Le père Jean Maurice Labour, vicaire général de l’Église catholique à Maurice, estime que les politiciens s’enrichissent et que la société est gangrénée par la corruption. Il répondait aux questions de Mélanie Duval et de Jugdish Joypaul dans l’émission Au cœur de l’info sur RadioPlus et TéléPlus le vendredi 7 avril 2023.
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Remplacement de Mgr Maurice Piat
Le père Jean Maurice Labour ne pense pas qu’il sera nommé évêque en remplacement de Mgr Maurice Piat, car il a dépassé 75 ans. « Dans l’Église catholique, nous ne fonctionnons pas comme une entreprise ou c’est l’assistant-directeur qui le remplace », indique le vicaire général qui attend une décision du Vatican avant la fin d’août 2023.
Rencontre avec le Premier ministre
Il a expliqué que la rencontre entre Mgr Maurice Piat, lui-même et Pravind Jugnauth, Premier ministre, était prévue avant le fameux discours de l’évêque, lors du dimanche des Rameaux. « Le Premier ministre n’a pas appelé Mgr Maurice Piat après son discours. Je peux dire que l’un des dossiers abordés était l’éducation. Mais par respect pour notre interlocuteur, nous ne voulons pas dévoiler nos discussions », explique-t-il.
Il ajoute qu’un des points remis en question par le Premier ministre concernant le discours de Mgr Maurice Piat est la lenteur de la procédure judiciaire dans l’affaire Franklin. « Nous avons attiré l’attention sur ce dossier et sur d’autres qui montrent la lenteur des institutions, notamment dans le système judiciaire. Ce qui aboutit à une situation d’impunité. […] Le gouvernement a dit que nous nous sommes basés sur des faits non avérés. Il est vrai qu’il a des informations que nous n’avons pas, notamment au niveau de la loi. Mais nous avons des informations qui viennent du terrain », soutient-il. Le vicaire général ajoute que les discussions avec le Premier ministre étaient musclées.
Démocratie
« Il y a une crise de la démocratie dans le monde entier, pas juste à Maurice, mais ce n’est pas une excuse. La grande crainte de Mgr Maurice Piat est la perte des acquis démocratiques à Maurice. Tout le monde dit que son message cible le négatif. Mais c'est ce qui sert à garder le positif. Par exemple, pourquoi le National Social and Economic Council qui offrait une table ronde entre toutes les parties prenantes de la société a-t-il disparu ? Les organisations parapubliques et les institutions indépendantes ont des dirigeants nommés par le gouvernement. Ils ne sont donc pas indépendants. Les gens descendent peu dans la rue et ils ont peur de parler. »
Société en déclin
Il est pessimiste concernant la société mauricienne. «Tant que nous restons dans un rapport de force culturel, nous n’évoluerons pas. Le découragement des jeunes Mauriciens est grave. De nombreux lauréats ne sont pas rentrés aider le pays. Il y a une perte de confiance. La politique est devenue un business lucratif. Après quelques années, les politiciens roulent en grosses voitures et habitent dans des maisons avec piscine. On est dans une société de surconsommation. Il faut voir le nombre de voitures qui se vendent à Maurice. La corruption est liée au business de la politique. Les gens peuvent vendre leur prochain. Il y a une corruption généralisée dans la drogue. Ce n’est pas ce gouvernement qui est corrompu, c’est le tout le système qui l’est. Je me pose des questions sur l’indépendance de certaines institutions comme l’Icac. À quel point peut-elle enquêter sur toutes les affaires ? »
D’autre part, il y a selon lui une crise de la transmission des valeurs dans la famille. « Les parents sont occupés et les enfants sont sur les réseaux sociaux au lieu de recevoir les valeurs de leurs ancêtres. »
Invitation aux célébrations de l’indépendance
Le père Jean Maurice Labour a refusé l’invitation aux célébrations de l’indépendance du Royal College de Curepipe de peur d’être « utilisé » pour redorer l’image de l’établissement après la polémique autour d’un chant raciste. « Je suis créole et un chant dans ce collège stigmatisait les créoles. J’ai donc aussi refusé, car on m’a demandé de lire le discours du Premier ministre. Les enfants sont victimes d’un système de pensée. La discrimination est nourrie par la chanson du Royal College de Curepipe. »
Education
Mgr Maurice Piat regrette que 25 % des élèves ne réussissent pas dans le système éducatif. « Les collèges vocationnels ne sont pas bons pour avoir des lauréats, mais ce n’est pas leur but. Il vaut mieux une tête bien faite qu’une tête bien remplie. Des jeunes estiment que ce qu’ils font à l’école ne leur permet pas d’avoir un emploi et ils n’aiment pas ce qu’ils font en classe. Il y a une migration vers les établissements privés. Notre système éducatif n’est pas totalement mauvais. Il y a tout de même 75 % d’élèves qui réussissent. Il faut davantage créer la personnalité des enfants plutôt que de remplir leur crâne de connaissances. Il faut les rendre curieux », estime-t-il.
Pauvreté
« La pauvreté n’est pas juste une question d’argent. Elle est interconnectée avec d’autres facteurs. Des familles ne parviennent pas à passer à l’échelon supérieur. Pour faire cette transition sociale, il faut de l’éducation. La pauvreté est difficile à définir. Un des critères de la pauvreté est le manque de personnes à contacter pour chercher de l’aide. Malgré ce que fait l’Église pour les pauvres, ce n’est pas son rôle de lutter contre la pauvreté. C’est à la société et à l’État de le faire. L’Église a une mission spéciale envers les pauvres, tout comme Jésus », indique Jean Maurice Labour.
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