Le décès d’Akhilesh Gopalsing après sa chute d’une tyrolienne au domaine de Chazal, la semaine dernière, suscite des interrogations. En particulier sur la sécurité dans les parcs de loisirs. La perception que le danger guette ne cesse que s’accentuer. D’ailleurs, une série de lacunes est pointée du doigt pour dénoncer l’insécurité.
Un audit complet de toutes les installations dans les parcs de loisirs et exigence des utilisateurs sur la fiabilité de ces installations. C’est ce que la Consumer Advocacy Platform (CAP) recommande. Mosadeq Sahebdin, le directeur de la CAP, en avait déjà souligné l’importance d’un tel exercice suivant de récents accidents dans des parcs de loisirs, il revient à la charge après le décès tragique d’Akhilesh Gopalsing.
Législation
Selon Mosadeq Sahebdin, il n’y a pas de règlements. « La CAP avait fait cette recommandation après qu’elle a mené une enquête à la suite de certains accidents graves survenus dans des parcs de loisirs. On avait demandé au ministère du Tourisme une législation en vue de la promulgation de règlements exigeant la conformité des installations en question et que celles-ci soient soumises à des tests régulièrement », explique-t-il.
Il poursuit que ces demandes de la CAP étaient motivées par la confirmation obtenue de la Tourism Authority qu’il n’existait pas, sous la Tourism Authority Act 2006, de règlements exigeant des opérateurs de parcs d’attraction que leurs installations soient certifiées par un bureau de normalisation ayant les compétences appropriées. « De plus, cette autorité avait confirmé que les tyroliennes et autres Canyon Swing ne sont pas des activités pouvant faire l’objet d’une surveillance en vertu de la loi », précise Mosadeq Sahebdin.
Selon lui, il est important que les installations dans les parcs de loisirs soient conformes à des normes de sécurité internationales.
Standard-conscious
La CAP étant soucieuse de la sécurité des utilisateurs des installations, dont les tyroliennes, demande à ces derniers d’être vigilants. « Les consommateurs doivent être plus standards-conscious. La CAP estime que les utilisateurs des installations se trouvant dans des parcs de loisirs doivent exiger de voir les certificats de conformité des installations », conseille Mosadeq Sahebdin.
Il ajoute qu’il est aussi nécessaire de réclamer des opérateurs qu’ils rendent accessibles les attestations quant aux dernières vérifications, comme le font les installateurs d’ascenseurs. À défaut, la CAP demande aux utilisateurs de boycotter ces installations.
Vérifications
Le dernier cas en date, selon le directeur de la CAP, soulève la question plus pertinente de la conformité aux normes des installations des parcs de loisir. « Les toboggans, les tyroliennes et autres quad bikes sont-ils sujets à des normes de sécurité ? À quelle fréquence ces installations subissent-elles des vérifications ? En cas de certification par un bureau de certification étranger, y a-t-il un audit entrepris par celui-ci ? Y a-t-il une autorité à Maurice pour assurer que de telles vérifications ont été faites conformément aux paramètres établis ? », s’interroge ce dernier. D’où le fait qu’il préconise un audit complet dans les différents parcs de loisirs.
Lindsay Morvan : «10 officiers pour les vérifications»
Le directeur général de la Tourism Authority, Lindsay Morvan explique que les parcs de loisirs opèrent sous des licences d’écotourisme. Il précise que depuis 2017, aucun nouveau permis de ce genre n’a été octroyé.
Il souligne de plus que la Tourism Authority, en collaboration avec d’autres entités, travaille sur de nouveaux règlements pour les détenteurs du permis d’écotourisme. « Depuis 2017, il y a un panel qui travaille sur les moyens de mieux réglementer le secteur. Certains qui l’ignorent seront tentés de dire que ce n’est après l’accident de la semaine dernière que nous nous sommes mis au travail. Or, cela fait un bout de temps maintenant que nous planchons sur cet aspect », affirme Lindsay Morvan. Le directeur général de la Tourism Authority ajoute qu’une fois l’ébauche prête, elle sera envoyée au State Law office.
Il souligne que des visites sont effectuées dans les parcs de loisirs pour vérifier que tout est selon les normes. « Nous sommes accompagnés par un membre du Groupemen d’intervention de la police mauricienne (GIPM) quand nous faisons un risk assessment dans un parc de loisirs. Il y a un suivi qui se fait pour la réduction des risques », soutient notre interlocuteur. Il concède toutefois que le manque d’effectif pose problème. « Malheureusement, il y a 10 employés pour assurer l’inspection des 6 000 détenteurs de permis dans 32 secteurs d’activités », fait-il ressortir. Il souligne que malgré tout, deux à trois officiers effectuent des visites dans des parcs de loisirs chaque mois.
Deux parcs uniquement font tester leur matériel
Sandhya Boygah, directrice générale du bureau des normes, soit le Mauritius Standards Bureau (MSB), explique que les tests de vérifications des équipements utilisés dans les parcs de loisirs ne sont pas obligatoires. « Cependant, si les opérateurs souhaitent faire vérifier leur matériel, que ce soit pour la tyrolienne ou d’autres attractions, ils peuvent solliciter notre aide », déclare notre interlocutrice.
Revenant sur les tests, Sandhya Boygah indique que plusieurs tests sont disponibles, dont ceux concernant la durabilité et la solidité des structures. « À ce jour, il n’y a que deux opérateurs qui font tester leur matériel », souligne-t-elle. La directrice générale du MSB ajoute que contrairement au fer utilisé pour la construction, il n’y a pas de règlement pour les câbles utilisés pour la tyrolienne.
« Pourtant, il y a des normes européennes et des normes ISO que la Tourism Authority peut utiliser pour réglementer le matériel utilisé dans les parcs de loisirs. Au niveau de mon bureau, nous travaillons d’arrache-pied pour finaliser des normes que nous allons recommander à la Tourism Authority pour assurer la sécurité des utilisateurs des diverses attractions », soutient Sandhya Boygah.
Gilbert Quéland : « On évite »
Le propriétaire du Domaine de Lagrave, Gilbert Quéland souligne que les clients sont accompagnés du début à la fin d’une épreuve. « Les personnes ne sont jamais seules. Il y a toujours un guide bien que nous proposons des activités fun et sans danger. On aurait pu investir dans une tyrolienne, mais on sait que ce n’est pas sans danger. Donc on évite », indique ce dernier.
Pour les autres parcs qui proposent des activités comme la tyrolienne, il estime qu’il faut des « contrôles plus stricts ». Gilbert Quéland pense aussi que les opérateurs doivent assumer leurs responsabilités.
Les critères à rechercher
« Boostés par l’appétit des Mauriciens pour les loisirs, les parcs d’attraction voient leur fréquentation croître depuis quelques années, surtout en périodes de vacances scolaires. Mais pour continuer à séduire, tous se sont lancés dans une folle course à l’innovation qui n’est pas sans risque », précise Mosadeq Sahebdin. Il souligne qu’il y a des critères à rechercher avant de choisir une attraction.
Sécurité
Un parc d’attraction est un lieu de détente pour beaucoup de personnes. Pour garantir la sécurité des utilisateurs, il est important que les attractions répondent aux exigences nécessaires, en particulier les attractions à sensations fortes. « L’exploitant des attractions est responsable de la sécurité de ses installations. Il doit effectuer les contrôles nécessaires et prendre des dispositions pour écarter tout danger pour l’utilisateur ou le public », indique le directeur de la CAP.
Réglementation
Selon Mosadeq Sahebdin, il n’y a pas de réglementation spécifique. « Toutefois, l’exploitant est lié par les dispositions du Code civil. Car, une fois que l’utilisateur a payé son droit d’utilisation, il est de fait lié par un contrat avec l’exploitant », dit-il.
Obligations de l’exploitant
Il poursuit que la complexité des attractions implique que l’analyse du risque, les contrôles et l’entretien des attractions doivent être effectués avec précision, ceci pour garantir la sécurité des utilisateurs et du public. « Pour démontrer que son attraction satisfait les règles de sécurité, l’exploitant doit, éventuellement en collaboration avec un tiers, effectuer une analyse des risques. Cette analyse de risques lui permettra d’établir des mesures préventives qu’il appliquera pendant la mise en place et l’exploitation de l’attraction », avance-t-il.
Avertissements
Par ailleurs, Mosadeq Sahebdin souligne que les avertissements et les informations destinés à l’utilisateur doivent être bien visibles. Ils doivent au moins être rédigés dans la ou les langue(s) de la région. Des petits panneaux portant des avertissements tels que « Utilisation à vos risques et périls » sont interdits. Aux dires de ce dernier, l’exploitant doit à tout moment pouvoir démontrer qu’il répond à toutes ces obligations au moyen de rapports et/ou de schémas et de documentation.
La sécurité avant tout
Asiff Polin, Chief Executive Officer (CEO) de la Vallée des Couleurs est catégorique. Pour lui, c’est la sécurité qui prime. Il explique que les câbles utilisés pour la tyrolienne sont importés d’Europe et sont certifiés par le Mauritius Standards Bureau. « Nous achetons le matériel avec une compagnie de renom. Nos installations sont conformes aux normes internationales et sont certifiées par des structural engineers », affirme ce dernier.
Il indique de plus que la sécurité est le maître-mot avant le début des activités chaque jour. « Nos équipes arrivent deux heures avant l’ouverture du parc. Il y a un cahier des charges pour s’assurer que tout est en règle. À la Vallée des Couleurs, on est très à cheval sur la sécurité », souligne le CEO.
Asiff Polin ajoute que des officiers de la Tourism Authority viennent faire des inspections au moins deux fois par an. Toutefois, afin d’être certain que tout est en règle, une compagnie spécialisée effectue un audit complet des installations chaque six mois. « S’il y a des choses à améliorer, nous le faisons. Nous n’hésitons pas à changer de câbles régulièrement », ajoute notre interlocuteur.
Même son de cloche de Christopher Blackburn qui est le General Manager du Parc de loisirs e de Gros-Cailloux. « Il y a une procédure bien établie. Les guides ont une check-list. On a aussi un professionnel qui vient voir l’état des équipements au moins une fois par mois. Pendant la période dite ‘peak’, c’est au moins deux fois par mois, car les câbles pour la tyrolienne sont mis à rude épreuve », indique notre interlocuteur. Christopher Blackburn souligne que la sécurité est au centre des préoccupations.
Chute mortelle au Domaine de Chazal
Taruna Gopalsing : « Rien ni personne ne pourra me rendre mon fils »
La vie s’est arrêtée pour Taruna Gopalsing, 52 ans, depuis la disparition tragique de son fils aîné Akhilesh, 29 ans, le samedi 13 février. Ce dernier a péri après une chute alors qu’il faisait de la tyrolienne au Domaine de Chazal.
Taruna Gopalsing raconte que la naissance d’Akhilesh, il y a 29 ans de cela, avait changé sa vie. Elle devenait mère pour la première fois. Taruna a toujours était fière des deux fils que son époux et elle ont élevés. Il y a quelques années, Akhilesh a décroché son premier emploi, après ses études en économie et finance, dans une firme spécialisée dans la comptabilité. Depuis, il avait insisté auprès de ses parents pour qu’ils arrêtent de travailler. « Mo pou get zot mo mem aster », avait dit Akhilesh à ses parents. Son père, qui avait des soucis de santé, a alors raccroché l’uniforme et pris sa retraite.
La vie sans Akhilesh, Taruna ne l’imagine même pas. Ils étaient très proches. Chaque matin, avant qu’il ne se rende au travail, mère et fils avaient leur rituel. « Tou le gramatin, mo get li ale. Mo ouver gate lerla li tir loto, apre li ale lerla mo ferm laport », relate-elle.
Une semaine après la tragédie, l’absence d’Akhilesh devient de plus en plus pesante chez les Gopalsing, à Quatre-Bornes. « Rien, ni personne ne pourra me rendre ce fils », soupire Taruna.
Son fils cadet, Adesh, raconte qu’Akhilesh adorait taquiner leur mère. « Kan li ti may maye mo mama sov sove », confie-t-il.
Mais tous ces moments ne sont aujourd’hui que des souvenirs auxquels s’accroche Taruna. Le destin s’est montré cruel envers ce jeune homme promis à un bel avenir. Sa fiancée qui l’a vu mourir sous ses yeux n’arrive pas à surmonter ce traumatisme, nous disent les proches d’Akhilesh.
Dans le sillage de l’enquête sur le décès d’Akhilesh Gopalsing, la police a procédé à l’arrestation du directeur du Domaine de Chazal. Il a été inculpé d’homicide involontaire et a retrouvé la liberté après avoir fourni une caution.
Dans un communiqué publié lundi 15 février, la direction d’Incentive Partners Ltd, société gestionnaire du domaine fait ressortir que « c’est la première fois depuis 15 ans qu’un tel accident se produit et que tout le matériel technique est régulièrement vérifié selon un cahier de charges bien établi » et que le domaine a « tout le temps opéré selon des normes strictes de sécurité ».
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