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Patrimoine - héritage français : une histoire gravée dans la pierre et la mémoire collective

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L’empreinte française à Maurice est gravée dans la pierre depuis la période coloniale. Bien plus que quelques édifices anciens ou noms de rues, cet héritage constitue un pan essentiel de l’identité mauricienne, présent dans l’architecture, la culture et la langue. Rencontré au Cimetière de l’Ouest à Port-Louis, Philippe la Hausse de Lalouvière, président de la Société de l’Histoire de l’île Maurice, revient sur les traces visibles et invisibles de ce patrimoine. 

Philippe la Hausse de la Louvrière, président de la Société de l’Histoire de l’île Maurice, est membre du conseil d’administration depuis 1989.
Philippe la Hausse de la Louvrière, président de la Société de l’Histoire de l’île Maurice, est membre du conseil d’administration depuis 1989.

À Maurice, l’histoire ne s’efface pas. Elle se lit dans les noms des rues, dans les pierres volcaniques des vieux bâtiments, dans la langue que l’on parle et dans les croyances partagées. L’empreinte française, bien qu’ancienne, reste l’un des piliers du récit national mauricien. De 1715 à 1810, la France a marqué de manière durable le territoire mauricien. Mais son influence ne s’est guère estompée avec la fin de la colonisation. Elle continue de se manifester tant dans le patrimoine architectural que dans l’héritage culturel et la mémoire collective.

D’emblée, Philippe la Hausse de Lalouvière, président de la Société de l’Histoire de l’île Maurice, explique que ce patrimoine, à la fois tangible et subtil, raconte une époque fondatrice mais aussi les multiples visages d’une société en construction. « On ne peut parler de l’héritage matériel sans évoquer tout le patrimoine immatériel », souligne-t-il. 

Une simple promenade à Port-Louis suffit pour illustrer cette réalité. La statue de Mahé de La Bourdonnais trône fièrement sur le port, rappelant l’homme qui a donné à l’île une capitale moderne. Ce monument, vestige tangible d’un projet colonial ambitieux, dialogue avec la mémoire populaire : tout le monde connaît son nom, son rôle et sa vision. 

L’histoire de la pierre

Mais le patrimoine français ne se limite pas aux monuments commémoratifs. En parcourant la ville, le promeneur découvre la rue Desforges, hommage au gouverneur Antoine Desforges-Boucher. D’autres rues portant d’autres noms racontent la présence française. Même la langue française, toujours vivante, enseignée, parlée et écrite, fait partie intégrante de cet héritage culturel.

L’église Saint-François d’Assise située à Pamplemousses est l’une des plus anciennes de l’île, construite sous la colonisation française. Il s’agit de la troisième plus vieille église du pays après celle de Notre Dame du Grand Pouvoir à Grand-Port et la Cathédrale St-Louis à Port-Louis.
L’église Saint-François d’Assise située à Pamplemousses est l’une des plus anciennes de l’île, construite sous la colonisation française. Il s’agit de la troisième plus vieille église du pays après celle de Notre Dame du Grand Pouvoir à Grand-Port et la Cathédrale St-Louis à Port-Louis. 

Parmi les sites emblématiques de l’époque française, l’église Saint-François d’Assise à Pamplemousses se distingue particulièrement. Sa valeur réside non seulement dans son ancienneté – remontant au XVIIIe siècle – mais également dans sa portée symbolique. « Cette église a été construite par des esclaves et des marins musulmans venus de Pondichéry. C’est un patrimoine partagé entre la France, l’Inde et l’Afrique », précise Philippe la Hausse de Lalouvière. Une démonstration concrète que l’héritage colonial est bien plus qu’une transmission unilatérale : il est le fruit d’interactions, de métissages et de forces sociales diverses. 

Autres bâtiments phares : l’Hôtel du Gouvernement à Port-Louis, dont l’origine remonte à 1738, lorsque Mahé de La Bourdonnais décida d’utiliser un bâtiment nommé « La Loge » comme base administrative ; le Château Mon Plaisir ; ou encore le Jardin de Pamplemousses, organisé à la française et devenu l’un des joyaux botaniques de l’hémisphère Sud. 

Les ruines visibles au Musée Frederik-Hendrik datent de l’ère française sur les vestiges hollandais qui sont sous terre. Les Français prirent possession de l’île en 1722 et utilisèrent du mieux qu’ils le pouvaient les restes, avant de bouger sur Port-Louis.
Les ruines visibles au Musée Frederik-Hendrik datent de l’ère française sur les vestiges hollandais qui sont sous terre. Les Français prirent possession de l’île en 1722 et utilisèrent du mieux qu’ils le pouvaient les restes, avant de bouger sur Port-Louis.

Basalte, chaux et ingéniosité 

Bâtir une ville sur une île volcanique ne fut pas une mince affaire. Les Français, faute de matériaux importés, durent composer avec ce qu’ils avaient : du bois de qualité, certes, mais surtout du basalte, cette roche noire omniprésente, ainsi que de la chaux. Cette dernière était produite localement, dans des fours à chaux qu’on retrouve encore à travers l’île. Une industrie artisanale oubliée mais fondatrice, selon le président de la Société de l’Histoire de l’île Maurice. 

Les trottoirs historiques de Port-Louis et les canaux comme celui de la rivière Le Pouce sont, eux aussi, des héritages visibles, souvent ignorés, mais porteurs d’histoire. Toujours utilisés aujourd’hui, ils illustrent la durabilité des infrastructures françaises, pensées pour être fonctionnelles à long terme. 

À l’origine, Le Réduit fut construit comme une forteresse pour la défense contre les attaques par Pierre Félix Barthelemy David, alors successeur de Mahé de La Bourdonnais.
À l’origine, Le Réduit fut construit comme une forteresse pour la défense contre les attaques par Pierre Félix Barthelemy David, alors successeur de Mahé de La Bourdonnais.

Avant d’être un carrefour touristique, Maurice était un point stratégique convoité par les puissances maritimes. « Dès leur installation, les Français ont identifié 60 brèches dans les récifs qui sont autant de points d’entrée potentiels pour l’ennemi. Ils ont donc érigé 60 fortifications, autant de bastions défensifs, dont certaines ruines subsistent encore », souligne-t-il.

Aujourd’hui silencieux, le Moulin à Poudre de Pamplemousses  attend d’être mieux valorisé et mieux compris,
Aujourd’hui silencieux, le Moulin à Poudre de Pamplemousses attend d’être mieux valorisé et mieux compris,

À Grand-Port, le musée Frederik-Hendrik conserve des vestiges de ces premières installations françaises, construites sur les ruines des structures hollandaises précédentes. Ces ruines racontent l’évolution de l’occupation, les tensions militaires, mais aussi la permanence du territoire comme lieu de passage et de transformation. 

Conserver, transmettre, réinventer

Peu connu du grand public, le Moulin à Poudre de Pamplemousses mérite pourtant une attention particulière, selon Philippe la Hausse de Lalouvrière. À son apogée, cette installation constituait le plus important centre de fabrication de poudre noire pour armements en dehors de la métropole. Ce site industriel témoignait d’une technique innovante, conçue pour minimiser les risques d’explosion. Aujourd’hui silencieux, il attend d’être mieux valorisé et mieux compris, selon notre intervenant. 

L’Hôtel du Gouvernement à Port-Louis, dont l’origine remonte à 1738, lorsque Mahé de La Bourdonnais décida d’utiliser un bâtiment nommé « La Loge » comme base administrative.
L’Hôtel du Gouvernement à Port-Louis, dont l’origine remonte à 1738, lorsque Mahé de La Bourdonnais décida d’utiliser un bâtiment nommé « La Loge » comme base administrative. 

Mais comment préserver cet héritage ? Pour Philippe la Hausse de Lalouvrière, la clé est l’utilité : « Si quelque chose n’est pas utile, elle ne va plus exister. » L’Hôtel du Gouvernement est toujours là parce qu’il sert encore et le canal Le Pouce fonctionne toujours. D’autres structures tombent à l’abandon, faute d’usage et de sens, selon lui. C’est ici que les jeunes architectes, urbanistes et créateurs ont un rôle à jouer. « Il faut leur donner les outils pour réinventer ces espaces, pour leur donner une nouvelle vie, une nouvelle fonction », insiste-t-il.

Datant de l’époque de La Bourdonnais, le ruisseau du Pouce, avec ses pierres taillées, traverse la capitale et rappelle l’héritage français.
Datant de l’époque de La Bourdonnais, le ruisseau du Pouce, avec ses pierres taillées, traverse la capitale et rappelle l’héritage français. 

Pour le président de la Société de l’Histoire de l’île Maurice, il faut pouvoir transmettre. « Il faut éduquer, sensibiliser, raconter. Il faut transmettre aux jeunes Mauriciens l’amour de leur histoire, la connaissance de leur patrimoine, sans nostalgie aveugle, mais avec conscience critique. Parce que l’héritage ne se limite pas à ce qu’on garde, mais aussi à ce qu’on comprend », souligne-t-il. 

Société de l’Histoire de l’île Maurice : 85 ans au service de l’histoire du pays 

Depuis plus de huit décennies, la Société de l’Histoire de l’île Maurice s’impose comme une référence dans la sauvegarde et la transmission du patrimoine historique mauricien. Fondée le 19 février 1938 par Auguste Toussaint, alors Conservateur en chef des archives de l’île Maurice, la Société de l’Histoire de l’île Maurice a vu le jour dans un contexte où la nécessité de documenter et de valoriser l’histoire locale se faisait de plus en plus pressante. 

C’est à l’Hôtel de ville de Curepipe que quelques passionnés d’histoire, rassemblés autour d’Auguste Toussaint, ont donné naissance à cette société dont l’objectif principal était clair : étudier le passé mauricien, le rendre accessible et vivant avant de publier tous les travaux et documents pertinents.

Gardienne infatigable de la mémoire collective, la Société de l’Histoire de l’île Maurice a largement contribué à documenter les différentes strates de l’histoire mauricienne, depuis les premières occupations jusqu’à la période postcoloniale, en passant par les grandes étapes de la colonisation hollandaise, française et britannique. Grâce à ses publications régulières dont des bulletins, revues, et ouvrages spécialisés, elle a permis de faire connaître au grand public aussi bien qu’aux chercheurs les récits, les personnages ainsi que les événements marquants qui ont façonné l’île. 

Mais l’apport de la Société de l’Histoire de l’île Maurice ne se limite pas à la sphère académique. Elle a aussi participé concrètement à la valorisation du patrimoine en contribuant à l’édification de nombreux monuments historiques. Par ces gestes visibles, elle offre au pays des repères tangibles qui permettent aux Mauriciens de mieux comprendre leur passé, de s’y identifier et de transmettre ces savoirs aux générations futures. 

 

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