
Sur les Rs 44,6 milliards collectées au titre de la CSG, il ne reste plus rien. Cette situation relance le débat : faut-il abolir la Contribution Sociale Généralisée ? Pour plusieurs observateurs, il est temps de revenir à un système contributif comme le National Pensions Fund, à condition d’y apporter les réformes nécessaires pour garantir sa viabilité
Le contexte
La Contribution Sociale Généralisée (CSG) a été introduite en septembre 2020, entraînant l’abolition des contributions au National Pensions Fund (NPF). Du coup, août 2020 était le dernier mois pour lequel la cotisation au NPF était applicable. La CSG a, cependant, été adoptée le 1er septembre 2021.
Ce que cotise l’employé
- 1,5 % de son salaire s’il touche jusqu’à Rs 50 000 par mois
- 3 % de son salaire s’il touche plus de Rs 50 000 par mois
Ce que cotise l’employeur
- 3 % si l’employé gagne jusqu’à Rs 50 000 par mois
- 6 % si l’employé perçoit plus de Rs 50 000 par mois
*Salaire de base et sa transparence.
L’objectif derrière l’introduction de la CSG…
La CSG devait remplacer le NPF dont le déficit était une source d’inquiétude. Pour l’ancien ministre des Finances, la CSG était « progressiste », la transition « d’un modèle individualiste et égoïste à un modèle collectif et solidaire ». « Avec le nouveau système de pension de retraite, chaque retraité mauricien recevra à terme un montant supplémentaire de Rs 4 500 par mois. C’est… un système de contribution et de bénéfices sociaux qui sera dorénavant bien plus juste, plus durable et plus progressif », avait déclaré, à l’époque, au Parlement, Renganaden Padayachy, ancien ministre des Finances.
…et comment elle a été utilisée par la suite
En dépit de son objectif initial, la CSG a servi à d’autres fins, notamment le financement d’une série de mesures sociales.
Les contributions faites sous la CSG en plus de 4 ans
Rs 44,6 milliards
Entre septembre 2020 et fin avril 2025, un montant total de Rs 44,6 milliards a été collecté sous forme de contributions à la CSG et versé au Consolidated Fund.

Comment cet argent a été dépensé
- Paiement de diverses mesures (les allocations CSG notamment) : Rs 34 milliards
- Indemnités des employés du secteur public et financement des contributions du GM à la CSG : Rs 10,7 milliards
La CSG à sec
Navin Ramgoolam, Premier ministre et ministre des Finances : « D’un point de vue budgétaire, il n’y a plus de solde restant à la fin d’avril 2025. Dans une question parlementaire du 24 octobre 2023, l’ancien ministre des Finances avait déclaré : ‘Il ne reste donc rien par rapport aux contributions de la CSG.’ À ce moment précis, tous les fonds de la CSG avaient déjà été épuisés.… L’ancien gouvernement a engagé une série d’allocations financées par les fonds de la CSG, particulièrement dans le mois précédant les dernières élections, dans une tentative d’attirer les électeurs. Il s’agit là d’un autre exemple de la façon dont les fonds de la CSG ont été dilapidés par le précédent régime dans sa tentative désespérée de gagner les élections. Avant même qu’une étude ne soit réalisée, nous savons qu’elle sera désastreuse parce que nous avons une population vieillissante. Nous examinons tout cela dans le contexte du Budget. »
Avis des observateurs : l’appel au NPF se renforce

Shafique Bhunnoo, président de l’Actuarial Society of Mauritius et Fellow of the Institute of Actuaries (FIA), souligne que la CSG fonctionne comme une « income tax » : une taxe versée au Consolidated Fund pour financer divers paiements. Contrairement au NPF, qui était un fonds contributif destiné exclusivement au paiement des pensions, la CSG ne constitue pas un fonds distinct. « On ne peut pas comparer ‘apples with pears’. De plus, avec la hausse des pensions, nous avons peut-être perdu plus que ce que le NPF ou la CSG aurait coûté », dit-il.
Shafique Bhunnoo estime que le système actuel mérite d’être revu.
« La décision revient au gouvernement. Il n’y a pas de solution idéale. Chaque choix comporte des avantages et des inconvénients », soutient-il. Parmi les options possibles : un retour au NPF, « qui n’était pas un mauvais système ». Le déficit du NPF allait être dans le « court terme ». « Il faut juste apporter des ajustements techniques », ajoute-t-il.
Objectif initial détourné
Shafique Bhunnoo affirme que les actuaires sont prêts à collaborer avec l’État pour proposer des solutions et conseiller sur l’avenir du système.
« Il faut voir le problème de la pension dans sa globalité », fait-il ressortir.
Un autre actuaire abonde dans le même sens. « Un bon nombre d’observateurs étaient contre l’abolition du NPF, qui est un fonds de pension alors que la CSG entrait dans la caisse de l’État pour financer des mesures sociales et tout récemment les salaires », déplore-t-il. Il plaide pour un retour à un « funded pension scheme » comme le NPF.
« Il y a des leviers dans le NPF pour corriger les déficits », souligne notre intervenant. « De plus, la CSG verse des pensions uniformes sans tenir compte du nombre d’années de contribution, contrairement au NPF. Par ailleurs, pour que la CSG puisse couvrir les pensions à long terme, les contributions devraient être triplées », ajoute l’actuaire.
Tahir Wahab, observateur économique, plaide, lui aussi, pour l’abolition pure et simple de la CSG. Selon lui, « nous avons adopté un modèle à la française qui ne tient pas la route ». « Après seulement quatre années de mise en œuvre, la caisse serait déjà vide. Cet argent a été utilisé à des fins purement budgétaires, détournant ainsi la CSG de son objectif initial, qui était de remplacer le NPF », déplore-t-il.
Version améliorée
Pour Tahir Wahab, l’État a généré beaucoup de recettes sous la CSG, à la fois auprès des employés et doublement auprès des employeurs. « Mais cet argent n’a pas été investi dans l’avenir, malgré le vieillissement de notre population. Il a été utilisé pour faire de la philanthropie », déplore-t-il. Pour lui, la solution est claire : revenir au NPF, mais dans une version améliorée, avec un système d’investissement structuré et planifié afin que les employés puissent en bénéficier lorsqu’ils prennent leur retraite. « Ce fonds doit être correctement géré et administré dans le seul but de générer des rendements et les redistribuer aux employés à la retraite », insiste Tahir Wahab.
Vinod Dookhit, président de la Fédération du Club de 3e âge de Beau-Bassin/Rose-Hill et représentant du district de Lower Plaines-Wilhems, partage, lui aussi, ce constat. Il estime que la CSG n’est pas adaptée aux besoins actuels et réclame également un retour au NPF. « Ceux qui approchent de la retraite vivent aujourd’hui dans l’incertitude. Toute cette situation est préoccupante », souligne-t-il.
BON À SAVOIR
- Rs 160,34 milliards
C’est ce que pesait le NPF pour le trimestre se terminant le 31 décembre 2024.
- 276 872
C’est le nombre actuel de bénéficiaires de la pension de vieillesse.
- Rs 34,94 milliards
C’est ce que l’État a décaissé pour le paiement de la pension en 2022-2023.
- 341 700
Selon les prévisions, on comptera 341 700 pensionnés en 2063. Il faudra, alors, prévoir un budget de Rs 49,62 milliards pour les payer.
Les actions de Business Mauritius contre la CSG
Depuis l’introduction de la Contribution Sociale Généralisée (CSG) en 2020, Business Mauritius, représentant du secteur privé, a multiplié les démarches pour contester cette réforme. Ce système, instauré par le gouvernement dans le cadre d’une refonte du modèle de pension, a été critiqué par l’organisation pour son manque d’équité et pour les conditions dans lesquelles il a été mis en place.
Business Mauritius a rapidement fait part de ses inquiétudes, estimant que la CSG introduisait un déséquilibre entre les travailleurs du secteur privé et ceux du public. Elle s’est également interrogée sur la soutenabilité financière d’un tel dispositif à long terme, en l’absence d’un cadre clair assurant sa viabilité.
Avant même de saisir la justice, l’organisation avait lancé une campagne de sensibilisation auprès du public mauricien. À travers la plateforme « Dialogue Mauritius » et les réseaux sociaux, cette initiative visait à informer et à donner la parole aux citoyens. De nombreux commentaires faisaient état de doutes sur l’équité du système, renforçant les positions de Business Mauritius.
Constatant l’absence de consultations élargies autour de cette réforme, le conseil d’administration de Business Mauritius a finalement décidé de porter l’affaire devant la Cour suprême. L’objectif : faire examiner la constitutionnalité de la CSG et de l’abolition simultanée du National Pensions Fund (NPF), deux mesures prises à la suite de la promulgation de nouveaux règlements par le ministre des Finances le 7 août 2020.
Le 5 novembre 2020, deux actions judiciaires distinctes ont été déposées. D’une part, une plainte constitutionnelle (« Constitutional plaint with summons ») dénonçant le caractère unilatéral de la réforme, et d’autre part, une demande de « Judicial Review » contestant les pouvoirs du ministre dans l’adoption de ces règlements. Selon Business Mauritius, une telle décision aurait dû passer par un processus consultatif respectueux des principes démocratiques.
En parallèle, l’organisation a également demandé un « Stay of Execution » afin de suspendre temporairement l’application de la CSG en attendant que la Cour tranche sur le fond de l’affaire.
À travers ces actions, Business Mauritius souhaitait ouvrir la voie à une réflexion collective sur l’avenir du système de retraite à Maurice. L’organisation plaide pour une réforme construite de manière inclusive, prenant en compte les réalités économiques du pays et les attentes des différentes parties prenantes.

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