Nouveau coup de massue pour les consommateurs. À partir du 1er avril, les services des pharmaciens du privé seront facturés sous certaines conditions. Le barème a été avalisé par le Pharmacy Council.
Ce n’est pas un poisson d’avril. À partir du 1er avril, les services des pharmaciens du privé seront payants. Ce qui vient concrétiser une requête des pharmaciens qui réclamaient un « professional fee » et un « counselling fee » depuis plusieurs années déjà. Elle avait été avalisée par le ministère de la Santé en décembre 2021 dans les Professional Responsability of the Pharmacy Council (Code of Practice) Regulations 2021. Le barème tarifaire a été finalisé par le Pharmacy Council (PC) le jeudi 24 mars dernier.
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La section 4(3) des Professional Responsibility of the Pharmacy Council (Code of Practice) Regulations 2021 dispose qu’un « professional fee » de Rs 100 est applicable pour une prescription contenant des produits pharmaceutiques listés (dangerous drugs) ou des antibiotiques. Le « fee » est aussi applicable à un taux de 10 % pour les autres prescriptions mais ne doit pas dépasser Rs 100. Les conseils d’un pharmacien (counselling fee) seront aussi facturés à un montant n’excédant pas Rs 100.
Ces « professional fees » ne peuvent être réclamés que si le pharmacien en charge de l’officine est présent, souligne le PC. Les clients peuvent ainsi demander une preuve d’identité pour faire la différence entre le « dispenser » qui travaille sous la responsabilité du pharmacien. Ce dernier possède désormais une carte portant le sceau du PC.
En marge de l’introduction du « professional fee », les lignes directrices ont été soumises aux pharmaciens afin qu’ils puissent appliquer les nouvelles dispositions à partir du 1er avril selon le code de conduite du PC. « Ces mesures ne visent pas à pénaliser les clients. Cela vise à mieux expliquer aux patients comme prendre leurs médicaments, l’importance de se plier aux conseils de leur médecin et la fréquence de la prise de leurs médicaments selon ce qui est thérapeutiquement recommandé (avant, pendant ou après le repas) », affirme le président de l’ordre des pharmaciens, Faisal Elyhee. Il indique que le rôle du pharmacien est aussi de passer en revue les produits pharmaceutiques que prend déjà le patient dans le but d’éviter les interactions.
Faisal Elyhee souligne qu’il n’y a rien de nouveau dans l’introduction du « professionnal fee » car cette pratique est déjà en vigueur dans plusieurs pays où elle est pleinement bénéfique aux patients. Pour lui, les membres du public devront accepter ces nouvelles mesures s’ils veulent bénéficier des services d’un pharmacien. Il précise que le « professional fee » étant un « service fee », il devrait être remboursable par les assurances santé.
Opposition à cette décision
« L’introduction du ‘professional fee’ est prématurée dans une période où les consommateurs éprouvent déjà des difficultés à joindre les deux bouts », soutient Suttyhudeo Tengur, président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (Apec). Pour lui, les pharmaciens doivent présenter leur structure de salaire pour justifier ce « professional fee » afin qu’il n’y ait pas d’opacité. « Je suis contre ce ‘professional fee’ pour délivrer des médicaments car c’est le travail du pharmacien », déclare, pour sa part, Jayen Chellum, secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice (Acim). Le pharmacien peut prodiguer un conseil mais ce n’est pas un service additionnel, dit-il. « C’est le médecin qui fait la prescription concernant le médicament et la dose à prendre, le pharmacien ne fait qu’exécuter ses recommandations », souligne-t-il. A son avis, le « professional fee » ajoute un coût sur le dos des consommateurs alors que les médicaments se vendent déjà assez cher. Cela risque d’engendrer un cercle vicieux en créant un précédent : tous ceux qui offrent un service pourraient vouloir obtenir un « professional fee ».
Des propriétaires n’adhèrent pas
« Je ne suis pas d’accord avec ce ‘professional fee’. Cela va à l’encontre des principes. Le rôle d’un pharmacien n’est-il pas d’assurer un service ? Pourquoi facturer à nouveau le client s’il est déjà payé pour cela à travers son salaire ? » Tel est la réaction de certains propriétaires de pharmacie. L’un d’eux, qui n’a pas souhaité être cité, est d’avis que ces nouveaux règlements vont faire fuir les clients car certains ne voudront pas payer des frais supplémentaires lors de l’achat de leurs médicaments. « Le pharmacien ne fait qu’exécuter la prescription d’un médecin qui, lui, a porté un acte médical en auscultant un patient pour ensuite établir un diagnostic et prescrire des médicaments. Le pharmacien peut donner des conseils mais pas pour autant réclamer un ‘professional fee’ », souligne notre interlocuteur.
Les syndicats de pharmaciens satisfaits
« Les conseils supplémentaires d’un pharmacien professionnel ne peuvent pas être toujours gratuits comme c’était le cas auparavant faute de législation », explique Premnath Rosunee, président de la Pharmaceutical Association of Mauritius. Pour lui, l’introduction du « professional fee » va dans le droit fil de ce qui se fait dans plusieurs pays. « Les services d’un pharmacien requièrent des compétences et une expertise afin d’aider les patients à prendre leurs médicaments », ajoute-t-il.
Selon lui, le salaire du pharmacien est plutôt un « retention fee » pour sa licence. Un avis que partage Siddique Khodabocus, président de l’Union des pharmaciens. « Le pharmacien est un professionnel qui a fait des études et passé des examens pour être enregistré et acquérir les compétences requises pour exercer son métier. De ce fait, il doit bénéficier d’un ‘professional fee’ », fait-il ressortir.
Siddique Khodabocus ajoute qu’une pharmacie est une officine professionnelle où sont dispensés les services d’un professionnel qui a fait cinq ans d’études et une année de pratique avant de pouvoir exercer. Il affirme que le « salaire » de Rs 25 000 à Rs 40 000 que touche un pharmacien du privé est « dérisoire ».
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