
Au cœur d’une crise institutionnelle sans précédent à la Banque de Maurice, l’avocat d’affaires Penny Hack livre un constat sévère, pointant l’effondrement de la crédibilité du régulateur bancaire national.
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Voilà plusieurs semaines que la situation à la Banque de Maurice a pris une nouvelle tournure. Démission, ingérence, allégation, révélations et démentis sont les éléments qui y ont contribué. Quel regard portez-vous sur ce qui se passe au sein du régulateur bancaire ?
Honnêtement, on ne peut plus vraiment parler d’un régulateur bancaire. Ce qui se passe à la Banque de Maurice est tout sauf ce que l’on attend d’une Banque centrale. Le comportement de ceux qui sont à sa tête est indigne. Je ne prends parti pour personne, car la responsabilité est collective.
On continue de rémunérer les membres du conseil d’administration, qui restent silencieux et passifs en arrière-plan. Aujourd’hui, il n’y a plus véritablement de Banque centrale opérationnelle. Je préfère ne pas dire ce que nous avons à la place, mais une chose est sûre : le pays en subit les conséquences, tant au niveau local qu’international. Le plus grave n’est pas dans les scandales eux-mêmes, mais dans le fait que nous sommes aujourd’hui en danger vis-à-vis de Moody’s.
Considérez-vous que le Gouverneur de la Banque de Maurice a outrepassé son rôle en devant s’expliquer sur les agissements de son fils, les bandes sonores publiées ou ce qui se serait produit avant sa nomination ?
Un tel poste exige réserve et retenue. Qu’on soit dans le secteur bancaire public ou privé, ce type de comportement n’est pas digne d’un gouverneur. Cela dit, je ne rejette pas toute la faute sur lui, car les responsabilités sont partagées. Il ne fonctionne pas dans un vide ; il agit par rapport à d’autres personnes. Néanmoins, il a clairement cédé à la provocation et s’est retrouvé entraîné dans un conflit ouvert et public.
Rama Sithanen peut-il rester en poste, selon vous ?
C’est une décision qui lui revient. Mais selon moi, il est temps de repartir sur des bases saines. Il faut tout remettre à plat si on veut restaurer la crédibilité et la sérénité de la Banque de Maurice. Cela implique aussi une refonte en profondeur du conseil d’administration. L’institution ne pourra pas avancer avec sa composition actuelle.
Quel impact la situation à la Banque de Maurice peut-elle avoir sur l’image de la juridiction mauricienne aux yeux des investisseurs ?
Maurice a déjà traversé dix années difficiles en matière de réputation financière. Malheureusement, cela se poursuit. Cette instabilité n’est pas sans effet sur les opérateurs économiques, notamment les entreprises privées, qui ont besoin d’un environnement bancaire solide et crédible. Les investisseurs étrangers y réfléchiront à deux fois avant de placer leur confiance dans un pays qui n’a pas une Banque centrale fiable. L’impact sur la croissance sera inévitable. Même s’il ne sera pas visible, il se fera sentir.
Et Moody’s dans tout cela ? Pensez-vous que ces événements nuiront à la notation de Maurice ?
Moody’s nous accorde déjà une faveur en ne classant pas Maurice dans la catégorie « junk ». Mais avec ce qui se passe, on lui tend presque la perche pour le faire. Son évaluation ne repose pas uniquement sur les chiffres économiques. L’agence prend aussi en considération l’environnement global : la démocratie, le système financier, la réputation du pays, son histoire, ainsi que l’indépendance de ses institutions… Tous ces critères pèsent dans la balance. Aujourd’hui, la position de Maurice devient très fragile.
Des plaintes ont été déposées à la police et à la Financial Services Commission, avec des demandes de dédommagements venant des protagonistes dans toute cette affaire de la Banque de Maurice. Ces démarches vous semblent-elles justifiées ? Les contribuables seront-ils les plus grands perdants si les plaignants obtiennent gain de cause ?
Ces plaintes sont de nature privée. Elles ne visent ni la Banque de Maurice en tant qu’institution, ni l’État directement. Toutefois, vu les fonctions qu’occupent les personnes impliquées, cela a un impact direct sur le pays. Cela ne fait qu’accentuer l’instabilité de la Banque centrale. La vraie question est de savoir si ces hauts responsables ont encore le temps de s’occuper de leur mission. Ont-ils la disponibilité nécessaire pour remplir le rôle pour lequel ils sont bien grassement payés ? Je ne pense pas.

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