Elles respirent le même air, partagent le même monde, poursuivent les mêmes espoirs.

« Notre taille est différente. Notre potentiel, lui, est illimité ». Et Shayann en est la preuve vivante.
 

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