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Pension universelle à 65 ans : ces recommandations suggérées pour adoucir l’amère pilule 

Le passage progressif à la pension universelle à 65 ans provoque une forte contestation, particulièrement chez les travailleurs proches de la retraite. Pour atténuer l’impact de cette mesure, plusieurs voix s’élèvent en faveur d’une application plus souple. 

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La mesure annoncée 

L’âge d’éligibilité au Basic Retirement Pension (BRP) sera progressivement porté de 60 ans à 65 ans. Cette réforme sera étalée sur une période de cinq ans.

Plus de 150 000 personnes concernées 

C’est le nombre de personnes qui seraient concernées par cette mesure. 

Tranche d’âge  -  Nombre de personnes* 

50 ans à 59 ans  - 158 184
60 ans à 64 ans  -  80 804
65 ans à monter  -  176 758

*Incluant les Mauriciens et les Rodriguais 

Source : Statistics Mauritius

Deux façons de lire cette mesure 

1ère façon

Année de naissance  Année quand la personne aura 60 ans  Année quand la personne touchera la pension
Né en 1965 60 ans en 2025 Pension à 60 ans en 2025
Né en 1966 60 ans en 2026 Pension à  61 ans en 2027
Né en 1967 60 ans en 2027 Pension à  62 ans en 2029
Né en 1968 60 ans en 2028 Pension à 63 ans en 2031
Né en 1969 60 ans en 2029 Pension à 64 ans en 2033
Né en 1970 60 ans en 2030 Pension à 65 ans en 2035
Né en 1971 60 ans en 2031 Pension à 65 ans en 2036

 

2e façon

Âge actuel  Avant le Budget : le nombre d’années à attendre avant de toucher la pension   Après le Budget : le nombre d’années à attendre avant de toucher la pension  
55 ans  5 ans  10 ans
56 ans  4 ans  9 ans 
57 ans  3 ans  8 ans 
58 ans  2 ans  7 ans 
59 ans  1 an  6 ans 
60 ans  Cette année Cette année

 

La colère des futurs pensionnés

richard« J’ai commencé à travailler à 17 ans et j’ai aujourd’hui 55 ans. Je m’étais déjà préparée à prendre ma retraite dans cinq ans. Maintenant, il me faudra attendre dix ans. C’est une trahison, un coup dur pour les travailleurs. Physiquement, je ne pense pas que je pourrai tenir, mais que faire si j’arrête de travailler ? Comment vais-je vivre ? », s’indigne Mala, agente d’entretien dans une entreprise privée. Depuis l’annonce de cette mesure, nombreux sont ceux qui expriment leur mécontentement. Sur le site web du Défi Media Group, les réactions se multiplient : « Pa tou dimoune ki zot la sante permet zot pou travay ziska 65 ans », peut-on lire. D’autres dénoncent une véritable injustice.

Ce qu’en pense l’actuaire Richard Li : « On comprend le cri du cœur des futurs pensionnés. Certains exercent des métiers pénibles et sont incapables de travailler au-delà de 60 ans. Il leur est donc plus difficile d’accepter cette mesure, qu’ils jugent injuste, car au moment de toucher leur pension, ils doivent attendre plusieurs années supplémentaires. On comprend leur douleur. Il faut aussi dire qu’avant le Basic Retirement Pension était fixé à Rs 3 500. À l’époque, les gens ne dépendaient pas trop de cette pension. Aujourd’hui, elle s’élève à Rs 15 000, et beaucoup en dépendent désormais, car dans certains secteurs, les personnes qui partent à la retraite ne bénéficient ni du National Pensions Fund ni d’une pension d’entreprise. Cela dit, cette mesure, attendue et réclamée depuis longtemps, est inévitable. Entre 2008 et 2018, l’âge de la retraite avait été progressivement relevé de 60 à 65 ans. Pourtant, les gens continuaient à travailler après 60 ans, tout en percevant le Basic Retirement Pension, une anomalie qu’il fallait corriger. Plus important encore, nos finances ne nous le permettent plus. Aujourd’hui, la pension, dans sa forme actuelle, représente 26 % du budget récurrent. Avec l’allongement de l’espérance de vie, ce coût est appelé à augmenter davantage. Nous sommes à la croisée des chemins. Ce choix est nécessaire, car nos finances ne pourront plus supporter le poids du paiement de ces pensions. Il faut à tout prix une réforme holistique de l’ensemble du système de retraite ». 

Ces quatre recommandations pour faire passer une réforme impopulaire 

1. Vers un maintien de la pension à 60 ans dans certains cas

Thierry Goder, CEO d’Alentaris, est d’avis qu’il faudrait plus de flexibilité dans l’application de la réforme des retraites. Selon lui, le relèvement de l’âge d’éligibilité à la pension universelle ne doit pas être rigide. « Il est tout à fait logique de percevoir une pension lorsqu’on prend sa retraite. En revanche, continuer à toucher une pension tout en étant encore actif professionnellement relevait du non-sens. Cela dit, on ne doit pas fermer la porte à ceux qui souhaitent partir à la retraite avant 65 ans. Une personne exerçant un métier éprouvant physiquement ou psychologiquement exigeant devrait pouvoir partir plus tôt. Certes, elle toucherait la pension universelle qu’à 65 ans, mais pourrait bénéficier du PRGF (Portable Retirement Gratuity Fund) pour compenser en partie », suggère-t-il. 

Il recommande aussi un maintien de la pension à 60 ans dans des cas exceptionnels. « La question des dérogations pour des cas exceptionnels mérite d’être débattue, Prenons le cas d’une personne contrainte d’arrêter de travailler à 62 ou 63 ans pour des raisons médicales : elle percevra une pension réduite de son entreprise, mais devra attendre 65 ans pour toucher la pension universelle. Or, avoir la pension universelle dès 60 ans l’aiderait à faire face à ses dépenses de santé. Le relèvement de l’âge d’éligibilité à la pension ne devrait pas s’appliquer aux cas médicaux, par exemple », soutient-il.

2. Une transition de trois ans avant d’appliquer la mesure

« L’objectif de renforcer la viabilité du système de pension est pertinent - surtout pour éviter une dégradation de notre notation par Moody’s - mais son application demande plus de souplesse. Le diable, comme toujours, se cache dans les détails », avance Amit Bakhirta. 

C’est pourquoi l’économiste plaide pour une période de transition de trois ans. « Il faudrait revoir la mesure et son mode d’application dans le cadre de la Finance Act. La retraite est un moment crucial dans la vie professionnelle, elle se planifie. Les gens doivent avoir le temps d’accepter ce tournant, de digérer cette eau de mer », fait-il ressortir.

À titre d’exemple, il ne serait pas équitable qu’une personne âgée de 57 ans aujourd’hui soit contrainte d’attendre huit années avant de toucher sa pension. « Imposer cette réforme à quelqu’un qui s’apprête à partir à la retraite dans un, deux, voire trois ans est extrêmement injuste, voire immoral. La retraite se prépare personnellement, psychologiquement et financièrement. Une personne qui aura 60 ans dans un, deux ou trois ans devrait pouvoir bénéficier de la pension sans qu’il y ait un délai », indique-t-il.

Amit Bakhirta ajoute, par ailleurs, qu’en général, toute décision liée à l’âge de la retraite devrait faire l’objet d’une large consultation nationale, voire d’un référendum. « Un délai de trois ans avant la mise en œuvre de cette mesure serait plus juste pour permettre aux gens de s’y préparer », explique-t-il. 

3. Repousser l’âge d’éligibilité sur une période de 10 ans  

L’actuaire Richard Li estime que cette mesure aurait pu être étalée progressivement sur 10 ans au lieu de cinq ans, ce qui laisserait aux bénéficiaires le temps nécessaire pour s’y préparer.

4. Que l’extension se fasse sur une base mensuelle

« Une personne qui aura 60 ans le 31 décembre 2025 touchera sa pension cette année. Or, celle qui aura 60 ans le 1er janvier 2026 devra attendre une année complète avant de la percevoir. Une différence d’un jour peut entraîner une attente d’une année », souligne Richard Li. De même, ajoute-t-il, une personne de 55 ans devra attendre 10 ans avant de percevoir sa pension, soit deux fois plus longtemps. C’est pourquoi il suggère que l’extension se fasse sur une base mensuelle plutôt qu’annuelle. Par exemple, une personne qui aura 60 ans en janvier percevra sa pension en février, tandis que celle qui aura 60 ans en février la percevra en mars.

Les implications d’une telle mesure…

…pour les entreprises  

Thierry Goder, CEO d’Alentaris : « Certains avancent que le maintien des seniors dans l’emploi jusqu’à 65 ans bloquerait l’accès des jeunes au marché du travail ou dans des postes de responsabilité au sein de l’entreprise. Je pense que c’est tout le contraire. C’est une excellente opportunité pour les jeunes d’apprendre de leurs aînés, qui peuvent devenir leurs mentors avant de partir à la retraite. Avec une bonne planification de la relève - notamment lorsque le départ concerne un superviseur ou une personne occupant un poste de responsabilité - il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Cette réforme est aussi l’occasion de mieux planifier la gestion des effectifs. Beaucoup de personnes continueront à travailler. Avant, elles pouvaient choisir de partir plus tôt. Ce ne sera plus systématiquement le cas. Cela dit, il faudrait prévoir un encadrement adéquat en matière de bien-être et de santé pour accompagner ces travailleurs ».

…pour les finances publiques  

Amit Bakhirta :  « Ce n’est pas l’État qui sort gagnant, mais la population. Si la consolidation budgétaire souhaitée par les institutions internationales est mise en œuvre, ce sont les citoyens qui en tireront bénéfice. Dans tous les cas, bonnes ou mauvaises, les décisions budgétaires sont toujours payées par le peuple. Certes, cette réforme sera un soulagement sur les finances publiques, mais l’impact reste marginal à l’échelle du budget national et de la dette globale ».

Amit Bakhirta, économiste : « Cette décision n’aura pas d’impact immédiat majeur sur les entreprises, mais elle influencera leurs passifs. Les entreprises font provision pour des « retirement benefits obligations », par exemple, Rs 3 millions à verser dans trois ans, Rs 7 millions dans dix ans, etc. Le report de l’âge de la retraite repousse donc ces paiements d’au moins cinq ans. Cela améliorera leur trésorerie à court terme, mais alourdira leurs engagements à long terme. Par ailleurs, elles devront continuer à verser des contributions sociales pour ces employés durant cinq années supplémentaires ».

 

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