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Patrick Assirvaden : «La barge énergétique n’est pas idéale mais elle est un mal nécessaire»

À tort ou à raison, le ministre de l’Énergie tire la sonnette d’alarme : ce sera soit les délestages, voire le black-out, soit la lumière au bout du tunnel. Patrick Assirvaden pare au plus pressé en faisant appel à la barge énergétique qui est, selon lui, un mal nécessaire pour nous fournir les 100 mégawatts manquants d’ici janvier 2026, le temps que les turbines du CEB se remettent à flots.

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La Private Notice Question mardi dernier était centrée sur  le projet de barge énergétique. Qu’en est-il au juste ?
Je dois d’abord dire que j’ai hérité d’un secteur affaibli par des années d’immobilisme, plombé par l’absence de décisions courageuses, ce qui a mené à une véritable crise énergétique. Celle-ci n’est pas le fruit d’une fatalité. Elle résulte d’une gouvernance défaillante, incarnée par l’ancien ministre de l’Énergie, Joe Lesjongard, et par l’ex-Premier ministre, Pravind Jugnauth. Ces derniers ont ignoré les avertissements et les signaux annonciateurs du déséquilibre à venir.

À mon arrivée au ministère, je me suis retrouvé face à un parc de production vieillissant. Voici quelques données concrètes : à Fort George, les cinq moteurs en service ont entre 33 et 35 ans. À Nicolay, les turbines à gaz datent de 30 à 37 ans et à Fort Victoria, certains moteurs en fonctionnement ont entre 15 et 36 ans. Il n’est donc pas étonnant que, depuis le début de cette année, le Central Electricity Board (CEB) ait été confronté à plusieurs pannes majeures.

C’est dans ce contexte difficile qu’il m’a fallu agir dès le début de mon mandat. La sécurité énergétique a été placée au cœur de mes priorités dans mon agenda, car sans électricité, c’est tout un pays qui se retrouve paralysé. J’ai donc dû gérer une demande énergétique en forte hausse, avec des pics de consommation atteignant 567,9 mégawatts. Nous avons aussi dû faire appel à la solidarité du secteur hôtelier en leur demandant de se mettre en « stand-by », faute de quoi nous aurions pu franchir le seuil des 600 mégawatts qui constitue un niveau critique.

Je dois également souligner qu’avec cette demande croissante et l’arrivée de l’été dans quelques mois, le pays aura besoin d’une capacité additionnelle de 100 mégawatts dès janvier 2026.

À cela s’ajoutent les nombreux projets de développement comme les « smart cities ». D’où la décision d’explorer la possibilité de produire de l’électricité grâce à une barge électrique, qui constitue la solution temporaire la plus immédiate pour le pays.

Le pays produit 80 % de son électricité à partir de sources non renouvelables. On brûle de l’huile lourde pour alimenter le réseau national, et pourtant, nous bénéficions en moyenne de sept heures d’ensoleillement par jour. 

Si nous ne faisons rien, le pays risque de faire face à des délestages»

Existe-t-il un dysfonctionnement dans le système ?
Je suis le premier à le dénoncer. Au cours des dix dernières années, notre pays a connu un recul déplorable en matière de progression des énergies renouvelables dans notre mix énergétique. En 2014, lorsque le Parti travailliste a quitté le pouvoir, la part des énergies renouvelables s’élevait à 23 %. Dix ans plus tard, sous la gouvernance du MSM, cette part est redescendue à environ 17.6 %.

La politique des énergies vertes conduite durant cette période a clairement échoué, malgré les fausses promesses de l’ancien ministre de l’Énergie qui affirmait pouvoir atteindre 60 % d’énergies renouvelables d’ici 2030. Aujourd’hui, il ne reste de cet engagement qu’une promesse vide de contenu.

Plusieurs Independant Power Producers sont aujourd’hui hors circuit. N’aurait-il pas fallu anticiper, depuis des années, leur renouvellement ou leur remplacement afin de garantir la continuité de la distribution énergétique ?
Je le répète : nous avons hérité de la situation actuelle, alors que le secteur de l’énergie a connu deux ministres en dix ans. En plus des moteurs du CEB, aujourd’hui vieillissants et sujets à des pannes fréquentes, plusieurs producteurs indépendants d’électricité (IPP) se retrouvent eux aussi avec des équipements obsolètes. Les moteurs de Terra ont aujourd’hui 25 ans et ceux d’Alteo datent de 27 ans. À CTDS, les moteurs ont 20 ans, tout comme ceux de Savannah.

Nous avons déjà entamé des négociations, dont certaines sont sur le point d’aboutir. Mais je tiens à préciser que nous avons, de notre côté, fait le choix d’une rupture en encourageant les IPP à se tourner vers la biomasse, notamment par la production d’électricité à partir de « wood chips ». Certains IPP ont déjà commencé cette transition, et nous entendons intensifier nos efforts pour généraliser cette orientation.

Je tiens également à souligner que nous avons besoin, à court terme, des mégawatts produits par les IPP. Cependant, avec l’introduction de la biomasse, nous engageons résolument le pays dans une transition énergétique visant à remplacer progressivement le charbon. 

Avec le développement, la demande en énergie a explosé. Faut-il s’attendre à des délestages encore plus fréquents que ceux que nous subissons déjà ?
Si rien n’est fait, bien sûr que cela peut arriver, mais seul le leader de l’Opposition refuse d’y croire. Pourtant, entre février et avril, nous avons bel et bien connu des délestages partiels. Nous avons dû demander à certains établissements hôteliers de se mettre en stand-by, et avons lancé une campagne nationale sur l’efficience énergétique.

Nous avons également introduit de nouvelles régulations visant à limiter l’importation de climatiseurs énergivores, afin de réduire la pression sur notre réseau et d’encourager une consommation plus responsable.

Ce que nous mettons en place aujourd’hui est une solution temporaire»

On parle d’énergie solaire, mais sans bon stockage, est-elle vraiment efficace ? Le gouvernement sera-t-il prêt à accorder des subsides importants, comme à La Réunion ?
Dorénavant, tout projet d’énergie renouvelable sera systématiquement équipé de batteries de stockage. Les installations déjà existantes seront également mises à niveau pour être dotées de batteries. Cette mesure est essentielle, car les sources d’énergie renouvelable sont par nature intermittentes et seules des capacités de stockage permettent d’assurer la stabilité et la fiabilité du réseau.

Quid de l’« Electrical Generating Floating Barge » ? Est-ce un mal nécessaire, comme un paracétamol qu’on donne psychologiquement « just for the sake of » ?
Mais qu’on me donne une seule technologie capable de produire 100 mégawatts d’électricité d’ici huit mois. Il n’en existe pas. C’est la réalité. Ce que nous mettons en place aujourd’hui est une solution temporaire, pour une durée de quelques années, le temps que la nouvelle centrale entre en service et que les projets en énergies renouvelables montent en puissance. Par ailleurs, il est important de rappeler qu’actuellement, nous payons déjà Rs 17 par kilowatt/heure à Nicolay. Nous devons donc reconnaître que la solution envisagée, même si elle n’est pas idéale, est un mal nécessaire.

Si nous ne faisons rien, le pays risque de faire face à des délestages. Nous avons 87 mégawatts de demande supplémentaire en attente, liée aux projets déjà dans le pipeline. Cette capacité transitoire est indispensable pour assurer la continuité de l’approvisionnement énergétique, tout en poursuivant notre stratégie d’accélération des projets renouvelables et de réduction de notre dépendance au charbon.

 

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