L’émergence des petits partis nourrit l’espoir d’un renouveau politique, surtout dans un contexte marqué par des scandales à répétition. À l’approche du scrutin, certains candidats indépendants et figures de formations alternatives font entendre leurs voix, prônant une troisième voie pour rompre avec la domination des grandes alliances. Mais les Mauriciens sont-ils prêts à franchir le pas ?
Alors que les Mauriciens se préparent à voter ce dimanche 10 novembre 2024, l’émergence de petites formations politiques et l’idée d’une « troisième force » soulèvent des espoirs de changement. Certains candidats des partis indépendants et alternatifs expriment leurs attentes et partagent leur vision d’une nouvelle dynamique politique pour l’île. Mais une question subsiste : les citoyens sont-ils réellement prêts pour le changement ?
Le Dr Michael Atchia, en sa qualité d’observateur, est d’avis que, dans une grande mesure, l’électorat est prêt pour un changement. « Nous sentons qu’il y a un changement dans l’air. Il faut qu’on y soit préparé. Le ‘mood’ des électeurs a été influencé. C’est un peu comme en 1982 où les gens étaient fatigués et d’un coup on a eu le résultat que nous avons eu », dit-il.
De plus, ajoute-t-il, c’est une très bonne chose que les gens viennent de l’avant. « Ils ont le courage de se regrouper pour former des petits partis … » L’observateur reconnaît aussi la valeur du programme alternatif proposé par ces nouvelles voix. Mais pour lui, malgré leur courage remarquable, leurs chances de succès sont minces sans alliance avec les grands blocs : « Il faut se rendre à l’évidence qu’il est peu probable qu’ils se fassent élire. »
Patrick Belcourt, leader d’En Avant Moris, pense le contraire. Il est persuadé que les Mauriciens ont compris qu’ils ne trouveront pas leur salut dans les deux grands blocs politiques. Ce que les gens recherchent, selon lui, c’est une alternative aux deux grandes alliances dominantes.
« Nous sommes impressionnés par le nombre de sollicitations que nous avons reçues lors de nos réunions sous ‘la varangue’. Les gens ont envie de travailler pour avoir une meilleure considération », explique le leader d’En Avant Moris, qui fait partie de l’alliance Linion Reform. Il estime que le souffle de changement est palpable. « L’électorat s’est rendu compte qu’avant il y avait le branding et maintenant le tapping… »
Quant à Dev Sunnasy, de Linion Reform et candidat dans la circonscription n°18, il indique que son alliance se veut plus crédible que les deux grands blocs politiques : « Nous nous considérons comme une véritable alternance. » Il ajoute qu’au sein de son parti, il y a des personnes crédibles, d’anciens députés et ministres qui ont fait leurs preuves.
« Nous avons présenté des dossiers crédibles, un projet de réforme et un budget alternatif, entre autres. Nous avons également organisé des manifestations en descendant dans la rue pour des causes valables… », précise-t-il. En revanche, il déplore une chose : « Malheureusement, il y a une grosse partie de l’électorat qui est indécise. Les ‘petits partis’ sont donc un choix qui s’offrent à elle. La population doit réfléchir. »
Jessica Lafleur, candidate indépendante dans la circonscription n° 14, soutient que c’est avec le peuple qu’elle fait alliance. L’habitante de Chemin-Grenier souligne que ce sont les électeurs qui permettent aux nouveaux partis d’avoir une place.
« C’est une demande des citoyens qui sont fatigués de voir les mêmes au contrôle du pays. Ces derniers ont le monopole non seulement sur leur propre parti mais aussi sur notre pays. S’ils savaient déléguer, cela aurait rendu les choses meilleures. Ils pratiquent une politique de vengeance qui ne bénéficie pas aux citoyens, mais qui vise à maintenir leur statut... » dit-elle.
Pour Jessica Lafleur, il y a seulement une partie de l’électorat qui pense au vrai changement. Selon elle, si changer signifie simplement échanger un leader pour un autre, alors il n’y a pas de vrai changement : « Si sanzman ve dir tir Navin met Pravind ou tir Pravind met Navin, alor la nou pann sanz ditou. »
Géraldine Hennequin-Joulia, candidate de l’Idéal Démocrate dans la circonscription n° 17 (Curepipe/Midlands), affirme que ce n’est pas un slogan qui fera changer les mentalités. « Les électeurs ont un trop-plein des mêmes familles qui règnent en monarques sur la scène politique locale. Il n’y a pas de renouvellement à la tête des partis mainstream. Nous avons l’impression que les places sont réservées », dit-elle.
Elle ajoute qu’hélas, cela s’applique aujourd’hui au recrutement dans la fonction publique. « Il y a un entre-soi. On exclut des gens à cause de leur nom, de leur couleur de peau et de leur appartenance ethnique. » Géraldine Hennequin-Joulia estime que l’émergence de voix hors du sérail politique traditionnel n’arrivera que si les Mauriciens décident de briser les tabous et de s’affranchir de certains complexes. « Tout finit par arriver un jour. Et il y a toujours un premier pas. Pour l’enclencher, il faut refuser de ‘vot blok’. »La candidate de l’Idéal Démocrate est, elle aussi, d’avis qu’il y a un désir de changement profond. Mais elle estime qu’il y a beaucoup de peur aussi de voir ce même gouvernement sortant revenir au pouvoir. « Ce serait catastrophique pour notre pays. La peur et la colère ne doivent pas nous empêcher de réfléchir à la manière dont nous allons voter. Allons-nous donner un chèque en blanc au prochain gouvernement ? Il faut apprendre de nos erreurs. Commettre les mêmes erreurs à nouveau serait une faute ! », fait comprendre Géraldine Hennequin-Joulia.
Cehl Meeah, leader du Front Solidarité Mauricienne, voit ces élections comme une opportunité de transformation. Élu lors des élections générales de 2010, il est convaincu de la maturité de l’électorat : « Je suis convaincu qu’à travers l’île, l’électorat a une maturité pour donner leur chance aux partis extraparlementaires, qui comptent des candidats valables, de faire leurs preuves. »
Il espère que ces partis auront une place à l’Assemblée nationale pour faire entendre des débats différents. « Ce scrutin pourrait bien marquer une rupture définitive avec les deux grandes alliances qui ont tout le temps dominé l’actualité », dit-il, malgré les moyens limités des petits partis face aux efforts massifs des grands blocs qui, lors des meetings de dimanche dernier, ont, selon lui, mobilisé 250 à 300 autobus pour transporter les partisans. Ce qui, selon lui, est impossible pour les petits partis.
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