Leur grand âge, la maladie, une déficience physique ou mentale… Autant de facteurs qui rendent les personnes âgées vulnérables. Fragiles sur le plan physique et psychologique, elles sont souvent victimes d’actes de violence qui sont parfois commis par un proche.
Le 8 avril, Maurice s’est réveillé sous le choc. Encore une personne âgée victime d’un acte de violence incompréhensible. Soopama Pajaniandy, 80 ans, a été retrouvée morte à son domicile de la résidence Père-Laval, à Quatre-Bornes. Elle avait été bâillonnée. Elle avait les pieds et les mains ligotés. Elle a perdu la vie lors d’un cambriolage commis par des jeunes.
En septembre 2015, c’est une septuagénaire qui avait été malmenée. Elle aussi avait été agressée à son domicile, par un cambrioleur qui n’était nul autre que son neveu. Toujours en septembre, un couple de boutiquiers, les Peeroo, est sauvagement tabassé à coups de sabre. Mahadev Peeroo et son épouse Kumaree, âgés respectivement de 81 ans et de 76 ans, n’ont rien pu faire pour se défendre. Le 19 février 2014, Ashwin Aukhajah, 34 ans, aurait, lui, tabassé à mort sa grand-mère qui lui refusait de l’argent. La mère de l’agresseur avait elle-même qualifié son fils de « démon ».
Autant de faits divers sanglants qui ont choqué la population. D’autant que toutes les victimes étaient des personnes âgées,considérées comme des proies faciles par des individus cherchant à se faire de l’argent facile. Serait-ce à dire que, depuis quelques années, la maltraitance envers les personnes âgées prend de l’ampleur à Maurice, au point de devenir banale ?
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« Il est temps de modifier les lois concernant la pension de vieillesse et d’invalidité. C’est à ce stade que les personnes âgées ont le plus besoin de soutien. Nombre d’entre elles sont victimes d’abus. Les étudiants de l’UoM travaillent sur ces projets pour mieux informer nos aînés sur leurs droits. »
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Humiliation et manipulation
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"16950","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-full wp-image-28688","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1280","height":"720","alt":"Personnes \u00e2g\u00e9es"}}]]Le Dr Veenoo Basant Rai explique qu’il existe plusieurs formes de maltraitance exercées sur les personnes âgées : la violence physique, psychologique (notamment verbale) financière, et sexuelle. « L’intention première des agresseurs est souvent de dégrader, d’humilier, de manipuler et d’exploiter la personne âgée. Plusieurs études démontrent que 90 % des agresseurs sont des membres de la famille. Ils négligent souvent la personne âgée et ne s’intéressent vraiment qu’à sa fortune », souligne la doctoresse. Vieillir (mal) et devenir vulnérable à de multiples formes de violence semble être devenu le triste sort auquel sont condamnées les personnes âgées. Nombre d’entre elles font face aujourd’hui à des difficultés ou des situations qui, poussées à l’extrême, peuvent mettre leur vie en péril. Quels sont donc ces facteurs qui rendent une personne âgée vulnérable ? Toujours, selon la Dr Veenoo Basant Rai, c’est la dégradation des valeurs morales et religieuses ainsi que de la notion de respect qui serait la cause première de cette évolution négative. « Les jeunes pensent qu’ils peuvent facilement tout avoir. Pour eux, les personnes âgées représentent des cibles idéales, sans défense. Le profil des agresseurs ? Il s’agit, la plupart du temps, d’individus qui ont été témoins de scènes de violence durant leur enfance ou qui en ont été victimes elles-mêmes. On s’interroge beaucoup sur la manière dont les jeunes se comportent envers nos aînés. Nos jeunes souffrent d’un mal-être ; certains sont prisonniers de l’alcool et de la drogue qui affectent la société. Ce sont ces maux qui les incitent à agir de la sorte. L’attitude des parents qui démissionnent devant leurs responsabilités aggrave cette situation. Il est temps que les jeunes sachent que les personnes âgées sont prêtes à partager ce qu’elles ont de meilleur si on leur montre plus de respect. Nul besoin de les agresser. Les autorités et d’autres parties prenantes doivent cesser de se renvoyer la balle. Il est temps d’étudier l’origine du problème » précise-t-elle. Les autorités ont pris des mesures pour veiller au respect des droits des citoyens les plus vulnérables. Ainsi, la Wefare and Elderly Persons’ Protection Unit a été mise sur pied en 2006, sous la Protection of Elderly Persons Act 2005, par le ministère de la Sécurité sociale. Son objectif : assurer la protection et le bien-être des personnes âgées. Cette unité reçoit des plaintes de ceux qui réclament protection ou assistance. Elle prend les mesures qui s’imposent et organise des campagnes de sensibilisation sur les droits des personnes âgées.
Kanagasavay Permall: «La présence de nos aînés est prise pour acquise»
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"16948","attributes":{"class":"media-image alignleft wp-image-28683","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"250","height":"357","alt":"Kanagasavay Permall"}}]]De nombreux Mauriciens estiment que la technologie et les outils informatiques contribuent à l’apprentissage. Pour d’autres, ces outils modernes nuisent également aux relations humaines. Kanagasavay Permall, 76 ans, trésorier du Senior Citizens Group de Cap-Malheureux, affirme que le développement technologique contribue, indirectement, à la dégradation des valeurs sociales et à la hausse de la violence envers les aînés. « Il y a une dégradation évidente des valeurs humaines. De nos jours, leur transmission se fait de plus en plus rare au sein des familles. Les jeunes ne réalisent pas vraiment l’importance des aînés. Leurs parents, issus de la nouvelle génération, ne comprennent pas non plus qu’il existe un problème réel. En effet, les nouvelles générations prennent pour acquise la présence de nos aînés. On déplore non seulement une violence physique exercée à l’égard des seniors, mais aussi une violence verbale, voire psychologique. L’expression du respect envers les seniors se fait de plus en plus rare au sein de la société », affirme-t-il. Kanagasavay Permall précise que son association organise des causeries afin de sensibiliser les aînés. « Leur vulnérabilité physique et leur sentiment d’impuissance aggravent le problème. Même si nous apprenons les méthodes de défense légitime, nous ne pourrons pas faire grand-chose. Un senior restera impuissant face à une personne plus jeune. C’est la triste réalité de notre âge. La solution n’est pas seulement de nous éduquer, mais aussi de sensibiliser tous ces jeunes qui ne montrent aucune tolérance ou compassion envers les seniors », conclut le septuagénaire. <Publicité
Témoignage
« Je suis comme un fardeau pour mes enfants… »
Michael, âgé de 77 ans, vit avec son fils depuis plus de 15 ans. Le vieil homme nous confie qu’après le décès de sa femme, sa vie a basculé. « Je suis considéré comme un fardeau par mes enfants. Personne ne veut de moi. Mon fils aîné a été obligé de prendre soin de moi. Je souhaite mourir. Je quitterai ce monde sans regret. Se faire agresser par son enfant, c’est la chose la plus difficile à digérer. On met un enfant au monde, on lui tient la main pour lui apprendre à marcher, à grandir. Aujourd’hui, mon fils use de ces mêmes mains pour me frapper. Mon aîné a toujours été de nature colérique. De plus, il consomme excessivement de l’alcool. Il me réclame de l’argent pour ses jeux d’argent. Si je ne lui donne pas ma pension de vieillesse, il me frappe violemment et me lance des injures. Je reste au lit plusieurs jours durant. Et même si je le voulais, je ne pourrais pas me défendre », relate-t-il. Michael affirme qu’après tout ce qu’il a entrepris pour élever ses enfants, il n’aurait jamais cru qu’il se retrouverait dans une telle situation un jour. « Je vis avec la peur au ventre. J’ai fait tant de sacrifices pour eux. Je n’attendais rien en retour, mais je ne m’attendais pas à une telle violence à mon égard, surtout à ce stade de ma vie. Je suis impuissant et vulnérable », lance Michael.Ce que font les autorités
La Welfare and Elderly Persons’ Protection Unit, créée en 2006, exerce une surveillance générale et un contrôle des maisons de retraite conformément à la loi. Cette unité compte un bureau principal situé dans la capitale et d’autres à travers l’île. Selon un fonctionnaire du ministère de la Sécurité sociale, les officiers interviennent dès qu’un cas est signalé. Ensuite, la victime est contactée et une évaluation préliminaire est effectuée. « Les mesures nécessaires sont prises au cas par cas. Elles incluent une procédure de médiation, de conciliation, une réunion familiale et/ou le placement de la victime dans des institutions telles que les Social Welfare and Community Centers, les Elderly Day Care Centers and Recreational Centers », explique le préposé. « Il existe 20 cellules Elderly Watch à Maurice qui accomplissent un travail de base pour veiller au bien-être des personnes âgées, dans leur région respective. Les responsables travaillent en étroite collaboration avec les agents de l’unité de protection du bien-être, dans le but de signaler tout cas d’abus sur des personnes âgées. Nous veillons au respect des dispositions concernant le Residential Care Home Act. » La loi prévoit des sanctions contre tous ceux trouvés coupables de maltraitance envers les personnes âgées. Les contrevenants sont passibles d’une amende de Rs 5000 à Rs 10 000 s’ils ne se présentent pas suivant la convocation des autorités. Notre interlocuteur précise que compte tenu du vieillissement de la population mauricienne, les autorités préparent un plan d’action.Les services juridiques qui leur sont offerts gratuitement
Afin de réduire les cas de discrimination envers les personnes âgées, en situation de handicap, victimes de négligence médicale et d’exploitation financière, la Senior Citizens Solidarity (Mauritius) Foundation, avec la collaboration du ministère de la Sécurité sociale, la Mauritius Bar Association et les étudiants en droit de l’université de Maurice (UoM), lancent un Elderly Legal Services (ELS). L’ESL consiste à offrir des services juridiques, gratuitement, aux personnes âgées.
En chiffres
8 000. C’est le nombre de cas traités par la Welfare and Elderly Protection Unit, depuis sa création en 2006. Rien qu’en 2015, 708 cas de violence envers les personnes âgées ont été enregistrés. Toutes les personnes âgées estimant être malmenées peuvent appeler sur le 199 de 9 heures à 16 heures. La hotline est disponible sept jours sur sept.Dr Basant Rai: «C’est encore plus difficile quand on est dépendant»
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"16949","attributes":{"class":"media-image alignright wp-image-28685","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"250","height":"357","alt":"Dr Basant Rai "}}]]Il y a plusieurs années, Roland était encore maître de lui-même. Il pouvait se défendre et assurer sa propre sécurité. Qu’on le veuille ou non, avec l’âge, le corps subit des transformations physiologiques. Le Dr Veenoo Basant Rai nous explique qu’avec le temps, une personne âgée a de moins en moins de force. « Le corps perd de ses capacités et n’a plus la même énergie pour accomplir des activités que l’on effectuait aisément dans le passé. Outre cette déchéance, sur le plan psychologique, le senior a tendance à s’isoler sur le plan social, ce qui entraîne également une perte progressive de ses facultés intellectuelles. La personne âgée se replie sur elle-même et il lui est de plus en plus difficile de communiquer. Or, l’être humain, surtout à cet âge, a besoin d’être entouré. En s’isolant, la personne devient graduellement moins sûre d’elle. C’est encore plus difficile quand on est dépendant et/ou si on vit seul, car elle est plus sujette à des risques», ajoute le médecin.Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !