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Pauvreté : vivre dans l’obscurité en 2019

Pauvreté La maison se trouve sur un terrain de l’État à La Brasserie.
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Si l’île Maurice a fait beaucoup de progrès dans divers domaines, il s’avère qu’en 2019, de nombreuses familles continuent à vivre dans la pauvreté. Pour elles, l’électricité est un luxe.

Depuis leur mariage en 1999, Ahilya et Pierre Lasauteuse vivent sur un terrain appartenant à l’État, situé à La Brasserie. En 2004, ils ont entamé des démarches pour être connectés au réseau électrique, en vain. À ce jour, ils ne voient toujours pas la lumière au bout du tunnel. Puis, il y a quelque temps de cela, le CEB leur a demandé Rs 175 000 pour faire la connexion.

Lors de notre visite dans ce faubourg de Curepipe, à l’extérieur le ciel est bleu et le soleil brille. Cependant, dans la maison de Pierre et Ahilya Lasauteuse, c’est le noir complet. Ahilya, retraitée et âgée de 62 ans, nous conduit à l’entrée du terrain de l’État de plus de deux arpents sur lequel leur maison se trouve. Pour y arriver, nous devons emprunter une allée étroite aménagée par Ahilya afin de faciliter l’accès vers sa maison faite de bois et de tôle. Celle-ci, cachée derrière un arbre, est située à plus d’une cinquantaine de mètres des autres habitations. Le couple de retraités vit retiré de tout. Le point positif : sa situation de squatters a été régularisée et il vit légalement sur le terrain, mais en revanche en ce qui concerne l’électricité, le couple joue de malchance. Son long combat  pour être connecté au réseau électrique n’a abouti à rien. 

pierre
Pierre et Ahilya Lasauteuse n'ont jamais eu d'électricité dans leur maison.

Entre-temps, l’obscurité règne dans deux des trois pièces de la maison, car il n’y a aucune fenêtre. Les ampoules et autres installations électriques sont recouvertes de moisissure et de poussière. Ahilya nous relate son parcours de combattant : « Depi 2004 mo pe fer demarche pou mo gagne courant. Mone ale partou kot kapav ale, mai ziska zordi mo pena la limier. Monn installe mo tube la limier depi plis ki 10 ans mai zamais li fin servi ». 

Cela fait 15 années que l’attente de Pierre et Ahilya dure. Selon les dires d’Ahilya, le CEB leur a informé que, suite à une étude, le coût pour connecter leur maison au réseau s’élève à Rs 175 000. Au total, 12 pylônes devraient être installés. « L’étude menée par le CEB a été faite en prenant en considération une route plus longue dans les bois qui mène jusqu’à notre maiso; or il y a un autre chemin plus court qui aurait pu être considéré du côté opposé. Nous ne pouvons pas payer une telle somme, car nous ne vivons qu’avec notre pension de vieillesse », ajoute Ahilya. 

Le couple n’a pas d’enfants, mais Pierre en a, sauf que ses enfants issus de son union précédente ne viennent pas lui rendre visite. Pierre, ayant eu une congestion cérébrale à deux reprises, sort à peine de chez lui et c’est Ahilya qui fait les courses.  Quand elle rentre, elle galère pour ramener ses provisions, car elle doit traverser l’immense terrain pour arriver jusqu’à sa maison. «Mo ena ene telephone portab et mo bizin met li charger kot dimoun. Ena zis ene radio kot mwa ki marche avec piles », dit-elle. Faute de lumière, Ahilya a fait une lourde chute dimanche dernier et elle a dû se rendre à l’hôpital lundi. Le couple n’en peut plus de cette situation et attend impatiemment une réponse du CEB. En attendant, le couple éclaire sa maison avec des bougies.  « Mo servi Rs 500 par mois pou acheter la bougie. La journée mo pa alime nanier pou fer lekonomi », indique Ahilya.

Selon un responsable de communication du CEB, il est mentionné dans le Budget 2019-20 que l’organisme parapublic procède à la connexion gratuite des abonnés, organisations sociales, religieuses ou charitables dont la maison ou le quartier est situé à cinq pylônes du réseau électrique. Cette distance représente environ 150 à 200 mètres. Le couple Lasauteuse, qui vit à plus d’une cinquantaine de mètres du réseau électrique, bénéficiera donc de cette facilité une fois la mesure avalisée. Cependant, Ahilya et Pierre habitent sur un terrain agricole de l’État et, dans ce cas, il faut, selon le CEB, convertir le terrain en se tournant vers le ministère des Terres et du Logement avant que la maison ne puisse être connectée.


Témoignage 

Marie-Chantal : « Mes enfants font leurs devoirs à la lueur d’une bougie »

Marie Chantal Marudan, qui habite à Morcellement Guibies, ne sait plus à quel saint se vouer. La quadragénaire explique qu’elle a déposé une application depuis environ cinq ans pour obtenir un logement social du gouvernement, mais l’attente se prolonge.

Cette mère de famille, âgée de 46 ans, vit dans une maison en tôle depuis plus de 13 ans. Elle explique que son quotidien est de plus en plus difficile. « Sans électricité, nous avons l’impression de vivre des décennies en arrière. Nous ne possédons aucun appareil électroménager, vu que nous n’avons pas d’électricité », dit Marie-Chantal. Cette dernière explique également qu’elle n’a pu entamer les démarches pour l’obtention d’un compteur électrique faute de contrat du propriétaire du terrain. Elle explique que, dans le passé, la maison était alimentée en électricité. Cependant, vu que le précédent locataire n’a pas payé ses factures, le CEB a déconnecté l’alimentation en électricité.

« Ce n’est pas l’avenir que j’ai choisi pour mes quatre enfants et malheureusement nous devons faire avec », dit-elle tristement. « Mon époux est malade. Sa santé précaire ne le permet pas de travailler. De mon côté, j’effectue des travaux de nettoyage dans les régions avoisinantes de Pailles et je gagne Rs 100 à 200 par jour, mais ce n’est pas suffisant pour faire bouillir la marmite pour six personnes », explique Marie Chantal. « Je veux quelque chose de meilleur pour mes enfants qui sont contraints de faire leurs devoirs à la lueur d’une bougie tous les jours. De plus, on a évité le pire à trois reprises. La maison a failli prendre feu à cause des bougies », conclut-elle.


CEB

Plan d’aide sous le ‘low voltage network assistance scheme’

Le CEB propose une assistance financière aux personnes à faibles revenus et le public en général. Le salaire mensuel du foyer ne doit pas excéder Rs 22 500. Il s’agit là d’aider ceux dont les maisons sont situées loin du réseau électrique ou encore pour le déplacement de pylônes, transformateurs ou fils électriques gênants. Le montant attribué dépend des revenus financiers de l’appliquant.


Cas de fraude

Selon un préposé du Central Eletricity Board, entre 500 et 600 cas de fraude sont enregistrés annuellement suite aux manipulations des compteurs et réseaux électriques, surtout au niveau des foyers résidentiels et des entreprises. Le CEB a un dispositif pour détecter toute manipulation. De plus, comme annoncé dans le récent Budget, des compteurs intelligents seront installés à travers l’île. Ils aideront à neutraliser les fraudeurs. 

Que risquent les contrevenants ?

Toute personne qui, sans autorisation légitime ni excuse :

(a) consomme ou utilise de l’énergie

(b) endommage ou modifie l’index de tout compteur ou autre instrument mis en place par le Central Electricity Board pour enregistrer la consommation d’énergie ; ou empêche un compteur ou autre instrument d’enregistrer correctement l’entrée, la sortie d’énergie, commet une infraction et sera condamnée à une peine d’emprisonnement de deux ans maximum et à une amende de Rs 5 000 au plus.

 Il est aussi stipulé que le montage de tout compteur, l’absence de tout élément de celui-ci, ou l’interférence avec toute installation ou un scellé apposé sur un compteur, sera une preuve que le consommateur était responsable d’utilisation d’énergie, de la modification de l’indice d’un compteur ou d’un instrument, l’intervention d’un compteur pour enregistrer correctement l’entrée ou la sortie ou la consommation d’énergie, à moins que le consommateur ne prouve à la satisfaction du tribunal qu’il n’est pas coupable des actes mentionnés.


Dean Rungen - travailleur social : «Il y a un manque de suivi»

dean« Il est clair qu’il y a déjà des mesures qui ont été mises en place par le gouvernement et qui ne sont pas forcément mauvaises. Cependant, là où le bât blesse, c’est le manque de suivi des autorités concernant ces mêmes mesures, d’où le fait que la situation reste inchangée », explique Dean Rungen. « Malheureusement, selon moi, la pauvreté est un cercle vicieux. De plus, il n’y a pas assez de départements dédiés aux personnes qui sont dans le besoin, sans compter le manque de suivis des mesures qui ont été prises », soutient-il. Le travailleur social est d’avis qu’il faudrait trouver une nouvelle formule afin que les autorités gouvernementales et les ONG puissent travailler en collaboration, souligne-t-il. « Nous avons la capacité de faire de grandes choses ensemble. Il faudrait que nous regardions dans la même direction afin de trouver une solution en commun et non pas chacun de son côté », lâche-t-il.

 

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