Le pays doit se réorienter par rapport à ses ambitions et prendre les décisions qui s’imposent. Un changement de mentalité, une ouverture pour favoriser une immigration intelligente, encourager l’innovation et la recherche, en faisant fi des tabous, des restructurations permanentes des piliers industriels, pérenniser notre environnement. Autant d’éléments suggérés par le panel d’un forum-débat organisé le samedi 3 mars au Salon Moris Mo Pei, tenu par Events Plus, Radio Plus et le Défi Media Group. Autour de Nawaz Noorbux, de Radio Plus, les intervenants étaient Georges Chung, conseiller au PMO, Amédée Darga, ancien ministre et directeur de Straconsult, l’économiste Afsar Ebrahim et Malenn Oodiah, observateur économique.
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Début des années 90. La deuxième phase de l’industrialisation est mise en place avec l’accent sur la mécanisation des industries manufacturières. Le secteur des services financiers se développe, avec une utilisation plus intéressée du traité fiscal conclu avec l’Inde. « Retenons que depuis 1983, Maurice n’a jamais connu une année de récession. Ces dernières années, la croissance économique se situait entre 3 et 4 %, ce qui est raisonnable, voire très bon. Le problème, c’est que, de l’autre côté, la population stagne. On ne peut demander à une entreprise qui compte une centaine d’employés de produire davantage. Sans aucun changement au niveau des ressources humaines, nous poursuivrons la même croissance de 3 à 4 % dans les années à venir », a soutenu Georges Chung.
Selon Amédée Darga, le progrès économique du pays est palpable au vu du produit intérieur brut réalisé par tête d’habitant. Il était de Rs 1 222 en 1968, contre Rs 354 000 aujourd’hui, avec une croissance moyenne de 12 %. Depuis 2015, cet indicateur est passé à 4,27 %. Pour réaliser la Vision 2030, il devra passer à 9 ou 10 % en moyenne.
«Sommes-nous prêts à faire des choix ?»
« Si nous voulons concrétiser la Vision 2030, il faudra que l’université de Maurice réduise le nombre d’étudiants en sciences politiques et augmente les offres d’études en ingénierie et en sciences. Il serait temps de revoir certains tabous, comme la recherche en laboratoire sur les singes. Actuellement, on exporte ces bêtes vers des laboratoires à l’étranger. Pourquoi ne pas attirer ces laboratoires à Maurice pour créer de la valeur ajoutée ? Sommes-nous prêts à effectuer ces choix ? Il faut savoir quels sont nos ambitions et les décisions à prendre pour y parvenir », a insisté l’ancien maire de Curepipe.
Ce dernier a préconisé la restructuration des secteurs manufacturiers, des services financiers, des Tic, du secteur éducatif et plus d’initiatives en capital-risque (venture capital) pour accompagner les Petites et moyennes entreprises (PME). « Nous avons délaissé l’agriculture. Certes, nous avons un problème de main-d’œuvre, mais il faut produire ce que nous pouvons vendre, transformer, exporter avec beaucoup plus de valeur ajoutée pour encourager les jeunes à s’intéresser au secteur. »
Immigration intelligente
Afsar Ebrahim partage le même avis sur le secteur agricole. Il a suggéré d’ouvrir davantage nos frontières à des familles issues de pays étrangers qui ont la capacité de consommer et d’investir dans des industries productrices. « Si on encourage 10 000 familles qui ont la capacité de dépenser Rs 100 000 chacune sur le marché local, cela ferait un apport de Rs 12 milliards par an. Nous aurons une économie plus dynamique 24/7, car elles apporteront des connaissances et des investissements et cela sera bénéfiques aux PME », a-t-il dit.
Évoquant l’impact du changement climatique, Malenn Oodiah a estimé que le modèle économique devrait s’adapter sur les court et long termes. Il devra être durable et s’articuler suivant trois axes : la création de la richesse, l’équité sociale et l’environnement. « Il nous faut une nouvelle philosophie de développement. Nous devons nous accorder sur un modèle qui satisfasse les besoins de base de la population, qui inspire la confiance en l’avenir et qui envisage les conséquences de la révolution numérique sur le marché du travail. Il faut choisir quelle voie prendre et se conformer à un développement durable, juste et humain », a-t-il conclu.
Les années difficiles
« Les 15 premières années suivant l’Indépendance ont été les plus difficiles pour les Mauriciens », a rappelé Georges Chung. Il y a eu un changement total de système. Notre économie était au plus mal, basée exclusivement sur l’industrie sucrière. « Nous avons connu un seul moment d’embellie, avec le boom sucrier dans les années 74-75. La tonne de sucre était alors passée de £ 30 à £ 700 en raison d’une pénurie de sucre sur le marché mondial. »
Toutefois, a-t-il poursuivi, une grande partie de ces gains supplémentaires n’a pas été investie à bon escient, malgré la volonté de diversifier l’économie. « Avec des caisses pratiquement vides, l’État a dû se jeter dans les bras du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale pour subvenir aux besoins de base de la population. En octobre 1979, face à une situation toujours précaire, la roupie a été dévaluée de 30 %, un mal nécessaire. Une seconde dépréciation de 20% interviendra en 1981 », a-t-il rappelé.
Le vrai miracle s’est présenté en 1983 avec la décision du Premier ministre britannique Margaret Thatcher d’agréer au rattachement de Hong Kong à la Chine. Si l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont trouvé une manne en attirant les investisseurs hongkongais, Maurice a également mené des missions de prospection vers Hong Kong et la France. C’est ainsi que les businessmen hongkongais ont massivement investi dans la zone franche (textile). Des usines qui ont créé des dizaines de milliers d’emplois. « Le taux de chômage est passé de 20 % dans les années de braise, à moins de 3 % en cinq ans. C’était ça le vrai miracle », confie l’homme d’affaires.
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