L’alcoolisme a un impact considérable sur les enfants dont les parents sont buveurs. Quand ces derniers sombrent dans la dépendance, ils mettent non seulement leur vie en péril mais également celle de leur progéniture. Constat.
«Cet enfant a besoin de sa mère. Il ne cesse de la réclamer. » Paroles blessantes d’une grand-mère de 69 ans qui prend en charge son petit-fils depuis cinq ans déjà. Ce dernier se prénomme Dylan. Il n’a que 7 ans. Ses parents sont alcooliques. La plupart du temps, ces derniers ne sont pas aptes de s’occuper de leur fils. Raison pour laquelle, le gamin est pris en charge par sa grand-mère.
Cette dernière sanglote quand on lui adresse la parole. Voir sa fille en train de sombrer dans l’alcool lui fend le cœur. Une pénible situation qui dure depuis cinq ans. Elle explique que c’est de plus en plus difficile pour elle de gérer cette situation.
« J’essaie de la raisonner. Mais en vain. Ce qui m’attriste le plus c’est le fait que ma fille ne soit plus capable de s’occuper de son fils. Elle est rarement dans un état lucide où elle peut jouer ou parler un peu avec son enfant. Par dessus-tout, elle refuse toute aide. Je suis déjà âgée. Je n’ai pas longtemps encore à vivre. Qui s’occupera de mon petit-fils », s’interroge-t-elle en pleurant.
Michaëlla Clément, directrice de l’Organisation non gouvernementale (ONG) Étoile d’Espérance, qui accueille les femmes atteintes d’alcoolisme, explique que « de nos jours, l’alcoolisme affecte également beaucoup de femmes ». « Un grand nombre d’entre elles se retrouve dans ce cas après un choc psychologique ou alors la perte d’une personne proche », poursuit-elle. De ce fait, Étoile d’Espérance accueille beaucoup de femmes pour un suivi. La directrice reconnaît « qu’il y a également beaucoup de femmes qui ne viennent pas, par manque d’information, ou refus de soutien ».
La société dans laquelle on vit est très dure, selon notre interlocutrice. « Beaucoup de personnes sombrent lentement dans l’alcool sans que l’on s’en rende compte. Le syndrome d’alcoolodépendance ou alcoolisme, est une maladie complexe qui touche les femmes comme les hommes ». Michaëlla Clément précise qu’il est difficile de connaître le nombre exact de personnes atteintes d’alcoolisme.
Étoile d’Espérance vient de fêter son 20ème anniversaire le 15 avril dernier. Cette ONG organise un programme de réhabilitation pour les femmes qui sont dépendantes de l’alcool. Cela consiste d’abord à leur faire regagner confiance en elles. Et aussi à leur prodiguer des conseils afin qu’elles puissent surmonter leurs troubles psychologiques et émotionnels. « C’est un travail de longue durée. Afin de bien comprendre les problèmes de ces femmes, nous les hébergeons pendant une période minimum de trois mois. Nous établissons avec elles une relation de confiance. »
Satish, président de l’organisme Alcooliques Anonymes, apporte lui aussi son soutien aux personnes qui sombrent dans l’alcoolisme. « L’alcoolisme c’est une maladie incurable, progressive et mortelle », précise-t-il. Ainsi, Alcooliques Anonymes fait tout pour encourager ces personnes à s’en sortir. Selon lui, « un alcoolique doit reconnaître qu’il souffre d’une maladie, qu’elle soit physique, mentale ou spirituelle ».
Cependant, Satish admet son impuissance devant une telle maladie qui prend possession et maîtrise la vie de la personne. « Quand j’accompagne une personne malade, je commence d’abord par relater ma vie et mon expérience. Je leur confie comment j’étais avant et ce que je suis devenu aujourd’hui. Cela aide à créer un climat de confiance. La personne reprend espoir et est encouragée à changer. Elle se pose elle-même la question : pourquoi pas moi ? »
Durant son accompagnement, Satish prodigue aussi quelques conseils : « Évitez ne serait-ce qu’un jour la consommation d’alcool ».
Par ailleurs, notre interlocuteur précise « qu’il faut croire en la puissance supérieure. Et remettre sa vie dans sa volonté. Peu importe la religion qu’on pratique. Il est aussi important de se détacher de l’orgueil, de la luxure, de l’avarice, de la gourmandise, de la colère, de l’envie et de la paresse. Ce sont les sept pêchés capitaux qui empêchent de progresser dans la vie », avance-t-il.
Satish est-il un ex alcoolique ? « Non », répond-t-il. « Je suis toujours alcoolique. Ce qui me différencie, c’est que je ne prends pas un verre. L’alcoolisme c’est une maladie incurable, progressive et mortelle », lance-t-il. À bon entendeur, salut !
Étoile d’Espérance aide les alcooliques à s’en sortir
La directrice de l’ONG, Étoile d’Espérance explique : « Même après le programme de réhabilitation, il y a des femmes qui rechutent. On ne peut garantir que la femme ne fasse de rechute après son passage chez nous. L’entourage de ces personnes et le soutien de leur famille comptent beaucoup afin qu’elles puissent sortir de leur addiction à l’alcool. »
Par ailleurs, il leur faut beaucoup d’amour, de et de soutien. Le regard de la famille est d’une importance capitale pour la guérison de la personne. « Nous disons aux patients de ne pas retourner dans le même environnement qui a contribué à leur chute. Par exemple, des amis ou proches qui les ramènent dans ce sentiment de tristesse ou qui leur replongent dans leur problème du passé. Avant tout, il est primordial que la femme ait l’envie de sortir de sa maladie. Qu’elle ait la volonté de changer. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’il y a une chance de guérison. D’autre part, il est important de souligner que ce traitement est gratuit. »
Thérapie : 606 2040 / 5903 6808
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Conséquences de l’alcool sur le bébé
Farhad Aumeer, Senior Consultant in Obstetrics and Gynaecology, opérant dans le privé, objecte catégoriquement à la consommation de boissons alcoolisées chez la femme enceinte. « Certains disent qu’un minimum de 80 à 100g de taux d’alcool est acceptable par semaine chez la femme enceinte. Je le déconseille absolument. L’alcool affecte directement le bébé, chez la femme enceinte », précise-t-il.
Quelques aspects néfastes de l’alcool sur le bébé, selon le gynécologue :
- Troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale (ETCAF) quand les bébés sont exposés à l’alcool dans l’utérus. Ces troubles comprennent un large éventail de problèmes (physiques, comportementaux, apprentissage). Ou encore des anormalités, par exemple, au niveau de l’apparence.
- Souffrance du bébé. Il ne grandit pas comme il se doit dans le ventre de la maman. Bien souvent, la complication continue après la naissance.
- Malformation congénitale et dysfonctionnement au niveau de la fonction cérébrale. Le développement du bébé devient trop flasque ou trop actif.
- Fréquence élevée de bébés mort-nés chez les femmes alcooliques.
- Effet direct sur le système respiratoire chez certains bébés. D’où l’importance d’une surveillance accrue.
Interview
Sarvesh Dosooye, psychologue : «Un enfant de parents alcooliques peut être confus et perturbé»
Quels sont les sentiments et comportements d’un enfant vivant avec des parents alcooliques ?
Il est clair que le comportement d’un enfant vivant avec des parents alcooliques ne sera pas comme tous les autres. D’abord, l’enfant se posera beaucoup de questions. L’enfant sera aussi confus. Car l’enfant a tendance à prendre pour modèles ses parents. Il sera perturbé si un de ses repères se comporte mal. De plus, il aura une mauvaise perception de la vie. Cela pourra impacter sur la confiance qu’il aura envers un adulte. Ce manque de confiance commencera dans sa maison pour s’étendre ensuite envers d’autres personnes. Cela ternira éventuellement son image de soi. Il aura une mauvaise perception de la vie.
Est-il possible pour un enfant de surmonter l’épreuve d’un parent alcoolique ?
Il est certes possible de surmonter cette épreuve. Cela requiert un encadrement adéquat pour l’enfant avant qu’il puisse reprendre le cours d’une vie normale.
Les enfants de parents alcooliques développent-ils un comportement contraire voire une répugnance pour l’alcool ? Tentent-ils de se différencier de leurs parents ?
Le développement et le comportement de l’enfant dépendent de plusieurs facteurs. Sa nature, son milieu ou encore ses amis peuvent l’influencer. Souvent les personnes ont tendance à juger entre le bon et le mauvais. Mais, dans la majeure partie des cas, l’enfant se situe au milieu.
Des parents alcooliques auront-ils un impact sur la vie de leur enfant qui grandit ?
Un enfant qui a des parents alcooliques pourrait éventuellement être affecté au niveau académique, voire social.
Quels conseils donneriez-vous pour aider un enfant à surmonter de telles épreuves ?
Il n’y a pas d’autres alternatives que d’être suivi par un professionnel qui accompagnera l’enfant et l’aidera à surmonter ce traumatisme. Cela le rassurera et le fera comprendre qu’il n’est pas coupable de cette situation. Dans certains cas, le suivi doit être fait à long terme.
Témoignages
Jeannine, 62 ans : « Mon état faisait beaucoup de peine à mes enfants »
« Lorsque j’avais une dépendance de l’alcool, je ne voulais pas que mes enfants s’approchent de moi. D’abord, parce que, j’étais moi-même gênée par l’odeur de l’alcool. Je gardais ainsi une distance vis-à-vis de mes trois enfants, alors âgés de 20, 16 et 12 ans, respectivement. C’était difficile de leur cacher ma situation vu leur âge. Mon état faisait beaucoup de peine à mes enfants. Cela les rendait tristes. Un jour, l’un d’eux m’a dit : ‘Kifer to fer sa mama ?’ Je suis aujourd’hui arrivée à onze années d’abstinence grâce au programme offert par Étoile d’Espérance. Depuis, mon mode de vie a complètement changé. Je suis employée au Centre et je jouis à présent d’une vraie vie de famille. »
Neeluffer, 35 ans : « Mes petits étaient livrés à eux-mêmes »
« Mes enfants étaient les principales victimes de ma dépendance à l’alcool. Je les délaissais bien qu’ils fussent en bas-âge. Je ne cuisinais pas, je les nourrissais avec des aliments qui me tombaient sous la main. Idem pour leur bain. Tout se faisait à la va-vite. Mes petits étaient livrés à eux-mêmes. Ils ne comprenaient pas ce qui se passait. Si l’éducation de l’aîné n’a pas été vraiment affectée, en revanche le benjamin, qui avait deux ans, et qui était en plein développement à cette époque, éprouve quelques difficultés dans ses études. Grâce au programme destiné aux personnes alcooliques, je suis abstinente depuis trois ans. Aujourd’hui, j’essaie de rattraper le temps perdu avec mes enfants. »
Gavin H., 17 ans : « Tout a basculé lorsque mon père a perdu son emploi »
Il est étudiant en Lower VI. Il explique que depuis cinq ans son père est alcoolique. « Au début, mon père était très attentionné et jovial. Tout a basculé lorsqu’il a perdu son emploi. Il a beaucoup pleuré. Puis, il a commencé à boire. Finalement, mes parents ont fini par se séparer. Je sais que mon père n’est pas entièrement fautif. Cependant, je lui reproche de ne pas avoir la volonté de s’en sortir. Aujourd’hui quand je le vois il est tout crasseux et négligé. J’ai même honte de le présenter à mes amis ».
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