La reconduction controversée de l’accord entre Air Mauritius et Emirates fragilise les ambitions du gouvernement mauricien, bloquant des partenariats stratégiques, notamment avec Qatar Airways et d’autres transporteurs du Moyen-Orient.
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Le gouvernement négocie avec le Qatar sur plusieurs sujets, dont un partenariat entre Qatar Airways et Air Mauritius. Mais la reconduction de l’accord entre la compagnie nationale et Emirates en mai est perçue comme une entrave majeure à ces négociations. Il l’est aussi pour d’éventuels autres pourparlers avec des transporteurs aériens du Moyen-Orient et de la région d’Afrique du Nord, privant Air Mauritius d’étendre son réseau dans certaines régions du monde. Cette reconduction reprend en très grandes lignes celle signée en 2016 et continue à lier pieds et poings la compagnie nationale d’aviation à Emirates.
Cette reconduction est à l’origine d’une controverse majeure et l’un des éléments qui ont provoqué la démission de Kishore Beegoo, jeudi, du poste de Chairman du Board. Il lui est reproché d’avoir procédé à cette reconduction sans avoir obtenu au préalable l’aval du conseil d’administration d’Air Mauritius.
L’accord, qui entrera en vigueur le 1er avril 2026 et qui est valable jusqu’au 31 mars 2031, est actuellement examiné par le gouvernement pour déterminer la voie à suivre. Il suscite une vive irritation, en raison de ses implications stratégiques, notamment en pleine négociation d’un partenariat potentiel avec le Qatar, mais aussi éventuellement avec d’autres grandes compagnies aériennes du Moyen-Orient.
Mainmise d’Emirates
Cette reconduction prolonge donc ce partenariat historique datant du 16 décembre 2013, complété par un premier avenant en février 2016. Elle vise à consolider les relations entre les deux compagnies sur la Trunk Route (route principale Dubaï-Maurice), en matière de vols passagers et de frets. Mais les clauses d’exclusivité renforcées y figurant heurtent de plein fouet les ambitions du gouvernement mauricien, qui a entamé des pourparlers avec Qatar Airways pour un partenariat stratégique. Ces discussions, lancées ces derniers mois, visent à diversifier les alliances d’Air Mauritius.
Au cœur du malaise : des clauses qui imposent une exclusivité. Celles-ci figuraient déjà dans les précédents accords entre les deux compagnies, mais prennent une autre dimension dans un contexte où Air Mauritius veut s’ouvrir à d’autres compagnies concurrentes d’Emirates.
Dans l’accord de 2016, repris dans celui de 2025 il est stipulé qu’Air Mauritius s’engage à ne conclure aucun accord de code-share (partage de sièges entre deux compagnies sur un même vol), d’interline spécial ou équivalent avec toute compagnie aérienne tierce ayant son siège ou sa base d’opérations principales en Turquie. Elle s’était engagée aussi à ne pas code-sharer (en tant que transporteur marketing) avec des services de toute compagnie aérienne tierce vers ou depuis tout emplacement au Moyen-Orient ou en Afrique du Nord.
Les parties avaient aussi conclu que tout droit temporaire ou permanent accordé à tout transporteur du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord ou de Turquie pour opérer vers/depuis Maurice aurait comme conséquence une renégociation en profondeur de l’accord entre Air Mauritius et Emirates.
Conséquences stratégiques
Les conséquences sont lourdes de sens stratégique. D’abord, elle interdit à Air Mauritius tout code-share – un mécanisme clé permettant de mutualiser les vols et les sièges avec une autre compagnie – avec des acteurs du Moyen-Orient ou d’Afrique du Nord, y compris Qatar Airways, dont le siège est à Doha. Ce qui fige la dépendance d’Air Mauritius envers Emirates sur la Trunk Route, limitant sa flexibilité commerciale et sa capacité à développer des hubs alternatifs.
En interdisant également à Emirates tout partenariat avec des compagnies mauriciennes concurrentes, la clause protège mutuellement les intérêts, mais au prix d’une rigidité qui contredit les objectifs de diversification du gouvernement. Par exemple, sous l’interdiction de code-share vers le Moyen-Orient, Air Mauritius ne peut commercialiser des vols qataris comme siens, freinant potentiellement l’accès à un réseau plus large via Doha. Emirates opère deux fréquences quotidiennes, et trois à partir du 1er décembre à l’aéroport de Plaisance et elle est dans une position dominante.
Une autre clause oblige Air Mauritius à faire du lobbying pour Emirates auprès du gouvernement mauricien. Ici, l’impact est réglementaire : Air Mauritius doit activement plaider auprès du ministère des Affaires étrangères et de l’aviation civile pour pérenniser les opérations d’Emirates, initialement temporaires. Ce qui transforme la compagnie nationale en facilitateur pour son partenaire, potentiellement au détriment d’autres négociations, comme celles avec le Qatar, qui pourraient exiger une réallocation de slots aéroportuaires limités.
Kishore Beegoo : « L’accord avec Emirates vient du gouvernement »
Kishore Beegoo a été interrogé par Le Défi Media Group lors de la conférence de presse de jeudi sur le fait que la reconduction ne soit pas passée par le Board avant sa signature. Kishore Beegoo s’est expliqué : « Lakor Emirates sorti kot PM avan vinn isi. Li la depwi vin-t-ans. Je n’ai rien fait en plus ni en moins. C’est le même accord, mais reconduit en mieux. Il est passé par le gouvernement avant. »
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