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Patrick Belcourt : «C’est grâce à En Avant Moris que le MSM n’est pas présent aux nos 19 et 20»

Selon le leader d’En Avant Moris, les partis présents au parlement ont tout ramené à la partisanerie politicienne.

Dans un contexte politique animé par des alliances et des débats, Patrick Belcourt, leader du mouvement politique « En Avant Moris », répond aux récentes critiques émises par Paul Bérenger, leader du Mouvement Militant Mauricien (MMM) ainsi que sur ce qui devrait être les véritables enjeux de la prochaine campagne électorale.

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Dans un article publié récemment vous avez décidé d’apporter des précisions au  raisonnement de Paul Bérenger où vous évoquez sa faiblesse ainsi que celle de son parti dans les circonscriptions 19 et 20. Mais pourtant ce sont deux circonscriptions où le MMM a fait élire cinq candidats. Sur quoi est-ce que vous vous basez pour parler de la faiblesse grandissante du MMM ?
En tout premier lieu, je me base sur la force grandissante d’En Avant Moris. Et, d’autre part, je me base sur le contexte, notamment ce système électoral qui irrite M. Bérenger lui-même. Ça peut paraître contradictoire, mais c’est bien par ce système que le MMM dispose de cinq candidats dans les deux circonscriptions 19 et 20. Nous avons un système qui est pervers parce qu’il favorise des combinaisons ethno-castéistes dans certaines zones et, favorise aussi la polarisation du rapport de forces entre deux blocs politiques. Cette polarisation ne produit que de la partisanerie politique et qui fait dire que même un bananier serait élu s’il appartient à un bloc.

Cela fait donc des décennies que cette partisanerie donne lieu à tous les fanatismes et le fanatisme partisan a été poussé à son paroxysme par le présent régime. Il nous faut donc comprendre ce que M. Bérenger veut dire quand il vient insinuer que c’est ma participation à la joute électorale qui a favorisé l’élection de M. Collendavelloo. Il faut donc tenir compte de l’importance qu’attachent les deux principaux blocs pour la circonscription No 19 en particulier. Il faut bien qu’il y ait un enjeu pour que le MSM trouve nécessaire de conférer le statut de vice-Premier ministre à deux élus provenant du No 19. Et cet enjeu symbolique s’appelle Paul Bérenger. Il nous faut reconnaître que Bérenger a longtemps été le symbole de l’opposition qui a embarrassé de nombreux gouvernements. Si je n’ai aucun mal à l’admettre, je n’éprouve aucune difficulté non plus à me demander s’il est toujours cette figure emblématique de l’opposition.

Et là, je ne peux ignorer la réponse que me renvoient ces milliers de personnes qui viennent rejoindre les rangs d’En Avant Moris. Paul Bérenger est le symbole d’une lutte que les habitants du No 19 ont assumé avec lui, mais il faut aussi dire qu’ils l’ont payé chèrement puisqu’il n’en est rien sorti au plan du développement urbain et des perspectives économiques. Donc je me base sur ce désamour pour faire état de la faiblesse du MMM. Mais, plutôt que d’accepter ce constat et élaborer une approche plus adaptée, Paul Bérenger préfère m’attribuer la responsabilité de l’élection de Collendavelloo. Mais, pourquoi l’élection de Collendavelloo ne serait pas due à l’érosion de l’influence du MMM et de la perte de la valeur symbolique de son Leader ? Pourquoi devrait-on s’interdire de se poser les questions en ce sens ?  

Quand vous regardez les différents partis, lequel a pris le risque de s’engager sur un certain nombre de mesures ? Il n’y a que Roshi Bhadain.» 

Lors de la conférence de presse où vous dites que Paul Bérenger a fait allusion à vous, il a aussi fait comprendre que le but de la prochaine campagne électorale pour l’opposition consiste à faire partir le MSM du pouvoir. Ne partagez-vous pas cet avis?
Il faut faire partir le MSM du pouvoir. Toutefois, si cela doit être le but de la prochaine campagne électorale, c’est le meilleur moyen de le maintenir au pouvoir ! C’est joli de dire qu’il faut faire partir le MSM du pouvoir, quand il s’agit de haranguer les foules. Comme je vous l’ai dit précédemment, les partis présents au Parlement ont tout ramené à la partisanerie politicienne. En incitant les gens à adopter des attitudes fanatiques, ils ont pourri le débat politique. Faire  partir ce gouvernement ne peut être et ne doit pas être un objectif de campagne ; cela ne peut qu’endurcir le bloc MSM qui s’estime menacé déjà. Pour moi, faire campagne, c’est m’obliger à m’interroger afin que je puisse tenir un discours qui parle aussi au gars du MSM. Il faut que je puisse donner envie à cette personne de s’engager avec moi pour construire cette île Maurice où il n’y a pas un groupe qui profite du développement et parce qu’il est au pouvoir il devrait en exclure les autres. Encore une fois, mais nous nous l’avons fait au niveau de notre circonscription. 

Il n’est pas correct de dire que les partis extra-parlementaires récoltent des votes de sympathie. On peut dire que Belcourt a recueilli des votes de sympathie en 2019, mais dans cette catégorie de candidats en marge des grands partis, mon score est loin d’être marginal.»

Toujours dans le même article intitulé « Le faux raisonnement de Paul Bérenger », vous écrivez « En Avant Moris est partout dans la circonscription No 19 ». Pensez-vous avoir aujourd’hui augmenté les 2 996 voix que vous avez recueilli lors des dernières élections générales ? Si oui, est-ce que les voix additionnelles recueillies seront suffisantes pour vous hisser parmi les trois élus ?
C’est dommage que vous ne pensez qu’à moi alors que je parle bien d’En Avant Moris. Quand nous avons fait la conférence de presse pour présenter notre manifeste, je n’étais pourtant pas seul. Je suis bien conscient que la presse a tendance à se focaliser sur les leaders des formations politiques, mais j’étais bien entouré de quelques membres de notre bureau politique. Pensez-vous que Nita Jaddoo, Ryad Subbratty, Arnaud Vacher et les autres sont là pour faire de la figuration ? Quand je dis que nous sommes partout, c’est que les habitants du No 19 sont mobilisés pour prendre les trois sièges. Nous ne sommes plus dans la situation d’un candidat esseulé qui obtient près de 3 000 voix de sympathie. C’est toute une circonscription qui se mobilise pour créer cette dynamique, ce mouvement qui s’appelle En Avant Moris. Ce n’est pas par ma seule volonté que cela s’est créé. Les gens ont répondu à mon appel pour prendre leur destin en main. Et les quartiers de Beau-Bassin ont voulu se joindre au mouvement et c’est ainsi que le No 20 se retrouve dans la dynamique. Et je ne sais pas jusqu’où cela va porter. Ce n’est pas Patrick Belcourt qu’il faut regarder, c’est cette population du No 19 et 20. Ce sont deux circonscriptions qui ont produit des lames de fond dans l’histoire politique de ce pays. Allez y faire un tour et vous allez comprendre que nous sommes repartis pour un tour. 

Ce qui a échappé à beaucoup d’observateurs, c’est que le MSM n’a pas pu profiter du vide qu’a laissé le MMM au No 19 et au No 20. Et ils ne se demandent pas qui occupe les lieux désormais. Or, je vais dire une chose qui va surprendre encore : c’est grâce à En Avant Moris que le MSM n’est toujours pas présent dans ces deux circonscriptions. Ils ont pris la municipalité en otage, mais avec les habitants, nous avons défendu la citadelle. Nous fonctionnons comme une municipalité parallèle ; c’est nous qui organisons les événements, c’est nous qui assurons la dynamique communautaire dans les quartiers. C’est vrai que nous sommes une formation sans ressources financières, mais quand les gens ont la volonté de faire des choses, rien ne peut les arrêter. Et c’est ainsi que notre manifeste décrit comment une collectivité locale peut contribuer à l’économie nationale. Cela alors que M. Padayachy centralise le budget des collectivités et que M. Husnoo renvoie les municipales. Pourquoi ? Parski zot per bate-bef ! Avec une petite formation de surcroît. Et vous croyez que je vais spéculer sur des voix additionnelles sur mon score de 2019 ? Un jour, j’espère que M. Bérenger reconnaîtra que sans En Avant Moris, les circonscriptions 19 et 20 seraient aux mains de Pravind Jugnauth. 

Je comprends leur proposition de gouvernement de transition, mais je ne vois ni les partis, ni la population s’engager dans ce sens. C’est trop demander aux uns comme aux autres.»

Que répondez-vous aux commentaires qui disent que bien que l’opposition extraparlementaire participe beaucoup dans la vie démocratique, sociale et économique du pays, l’opposition parlementaire tire essentiellement sa force sur les réseaux sociaux tandis que sur le véritable terrain politique, les partis extraparlementaires doivent uniquement se contenter de votes de sympathies.
D’habitude, je ne réponds pas à ce type de commentaires. Mais puisque vous m’interrogez là-dessus, je dirais que ces gens sont en retard d’un train ! Et même qu’ils ne l’ont pas vu passer ! Soyons sérieux ; comment voulez-vous raisonner avec de telles simplifications ? Il nous faut être plus précis : l’Opposition parlementaire ne tire pas sa force des réseaux sociaux ; elle y maintient une visibilité favorable grâce aux excès du Speaker. Je pense que c’est indéniable pour celui qui regarde la situation avec réalisme, que c’est Sooroojdev Phokeer qui a été jusqu’ici la véritable locomotive de cette opposition parlementaire. C’est Phokeer qui fédère les énergies au sein de cette opposition parlementaire. 

Maintenant, quand je pose la situation à plat comme ceci, qui de Paul Bérenger ou de Pravind Jugnauth devrait s’arracher les cheveux ? Est-ce que je fais le jeu de l’un ou de l’autre ? Celui qui n’abonde pas dans le sens de Pravind Jugnauth peut réaliser que Phokeer, en faisant tout pour réduire les élus de l’Opposition, est devenu une calamité pour le MSM. 

Ceci dit, il faut aussi préciser que les votes de sympathie sont exprimées en faveur des candidats à la marge des formations politiques. Ainsi, il n’est pas correct de dire que les partis extra-parlementaires récoltent des votes de sympathie. On peut dire que Belcourt a recueilli des votes de sympathie en 2019, mais dans cette catégorie de candidats en marge des grands partis, mon score est loin d’être marginal. Aux prochaines législatives, je vais me présenter en tant que candidat d’une formation, celle-ci ne pourra pas prétendre à des votes de sympathie. Admettons qu’un candidat soit élu et que ses deux colistiers tombent, il faudrait dire qu’il aura bénéficié de votes de complaisance ou de reconnaissance. À chaque joute électorale, nous nous sommes investis comme un seul homme pour garantir scrupuleusement l’élection de Paul Bérenger à l’Assemblée. Aura-t-il, lui, durant tout ce temps, veillé scrupuleusement aux intérêts du No 19 ? Il a laissé cette tâche à Deven Nagalingum qui n’est même pas un second-couteau.

Votre parti a en 2023 décidé de s’unir avec le Reform Patty de Roshi Bhadain. Pourquoi ce choix quand on sait que Roshi Bhadain a dans le passé fait partie du MSM et a aussi été en alliance avec le MMM, le Ptr et aussi le PMSD.
Décidément, vous souhaitez que je balance des pavés dans la mare ! Quand vous regardez les différentes formations, lequel a pris le risque de s’engager sur un certain nombre de mesures ? Il n’y a que Roshi Bhadain. Ce n’est pas que nous soyons d’accord sur tout, mais il y au moins une base sur laquelle nos deux formations peuvent travailler. Pendant ces deux dernières années, il a beaucoup été question d’alliances sous différentes configurations. Mais sur quelle base ? Alors, face au désert, j’ai choisi l’oasis.

Ce n’est pas une mauvaise chose, je dois dire. Roshi Bhadain a été ministre.  Quand nous le regardons fonctionner, nous apprenons plein de choses. C’est un apprentissage en « fast track ». 

C’est Sooroojdev Phokeer qui a été jusqu’ici la véritable locomotive de cette opposition parlementaire.»

Rezistans ek Alternativ a depuis l’année dernière entamé une série de rencontres avec tous les partis de l’opposition et propose que toute l’opposition unisse leur force en vue de préparer un gouvernement de transition qui aura pour objectif de proposer une nouvelle constitution et un nouveau système de gouvernance. Que pensez-vous de cela?
Je pense que c’est une formation où l’on retrouve des gens qui aiment sincèrement leur pays. Ils sont comme nous, avec un sens de l’engagement très prononcé. Je dirais que la différence entre eux et nous, c’est qu’ils évoluent avec une rigidité idéologique, tandis que nous, c’est avec une combinaison de rigueur et de pragmatisme pour la gestion de la chose publique. Mais, il faut bien reconnaître que ce ne sont pas des « roder bout » et c’est considérable de nos jours. Je comprends leur proposition de gouvernement de transition, mais je ne vois ni les partis, ni la population s’engager dans ce sens. C’est trop demander aux uns comme aux autres. Allons dire qu’il y a une majorité de la population qui n’en peut plus de ce gouvernement. Quant aux moyens, je crois que nous nous orientons vers une diversité politique qui obligera les partis à négocier après les élections en vue de constituer une majorité. Les circonstances semblent pousser notre pays à emboiter le pas à d’autres grandes démocraties et notre Constitution le prévoit aussi. On va peut-être sortir de la crise politique pour s’engager dans les voies de la maturité démocratique. Quand on veut faire de la politique, il faut savoir faire confiance à la population.  

 

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