Clément Siatous a vécu, ces soixante dernières années, dans la nostalgie de son enfance passée aux Chagos. Il ne se passe pas un jour sans que le septuagénaire ne trempe son pinceau dans les couleurs pour faire renaître ses souvenirs encore vivaces de la vie sur l’archipel.
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2017 marque les 50 ans de carrière d’artiste-peintre de Clément Siatous. Un sentiment de mélancolie guide son pinceau, chaque jour. Il le dissipe toutefois dans un foisonnement de couleurs. Chacune de ses œuvres respire la légèreté et la sérénité. Les cocotiers, la pêche, le sable blanc ou encore la mer sont des thèmes chers au peintre. « C’était les Chagos de mon enfance. Tout était en abondance. Nous étions heureux et nous vivions paisiblement. Puis, les Anglais ont débarqué sur l’archipel », dit l’artiste, le visage empreint de tristesse.
Clément Siatous est né en 1947 sur l’atoll de Peros Banhos dans l’archipel des Chagos. À l’âge de trois ans, il perd son père. Clément, son frère et sa mère vont s’installer sur l’île de Diego Garcia. Ils visitent Maurice au moins une fois par an pour s’approvisionner en nourriture et vêtements. « En 1960, sans le savoir, nous avons effectué le dernier trajet entre Diego Garcia et Port-Louis. Les autorités britanniques nous ont empêchés d’embarquer sur le bateau pour retourner aux Chagos. Je n’avais que 13 ans et je ne comprenais pas ce qui se passait », se souvient notre interlocuteur. La famille Siatous s’installe à Fort-Victoria, Cassis. Des années plus tard, il apprend que les Chagossiens sont bannis de leur archipel et exilés à Maurice. Les derniers Chagossiens arrivent à Maurice en 1973.
L’adolescent trouve alors refuge dans l’art. « Depuis tout petit, j’aime gribouiller. À chaque fois que je pense à mon archipel, je dessine toutes les scènes qui m’ont marqué. Savez-vous que le coco générait pas moins de 32 métiers différents ? Mon peuple gagnait sa vie grâce au coco et à la pêche. Nous nous contentions de peu », dit-il. Pour subvenir aux besoins de sa famille, il enchaîne les petits boulots sur les docks. Il est aussi ramasser disik. Après une dure journée de labeur, il va à l’école du soir. À 16 ans, il décroche son certificat de sixième. Il met fin à ses études. Le jeune Clément préfère travailler et peindre.
Lutte sans relâche
À l’âge de 21 ans, Clément épouse sa dulcinée, une Chagossienne. Le couple a dix enfants dont quatre fils et six filles. Quelques décennies après, Clément et d’autres Chagossiens créent le Groupe Réfugiés Chagos. Clément dessine même le logo du groupe. Ils luttent sans relâche pour regagner leur île natale. Le combat continue.
Clément Siatous décide également de mener sa lutte à travers son art. « À la fin des années 2000, huit de mes enfants décident d’aller étudier et travailler en Angleterre. Une fille met le cap sur la France et un autre enfant est resté à Maurice. Je vais leur rendre visite régulièrement. Dès fois, le séjour dure entre cinq et six mois mais je me sens perdu en Angleterre », confie l’artiste. C’est d’ailleurs lors d’une de ses visites que Clément fait la connaissance de Paula Naughton, directrice de Simon Preston Gallery à New York, aux États-Unis. Elle s’intéresse à l’histoire des Chagossiens depuis 2010 et effectue plusieurs recherches. Elle va rencontrer Clément au pays de Sa Majesté et ils parlent longuement des Chagos.
Exposition à new york
Paula Naughton propose à Clément d’exposer ses œuvres au Simon Preston Gallery. « Au départ, je n’y croyais pas. Au fur et à mesure de la conversation, j’ai remarqué l’intérêt que porte Paula Naughton au sort des Chagossiens. Elle s’est associée à notre lutte », relate-t-il. En 2015, il se rend à New York et y tient sa première exposition en solo hors de Maurice. Une douzaine de ses œuvres est toujours visible à la galerie.
En 2017, Clément Siatous rencontre Clency Pokhot, Georges Easton, Maïta Dussah-Michel et son époux Luc Michel. Ces derniers, touchés par l’histoire de Clément, décident de monter l’exposition Chagos d’antan et ce, à titre volontaire. « À travers mon engagement artistique, je veux montrer au monde, la beauté de la vie aux Chagos avant l’arrivée des Britanniques et des Américains. Ils ont tout détruit. Je l’ai constaté de visu lors d’une visite à Diego Garcia en 2011, la première depuis que je suis arrivé à Maurice en 1960 ! Il n’y avait plus rien sur les îles. J’étais choqué et en colère », dit ce grand-père de 14 petits enfants.
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