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Perspectives des spécialistes et des internautes : défis majeurs pour les familles mauriciennes 

Nalini Burn, Shafick Osman, docteur en géopolitique et observateur et Manisha Dookhony, économiste.

Les familles mauriciennes sont confrontées à de nombreux défis complexes dans le contexte socio-économique actuel. Ceux-ci ne se limitent pas seulement aux revenus ou à l'emploi, mais concernent aussi des aspects essentiels de la vie quotidienne, comme le logement, la cohésion familiale et la protection sociale, entre autres. Découvrez ce qu’en pensent les spécialistes et les internautes. 

Dans un post sur Facebook, le Défi Media a voulu savoir quels sont les défis majeurs auxquels font face les familles mauriciennes. Ils ont été nombreux à y répondre. Coût de la vie, inflation, drogue, eau, chômage... font partie des quelques préoccupations citées par des internautes. Pour sa part, avant de parler des défis fondamentaux des Mauriciens, la sociologue, Nalini Burn fait remarquer qu’actuellement, on se base sur les opinions, les perceptions, voire les on-dit, faute de données réelles. Or, le recensement fait en 2022 n'a pas été publié et il est donc difficile de déterminer exactement les problèmes de la population.  

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Logement et transition démographique

Selon elle, quand on parle des défis majeurs, il ne faut pas penser de manière homogène à la situation des familles mauriciennes. « Le contexte est différent et les inégalités sont omniprésentes.  On oublie souvent qu'il y a des personnes sans terrain, sans maison. On imagine que tout le monde est propriétaire-occupant, mais même ceux qui le sont, comment vivent-ils vraiment ? », fait-elle ressortir. 

Il est clair, selon elle, que depuis des décennies, il y a eu une transition démographique, sociale et économique importante. En fait, à moins de posséder un bien ou de pouvoir en hériter, il faut trouver des moyens pour survivre. Nalini Burn explique que les propriétaires-occupants sont des personnes qui ne louent pas leur maison. Cela inclut aussi ceux qui vivent dans la maison familiale, y compris les couples résidant chez leurs parents. « Le manque de logement pousse certains à vivre chez leurs parents, créant des conflits de cohabitation. La transition sociale et démographique favorise les familles nucléaires, chaque foyer se recentrant sur sa cellule immédiate, qu’elle soit classique, monoparentale ou autre. Mais de quelle famille parle-t-on vraiment ? En l’absence de données, il est difficile de répondre clairement à cette question », indique-t-elle.

Selon Nalini Burn, il faut décomposer la famille pour comprendre que les hommes et les femmes ne subissent pas les mêmes problèmes. « Les hommes ont plus d'opportunités de gagner de l'argent à l'extérieur, tandis que les femmes, qui ne sont plus soumises, cherchent désormais à s’épanouir et à être respectées », affirme notre interlocutrice. D’après les études faites, il y a de grosses inégalités entre le travail rémunéré et non rémunéré (soins domestiques, enfants, parents). « On ne peut pas parler des familles sans évoquer les rapports sociaux, les conflits de générations et la transition sociale. Aujourd'hui, les gens vivent moins en famille étendue et le soin des enfants n'est pas partagé par tous. Cette charge de travail émotionnelle, matérielle et financière tombe sur un petit groupe de personnes », indique-t-elle.

Pensions : une manne pour les jeunes

Avec le prix de diverses commodités qui ne cessent d’augmenter, le sujet du moment est incontestablement le coût de la vie.  Cependant, pour Nalini Burn, il faut aussi considérer la protection sociale.  Certes, l’État se montre de plus en plus généreux au niveau des pensions. Toutefois, cela engendre un autre problème : certains jeunes ne veulent pas travailler et vivent aux crochets de leurs parents ou grands-parents qui bénéficient de ces allocations. C’est ainsi que les personnes âgées deviennent un soutien financier pour leur famille. 

Nalini Burn aborde aussi le problème du transport. Certes, de nombreux Mauriciens ont vu leur trajet écourté grâce au métro, néanmoins, les difficultés liées au transport public sont une réalité. Ensuite, il y a des familles qui font face à des difficultés d'eau au quotidien ou encore des difficultés à joindre les deux bouts à la fin du mois. Et ce n’est pas tout. Il ne faut pas oublier la violence domestique et la drogue. « L'économie de la drogue s'est intégrée et incrustée dans les familles, qui subissent aussi les effets d'une mauvaise scolarité. Nous devons changer notre modèle sociétal », dit-elle. 

Retard dans les recensements : un obstacle à l’analyse des conditions de vie

Cependant, une fois encore, la sociologue déplore le retard dans la publication des divers recensements. « Le coût de la vie n'est pas actualisé avec le panier de consommation. On fait un recensement tous les dix ans, mais les rapports ne sont pas rendus publics. Que cache-t-on ? », fait-elle ressortir.  Pour avoir une analyse qualitative, estime-t-elle, il faut d'abord des données quantitatives solides. « Le Bureau des statistiques est en retard et n'exploite pas les informations. Ils font une collecte, mais pas d'analyse. L'enquête sur le budget des ménages donne une indication sur la consommation des familles, mais c'est un scandale que nous ne nous donnions pas les moyens de comprendre les impacts sociaux des politiques socio-économiques. Les gens souffrent, nous faisons des enquêtes, mais nous n’utilisons pas les données. Nous n'avons pas de données fiables. Comment voulez-vous faire un tour complet de la situation ? », dit-elle, indignée. Elle ajoute : « Le concept de pauvreté relative n'est plus utilisé comme avant, où l'on classait les localités. Le salaire minimum et les indices de relativité sont donnés sans une base de données solide. Nous faisons des enquêtes sur l'emploi, mais il y a d'énormes zones d'ombre ».

Une telle situation est problématique. « Nous ne pouvons pas suivre les tendances des conditions de vie des familles. Nous faisons des enquêtes, mais nous ne publions pas les résultats et nous ne croisons même pas les données. Les gens ne font que donner leurs opinions. En tant que chercheur, je dis qu'il faut des données fiables. Nous perdons nos connaissances sur comment vivent les familles mauriciennes et nous n'arrivons pas à appréhender les évolutions sociales. Nous avons des données vétustes, obsolètes, non actualisées, et pas fiables. Ainsi, quand les gens se plaignent, c'est souvent à partir d'un ressenti comparé à quelques années en arrière. Nous n'avons pas cet observatoire », conclut Nalini Burn.

Coût de la vie

Le docteur en géopolitique et observateur, Shafick Osman, est catégorique. Pour lui, le coût de la vie est le problème principal des Mauriciens. « Les familles sont touchées à plusieurs niveaux, bien que les salaires, rémunérations et autres prestations sociales aient également augmenté récemment. Il est crucial de surveiller ses dépenses et de ne pas se laisser séduire par les techniques de marketing des supermarchés. Cependant, gérer un budget reste difficile, surtout avec des enfants à charge », explique-t-il. Selon lui, une véritable politique de sensibilisation et d'éducation à la consommation est nécessaire, incluant les médias, les écoles, les centres religieux, les associations et les secteurs public et privé. « C’est une campagne nationale continue qu'il faut mettre en place pour conscientiser les Mauriciens sur la surconsommation. Il faut aussi proposer des produits alternatifs moins chers, mais je pense que les importateurs et commerçants l’ont déjà compris », dit-il. 

Le fléau de la drogue

La toxicomanie est, selon lui, le deuxième plus grand problème que font face les Mauriciens. Il confie : « C'est un drame qui dure depuis les années 80, décimant familles et couples. Malgré l'ampleur du problème mondial et l'impact des nouvelles drogues synthétiques, il manque des actions efficaces et des professionnels pour sensibiliser parents, familles et jeunes ». À son avis, il faut plus d'ONG sur le terrain, avec le soutien nécessaire et un financement étatique. « Cela doit être une priorité nationale pour le bien-être de la société mauricienne. Il est aussi crucial d'avoir des chercheurs pour mener des études continues sur le phénomène. Une université publique pourrait envisager de créer un centre dédié », plaide l’observateur.

Crimes et chômage « technique »

Des problèmes comme le crime et le chômage représentent des défis majeurs pour les familles. Comment ces enjeux compliquent-ils leur vie, et quels pourraient être les effets sociaux si aucune solution n'est trouvée ? À cette question, notre interlocuteur indique que le chômage est aujourd'hui « technique, car les employeurs sont devenus plus exigeants dans le recrutement. Il est donc crucial de réévaluer constamment les formations, tant dans le public que dans le privé. Cependant, je ne vois pas de chômeurs réels à Maurice, tout le monde semble avoir un emploi, même si ce n’est pas toujours le plus adapté ».

En revanche, il est fermement convaincu que le crime doit être combattu à tout prix. « Je remarque qu'il y a moins de problèmes de sécurité, mais je ne sais pas si le taux de criminalité est également en déclin. Les petits crimes sont souvent liés à la drogue, tandis que les crimes majeurs, étant plus organisés, sont plus difficiles à combattre. Tout dépend aussi du niveau de corruption dans la société, qui est confrontée à une véritable crise de repères et de valeurs », fait-il ressortir. 

Valeurs familiales

Dr Shafick Osman souligne que les familles sont souvent confrontées à des problèmes tels que la surconsommation, la surexposition aux médias, l'endettement, les nouveaux rythmes de travail et la dislocation due aux séparations ou divorces. « La cellule familiale elle-même est en crise dans de nombreux foyers, ce qui entraîne une érosion, voire une absence des valeurs. Heureusement, la religion peut compenser certaines de ces lacunes, mais ce n'est pas systématiquement le cas », précise-t-il.

Pouvoir d’achat en berne

Manisha Dookhony, économiste, explique que malgré le pic de l’inflation en 2022, les foyers mauriciens ont dû redoubler d'efforts pour gérer la situation. « La flambée des prix a fortement pesé sur leurs budgets. Bien que les taux aient baissé depuis, les prix continuent d’augmenter, mais plus lentement. Les magasins et centres commerciaux évoluent encore dans un contexte de hausse des prix, ce qui affecte toujours les consommateurs », précise-t-elle. Chaque mois, le pouvoir d'achat diminue, perturbant le bien-être financier et les décisions d’achat. Ainsi, les familles achètent moins ou substituent leurs produits habituels par des alternatives moins chères.

Selon elle, l'île Maurice possède l'un des systèmes de santé les plus coûteux d'Afrique. Elle explique : « Même si 73 % des besoins de santé de la population sont pris en charge sans coût pour l'utilisateur dans le secteur public, les 27 % restants et les besoins sociaux (comme la prise en charge, la garde-malade, les soins à domicile et les soins paramédicaux) sont couverts dans le secteur privé, souvent par des paiements directs ou des assurances maladie privées ». Elle ajoute qu'avec une population vieillissante, le coût de ces services augmente, exerçant une pression sur les familles.

Questions à Géraldine Hennequin-Joulia, fondatrice d’Ideal Démocrate (ID) : « Les familles souffrent »

geraldine hennequin joulia

Quels sont, selon vous, les principaux défis socio-économiques auxquels les familles mauriciennes sont confrontées aujourd'hui ?
La dévaluation constante de la roupie affecte nos foyers, car nous sommes restés un pays qui importe plus de 70 % de ses biens consommables. Cela veut dire que nous sommes dépendants et donc victimes de l’incapacité du gouvernement à donner une stabilité à notre monnaie locale. Malheureusement, rien n’a été mis en œuvre pour remédier à la situation. C’est une des carences structurelles à laquelle le prochain gouvernement devra s’attaquer. Un boost sérieux doit être donné à la production locale comme de denrées alimentaires. Il faut peut-être aussi s’appuyer sur certains pays de la région subsaharienne. 

Comment voyez-vous l'impact de la hausse du coût de la vie sur le bien-être des familles ?
Les familles souffrent. Elles doivent constamment choisir entre tel ou tel produit / service. Souvent on sacrifie les loisirs, mais nous avons dépassé ce stade. Aujourd’hui, dans les quartiers populaires, les parents se sacrifient en termes de nourriture pour être sûrs que leurs enfants mangent correctement. On sacrifie aussi les soins, alors que la santé est une priorité ! C’est un drame.

Comment évaluez-vous l'impact de la dégradation des mœurs sur la jeunesse mauricienne. Quelles initiatives proposez-vous pour renforcer les valeurs familiales et sociales ?
Je crois qu’on va vite en besogne en accusant les jeunes de tous les maux. Comment pouvons-nous dire cela sur un simple sondage, qui peut changer demain ? Un sondage est une photo instantanée à un instant T. Tout cela change, évolue. Je peux seulement dire que l’exemple vient d’en haut. Si nos dirigeants sont eux-mêmes très éloignés des valeurs et de l’éthique, quel exemple sont-ils pour les autres ? La corruption et l’impunité s’étendent sans complexe. Ce ne sont pas les jeunes qui sont au fondement de cela, autant que je sache. 

Le fléau de la drogue continue de toucher de nombreuses familles à Maurice. Quelles sont, selon vous, les mesures les plus efficaces pour combattre ce problème à la source et protéger les jeunes ?
Quand la drogue se répand dans les foyers mauriciens, pour moi, c’est le symptôme de deux choses : la prolifération d’une mafia qui s’appuie en très grande partie sur l’opacité du financement des partis politiques. L’autre faiblesse est la faillite de la société dans son ensemble qui n’a pas compris de quoi sont faites l’éducation et les valeurs que prônent le sport et la culture. Quand on aura réglé ces deux choses, on se débarrassera d’une grande part de ce fléau. Faisons les choses par étape. 

Le chômage reste un problème majeur à Maurice. Quelles stratégies peut-on mettre en avant pour créer plus d'opportunités d'emplois ?
Il faut pour cela donner un bol d’air aux petites et moyennes entreprises au lieu de les étouffer. C’est valable pour tous les employeurs d’ailleurs aujourd’hui. Plus la fiscalité les pénalise, moins il y aura d’emplois. De manière plus structurelle pour notre jeunesse, il faut de meilleures possibilités de formation et créer un espace où on revalorise certains métiers (non-qualifiés) en mettant en place un système d’apprentissage en alternance. Il n’y a pas un remède miracle avec des y’a qu’à, ou il faut que. Instaurer des débats d’idées dans les partis politiques plutôt que des batailles de chiffonniers et peut-être qu’on verra germer des solutions viables.


Sondage d’Afrobarometer

La drogue deuxième préoccupation majeure des mauriciens après le coût de la vie

Les Mauriciens classent la toxicomanie et la dépendance à la drogue comme le deuxième problème le plus important auquel le pays est confronté. C’est ce qui ressort d’une récente enquête Afrobarometer. Seul le coût de la vie dépasse le problème de la drogue parmi les priorités des citoyens pour l'action du gouvernement.

problemes majeurs

Les avis des internautes

Fabiola Laprovidence : « Cout la vie et le respect et la courtoisie sur nos routes ».

Roseline Rousset : « Les Mauriciens souffre d'injustice, les lois c'est le pouvoir, les Contact, un système qui fonctionne que pour les pauvres, mais les gros palto sont sur une trône de protection, et les pauvres devient plus pauvres, les riches devient plus riche, leur vie devient de plus en plus difficile, ils n'ont plus le droit de manifester,de se faire entendre sinon c'est les amendes, ils sont embarqué et accusée a tord et a travers c'est dégueulasse et honteux ».

Nathalie Lalanne : « Avoir des parents qui n'élèvent pas bien ou pas du tout, leurs enfants, et ces derniers grandissent mal, très mal, et ça va de génération en génération. Ce sont les parents auxquels il faut ré-apprendre les bonnes manières et leur montrer comment éduquer leurs enfants afin que notre société ne tombe pas dans l'agressivité et la decadence ! »

Emilien Virginie : « Le coût de la vie fait que nous devons travailler plus pour subvenir au besoins du groupe or nous sommes contraint de passer moins de tant avec nos proches »

Yannick Pal : « La meritocracy dans le travail, efficiency in gouv procedure pena, la marque de valeur de nu rupee faire ki tout chère, manque de vision de nos leader, pression individualistic de notre société cot tout dimoune pe rod so plaisir ou facilité..au détriment de travail responsable et la liste longue ».

Bergue Véronique : « C'est la misère et le respect dans Maurice »

Dinesh Bugnath : « La hausse des prix qui n'arrête pas »

Viveck Yagami : « De nourrir un enfant,de construire une maison,avoir une loi fiable pour les travailleurs de la class moyen...etc.... »

Sanveer Keshav Jugtah : « Cout de la vie et surtou la degradation de nou ban valeur et principe ».

 

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