Si Maurice se prépare à vulgariser la carte d’identité numérique lancée en février 2024, cette innovation ne sera toutefois pas utilisée pour les prochaines élections législatives. Le Premier ministre Pravind Jugnauth a indiqué que des études de faisabilité supplémentaires sont nécessaires. Me Manindra Utchanah, avocat, parle, lui, des multiples défis qu’impliquerait un tel projet pour l’authentification des électeurs.
Les électeurs pourront-ils utiliser leur carte d’identité, qui sera bientôt numérique et sur mobile, pour leur authentification afin qu’ils votent aux prochaines législatives ? Non, comme l’a indiqué le Premier ministre Pravind Jugnauth dans une réponse donnée à l’Assemblée nationale le 9 juillet 2024 après une question du député Fabrice David sur le sujet (voir encadré).
La législation est certes déjà en vigueur. Mais selon le Premier ministre, l’utilisation de l’identité mobile pour les prochaines élections nécessiterait des études de faisabilité supplémentaires. Et pas seulement. Me Manindra Utchanah, avocat et fondateur du groupe LexTech, soutient que le projet en lui-même comporte plusieurs implications.
Il commence par parler de l’installation de dispositifs de vérification électronique dans toutes les salles de vote. Cela représente, selon lui, un défi majeur. Il explique qu’une telle entreprise, en sus d’être « coûteuse », nécessiterait une formation poussée du personnel électoral. Ce qu’il voit difficilement réalisable avant les prochaines élections générales.
« L’authentification des électeurs via l’identité mobile dépendra de l’efficacité des dispositifs de vérification et de la formation du personnel électoral. Si ces éléments ne sont pas correctement mis en place, il y a un risque d’erreurs ou de fraudes », fait ressortir l’avocat.
Autre point qu’il souligne : les citoyens devront faire confiance à une nouvelle technologie. « Cela pourrait susciter des inquiétudes. La transparence et une communication claires de la part des autorités seront cruciales pour rassurer le public », prévient-il.
Confidentialité des données personnelles
Il évoque un autre challenge : la protection des données personnelles des électeurs. « Il faut garantir que ces informations soient sécurisées et protégées des cyber-attaques et des accès non autorisés. Ce qui est un défi non négligeable avec les technologies actuelles », souligne-t-il. Évoquant le risque de fraude électorale, il insiste sur l’importance de s’assurer que ces systèmes sont à l’abri de toute manipulation et tout abus afin de préserver l’intégrité des élections.
Sur la question de la sécurité et de la confidentialité des données personnelles, Me Manindra Utchanah rassure que l’application de portefeuille numérique intégrée à l’identité mobile est équipée de fonctionnalités de sécurité de pointe. En revanche, il reconnaît que ces mesures ne sont pas infaillibles contre les cyber-attaques.
« Les mesures actuelles, bien que robustes, pourraient ne pas suffire à prévenir toutes les formes de piratage ou de vol de données », dit-il. Raison pour laquelle il indique que la gestion de la confidentialité repose aussi sur la vigilance des utilisateurs, un aspect parfois imprévisible.
Stockage des informations
Quid du stockage des données personnelles, un sujet qui a donné lieu à des litiges et à des contestations dans le passé ? « Cela reste une question sensible », répond sans ambages Me Manindra Utchanah. Ce qu’il faudrait faire, selon lui, pour atténuer ce problème, c’est adopter des politiques strictes de gestion et de protection des données, tout en exerçant une surveillance continue afin de détecter et prévenir les abus.
« La transparence dans la manière dont les données seront stockées et utilisées sera essentielle pour inspirer confiance aux citoyens. Je crois que la clé réside dans l’utilisation d’un registre des accès basé sur le concept blockchain. Cela rendrait impossible pour les fonctionnaires de falsifier les journaux d’accès. Cela garantirait une traçabilité et une transparence totale sur l’utilisation des données personnelles », propose l’homme de loi.
Mais que se passera-t-il si une personne perd son smartphone et donc son identité numérique ? L’avocat explique que si un citoyen perd son téléphone portable, il devra suivre un processus pour désactiver son identité numérique et la réinstaller sur un nouvel appareil. Ce qui, selon lui, peut être long et complexe.
« Cela pose également un risque de sécurité si l’appareil tombe entre de mauvaises mains avant d’être désactivé. Les autorités devront offrir un soutien efficace et rapide afin de minimiser les désagréments et les risques associés à la perte d’un téléphone contenant une identité numérique », insiste l’avocat.
Quelques-uns des avantages
L’identité numérique présente plusieurs avantages par rapport à la carte d’identité physique traditionnelle, selon Me Manindra Utchanah. Il explique qu’elle permet une accessibilité accrue, les citoyens pouvant l’avoir toujours sur eux via leur smartphone.
De plus, elle facilite la mise à jour des données et offre des services supplémentaires, comme la signature numérique de documents, améliorant ainsi l’efficacité des interactions administratives.
La réponse donnée par le PM à l’Assemblée nationale
Le 9 juillet 2024, à l’Assemblée nationale, Pravind Jugnauth a eu droit à une question du député du Parti travailliste Fabrice David, qui voulait savoir si la nouvelle carte d’identité mobile serait utilisée pour l’authentification des électeurs lors des prochaines élections générales. Le Premier ministre a répondu par la négative, mettant en avant le fait que cela nécessiterait des études de faisabilité supplémentaires.
Il a fait l’historique du projet de carte d’identité nationale introduit en 2013 et mis en œuvre dans le cadre d’un accord gouvernemental avec Singapour. Il a soutenu que la mise à niveau du système a été décidée en mars 2020 et qu’un contrat a été attribué au consortium Thales/Harel Mallac Technologies pour un coût de Rs 374 millions.
La version physique de la carte d’identité 3.0 a été lancée en février 2024 et la version mobile sera disponible après des vérifications techniques et l’approbation des applications sur Google Play et Apple App Store. La carte d’identité mobile sera stockée dans un portefeuille numérique sécurisé, permettant aux citoyens d’utiliser leur carte mobile au lieu de la carte physique pour prouver leur identité.
En ce qui concerne l’utilisation de la carte d’identité mobile pour l’authentification des électeurs, le Premier ministre a expliqué qu’une étude de faisabilité est nécessaire pour évaluer les besoins en personnel, la formation, les équipements et les implications financières. Il a souligné que le commissaire électoral a déclaré « qu’il ne sera pas possible d’utiliser la carte d’identité mobile pour les prochaines élections en raison des contraintes techniques et des implications légales ».
Le Premier ministre a également annoncé une application de vérification mobile gratuite pour authentifier la carte d’identité mobile. Il a ainsi souligné l’importance de la sécurité et de la confidentialité des données dans ce nouveau système. Bien que la carte d’identité mobile ne soit pas utilisée pour les élections de 2024, elle représente une avancée significative vers des solutions d’identité numériques modernes et sécurisées pour l’avenir, selon lui.
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