Interview

Paula Atchia: «Les femmes ne doivent rien attendre des hommes»

Mardi, le Premier ministre a annoncé une réforme électorale afin, entre autres, d’augmenter la représentation féminine à l’Assemblée nationale. Paula Atchia, membre de Women in Politics, se dit néanmoins sceptique et soutient que les actions valent mieux que les mots. Le Premier ministre a annoncé une réforme électorale pour avoir une meilleure représentation féminine à l’Assemblée nationale. Est-ce quelque chose que vous réclamiez ? Naturellement. Nous réclamions cela depuis au moins une décennie. Néanmoins, ce serait beaucoup plus simple d’étendre la mesure prise pour les élections municipales et villageoises à l’échelle nationale, c’est-à-dire sanctionner toute équipe qui alignerait, dans une circonscription, que des candidats d’un seul sexe. La New Local Government Act est sensible aux genres. Si une loi similaire est appliquée aux législatives, cela aura un effet immédiat sur la représentativité des femmes. Mais est-ce cela que l’on veut réellement ?
Faut-il une réforme électorale pour avoir plus de femmes à l’Assemblée nationale ? La volonté des leaders politiques de leur accorder plus d’investitures n’aurait-elle pas suffi ? Je crois qu’une réforme électorale est nécessaire pour augmenter le nombre de femmes au Parlement. La volonté des leaders politiques n’a jusqu’ici pas été traduite en action.
[blockquote]« Il y a des millions de femmes brillantes qui ne sont pas en mesure de se lever et faire valoir leur droit à une part égale »[/blockquote]
Le fait que les leaders politiques s’abritent derrière la représentation féminine pour justifier une réforme électorale ne vous gêne-t-il pas ? La réforme électorale est attendue depuis longtemps. Faisons-la tout simplement, quelle que soit la raison officielle avancée. Vous avez déjà dit que tout dépend des femmes elles-mêmes et de ce qu’elles décident de faire. Elles représentent la vraie majorité à Maurice. Pourquoi est-ce aussi dur de faire avancer les causes qui concernent la femme ? On peut observer ce phénomène dans pratiquement tous les pays du monde. C’est comme si une soumission de plusieurs siècles aux hommes semble s’était inscrite dans l’ADN féminin.  Il y a des millions de femmes brillantes qui ne sont pas en mesure de se lever et faire valoir leur droit à une part égale. À bien des égards, tout comme les séquelles de l’esclavage, ce sentiment d’infériorité peut prendre des années à se dissiper. Mais une fois empowered, les femmes ne vont plus jamais accepter d’être reléguées à une condition inférieure. La femme doit réaliser qu’à Maurice, elle constitue 52 % de la population. Elle ne doit donc rien attendre des hommes, mais au contraire, essayer de changer le mindset dans lequel elle se trouve. C’est cela qui va créer le déclic. À quand une femme Premier ministre ? Seulement quand elle sera la meilleure candidate à ce poste. Bientôt, j’espère ! Il y a eu une pluie de critiques contre le secteur privé (7 % seulement des postes à responsabilité sont occupés par des femmes) à l’occasion de la Journée internationale de la femme. Comment changer cet état des choses ? Le secteur privé a une mauvaise image à cet égard, quelle que soit la réalité. Des actions s’imposent. Il faut notamment une meilleure représentativité féminine à des niveaux de responsabilité plus élevés. N’est-ce pas une façon de réclamer une sorte de discrimination positive, c’est-à-dire de privilégier une femme si jamais il y a un choix à faire entre un homme et une femme ? La discrimination positive, tout comme les quotas, ne doit pas être utilisée indistinctement. Cela peut se retourner contre la cause féministe. Elle ne doit être utilisée qu’en dernier recours. Hier (samedi), c’était la fête nationale mauricienne. Quel regard portez-vous sur la société mauricienne et son évolution ? La femme mauricienne aujourd’hui est admirable en plusieurs façons. Trop souvent, ce sont les hommes qui sont rétrogrades, avec leurs attitudes et leurs hypothèses de supériorité patriarcale inhérente. La plupart des femmes mauriciennes sont, de nos jours, plus que prêtes à relever les défis et les promesses de ce siècle. Or, à Maurice, il y a trop d’hommes qui sont encore coincés au XIXe siècle. En tant qu’éducatrice, vous avez beaucoup côtoyé la jeunesse. Comment décririez-vous celle d’aujourd’hui ? Les jeunes d’aujourd’hui ont des difficultés à escalader les montagnes. Et trop souvent, ils n’arrivent pas à avoir l’aide voulue pour faire un travail. Il n’y a pas de doute que la vie aujourd’hui est plus complexe qu’elle ne l’a été dans le passé. Est-ce que les adultes en font assez pour les aider ? Le mot de la fin… Bien que je sois très transnationale, je trouve qu’il est impossible de ne pas ressentir un fort courant de patriotisme en cette date chaque année, lorsque le pays tout entier se lève et se regarde dans le miroir de l’Histoire. Joyeuses fêtes de l’Indépendance et de la République.
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