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Peine capitale : un référendum possible malgré la Constitution

Peine capitale

Selon la Commission Lam Shang Leen, le gouvernement peut parfaitement envisager un référendum sur l’introduction de la peine capitale pour les trafiquants de drogue, bien que la Constitution n’en fasse pas provision.

Deux spécialistes du droit, consultés par Le Dimanche/L’Hebdo, estiment que l’option est bien réelle, notamment à travers un simple projet de loi au Parlement, malgré les implications d’une telle démarche au niveau international.

Ce que dit le rapport Lam Shang Leen sur l’option d’un referendum : « The fact that the Constitution does not provide for a referendum for matters falling outside the ambit of section 47(3) of the Constitution, this does not preclude the Government from holding a poll to seek the views of the people on the subject of reintroducing death penalty for drug traffickers whether they are for or against. »

Milan Meetarbhan, spécialiste du droit international, explique que le gouvernement pourrait le faire à travers un simple projet de loi présenté au Parlement : « On peut envisager un référendum sur n’importe quel sujet, à travers un simple texte de loi adopté au Parlement sur la question. On peut bien décider d’une consultation populaire sur ce sujet. »

Toutefois, au-delà du simple point technique, Milan Meetarbhan estime qu’il faut se montrer prudent sur une question d’une telle ampleur : « Si nous décidons d’une chose aussi importante, si nous retournons en arrière en nous basant sur un seul problème, nous courons le risque de nous laisser guider par nos émotions sur un principe fondamental. »

Rajen Narsighen, chef du département de droit de l’université de Maurice (UoM), estime que, si le référendum est bel est bien possible, il faut faire attention aux pièges de la démocratie directe. « Le référendum est une forme de démocratie directe. Elle est positive en soi, mais il existe des dangers par rapport à la formulation des questions. On peut ainsi poser une question qui influence la réponse, ou mélanger plusieurs questions. La France a connu ce genre de problème dans le passé. » Notre interlocuteur met aussi en garde contre le facteur émotionnel, qui peut influencer l’électeur sur un sujet aussi sensible que la lutte contre la drogue : « Sous le coup de l’émotion, nous pouvons perdre toute rationalité. N’oublions pas que le pire des criminels a droit à la vie. »


Difficile à justifier sur le plan international

Sur le plan international, l’International Covenant on Civil and Political Rights, dont Maurice est signataire, souligne le sérieux de la peine capitale, notamment à l’article 6, paragraphe 2 : « In countries which have not abolished the death penalty, sentence of death may be imposed only for the most serious crimes in accordance with the law in force at the time of the commission of the crime. »

L’application de la peine capitale pour trafic de drogue est en violation directe de cette règle, estiment deux experts des Nations unies, Christof Heyns et Juan E. Méndez. Ils expliquaient en 2015 : « Executions for drug crimes amount to a violation of international law and are unlawful killings. »

Milan Meetarbhan, lui, estime qu’au-delà de la seule question de la peine de mort pour trafic de drogue, c’est le principe même de la peine de mort qui est remis en cause par la communauté internationale. Il cite l’exemple de François Mitterrand, ancien président socialiste français : « Je me rappelle son courage exemplaire, alors qu’il était candidat à l’élection présidentielle, quand il s’est prononcé contre la peine de mort. Or, à l’époque, la majorité de l’électorat y était favorable. C’est l’exemple que l’humanité doit suivre. »

Rajen Narsinghen estime que le rétablissement de la peine de mort à Maurice aura un impact similaire au jugement de la Commission des droits de l’homme des Nations unies concernant la déclaration de son appartenance ethnique pour les élections générales : « Nous serons blâmés. Il n’y aura pas de réelles sanctions, mais plutôt des sanctions morales, comme pour notre système électoral. Nous nous devons de respecter nos engagements. »

 

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