Parc automobile : Ventes records de voitures neuves en 2017

10 000 voitures neuves seront vendues à Maurice, cette année, ce qui constitue un record. Mais si le pays a franchi un nouveau seuil et si les affaires s’annoncent excellentes pour le marché automobile, les conséquences en sont bien moins réjouissantes. Constat.

À ce jour, 9 533 nouvelles plaques d’immatriculation ont été enregistrées à la National Transport Authority. Si on fait le compte, cela signifie qu’en moyenne 950 voitures sont vendues par mois. Il est donc une quasi certitude que d’ici le 31 décembre, la barre des 10 000 voitures neuves vendues sera franchie. Cyril Appajala, Commissaire adjoint à la NTA, explique pourquoi il peut y avoir une plus grande demande à la fin de l’année : « Certaines personnes attendront janvier pour acheter une nouvelle voiture alors que d’autres s’empresseront d’en acheter une pour bénéficier de cette plaque d’immatriculation à 9 caractères car c’est la première fois que les ventes dépassent les 10 000 et à l’heure actuelle on n’est pas en mesure de dire si ce sera la  même tendance l’année prochaine. »

immatriculation  à 9 caractères

À Plaque Express à Port-Louis, les employés s’affairent à travailler sur les plaques d’immatriculation. Concentrés, ils tracent un par un les numéros de la plaque. Le directeur des lieux, James Lo, nous invite à voir comment sont fabriquées  les nouvelles plaques. « Effectivement des officiers de la NTA sont venus prendre des échantillons, cependant il s’avère qu’il n’y aura pas besoin d’agrandir les plaques puisqu’il ne faudra qu’ajouter un chiffre au début et comme ce sera le chiffre 1 il ne prend pas beaucoup de place, cela aurait été différent si c’était un autre chiffre ». Ainsi on pourra bientôt voir sur nos routes, la voiture  immatriculée 10 000 SP 17, et ainsi de suite…

10 000 voitures pour 2 300 km

Le changement apporté à la plaque d’immatriculation n’est pas d’une grande conséquence pour ce nouveau record. Par contre, l’impact de cette nouvelle flotte représente une source d’inquiétudes pour d’autres secteurs tels que le transport en commun ou l’association Prévention Routière Avant Tout (PRAT) .

Le plus gros problème demeure la congestion routière.  Avec 2 300 kilomètres de route pour 10 000 voitures, l’île Maurice figure parmi les premiers pays africains au niveau de la densité de véhicules par rapport au réseau routier disponible.

Témoignage

Dépendants de la voiture

Question légitime face à cette flotte qui explose le marché automobile.  Pour Shakeel Jaddoo, père de 3 enfants, la voiture est aujourd’hui  indispensable car elle facilite les déplacements. Il en possède trois. « Aujourd’hui, les adultes comme les enfants ont des agendas très chargés. Il est presqu’impossible de faire tout ce qu’il faut en une journée.  Nous sommes devenus tellement dépendants de ces voitures. À la maison, nous en avons trois parce que  mon fils qui est aussi un adulte en a besoin pour ses déplacements et mon épouse et moi, qui travaillons ne pouvons pas nous déplacer autrement, pour le boulot ou pour le transport des enfants.  »  Géraldine Julie, 24 ans, est elle d’avis que la voiture est synonyme d’un luxe mais aussi d’indépendance : « Avoir une voiture à 20 ou 25 ans, c’est un signe de réussite mais aussi cela procure un sentiment de liberté. Ne pas dépendre des autres ni des horaires des autobus, c’est que du bonheur ».

130 accidents fatals depuis le 1er janvier 2017

Le nombre d’accidents fatals ne cessent d’augmenter. Le tableau ci-dessous démontre que les motocyclistes sont impliqués dans au moins 37 % de cas.

Voitures d’occasion

Chute de ventes

Si au début les ventes étaient très lentes, il semble qu’en cette fin d’année les choses s’accélèrent et à ce jour plus de 8 000 voitures d’occasion ont été vendues. Selon Zaid Ameer , concessionnaire,« la dépréciation de 5 à 25 % sur les véhicules japonais comme annoncée dans le dernier budget gouvernemental est la principale cause de cette chute car durant les années précédentes, le seuil de 10, 000 ventes  a été  franchi. Un des autres facteurs reste les importateurs directs. Il est temps de mettre de l’ordre ».

Taux d’accidents élevé?

Alain Jeannot avance, pour sa part, que plus de véhicules ne veut pas obligatoirement dire davantage d’accidents « car l’infrastructure en elle-même ne peut répondre aux exigences de la sécurité routière. Dans certains pays qui ont des routes plus larges, le taux d’accidents est aussi très élevé. Si les chauffeurs n’ont pas l’éducation qu’il faut, avec de plus larges routes, ils vont rouler plus vite et il y aura davantage de risques ». Il prône la décentralisation mais aussi la responsabilité individuelle et collective et estime qu’il y a des exigences économiques à respecter.

Les travailleurs du transport inquiets : «Kisannla pou voyaz dan bis ?»

Ces dernières ventes s’ajoutent aux inquiétudes des employés du secteur du transport qui sont toujours en attente de garantie en ce qui concerne le Metro Express. Jessica Frivet, représentante du front commun syndicat du transport qui regroupe cinq compagnies d’autobus avance : « Avek tou sa devlopman la kisannla pou voyaz dan bis ? Si aujourd’hui, les gens ont le choix entre le métro et des voitures qui ne sont pas chères, ils ne prendront pas le bus. Je suis pour le développement mais il faut le faire à tous les niveaux. Nous demandons depuis longtemps que l’on fasse venir des coachs, ce sont de meilleurs bus très confortables, modernes, avec climatisation et WiFi ».  Le dernier rapport de la NTA à ce sujet fait mention d’une perte de Rs 4,5 millions par mois et les employés estiment être désavantagés.

Décongestion : Ça roule lentement, trop lentement 

Si cette explosion du marché automobile divise sur les conséquences, tous s’accordent cependant à dire que nos routes sont encombrées. Pour Jason Milou qui habite, Quartier- Militaire et va travailler à Saint-Pierre « ce n’est pas possible pour un trajet aussi court de rester bloqué dans les embouteillages pendant une heure ». Même son de cloche de Jemila Lutchmun, qui travaille à Port-Louis  : « Quand j’arrive au bureau je suis déjà exténuée et sur les nerfs. Conduire devient un calvaire que ce soit le matin ou les après-midis quand je rentre chez moi »

Pour Alain Jeannot, Président de l’association Prévention routière avant tout (PRAT) il faut encourager le co-voiturage. « Les gens devraient songer à utiliser leurs voitures uniquement pendant le week-end et s’entraider la semaine en favorisant le co-voiturage car tous les jours il y a au moins 100 000 véhicules qui entrent à Port- Louis. Les employeurs devraient pouvoir offrir un service de transport s’ils ont, par exemple, plus de 50 employés. Ce sont ce genre de mesures incitatives qui réduiront la congestion ».
Quant à Zaid Ameer, concessionnaire, il estime qu’il y a suffisamment de places pour faire de nouvelles routes. « Quand on regarde ce qui se fait à La Réunion on voit que tout a été planifié de manière intelligente. Nous pouvons avoir des routes similaires. De plus il est grand temps de décentraliser les services. Il est impensable qu’en 2017 les gens doivent quitter Mahébourg pour venir dans la capitale pour un service ».

Le Metro Express va-t-il décongestionner la capitale ?

Ceux que nous avons interrogés sont nombreux à penser que cela  va rendre plus difficile la circulation routière et que les gens continueront à utiliser leurs voitures. Mais au sein du gouvernement on est loin d’être d’accord. Le 25 juillet dernier, le Premier ministre, Pravind Jugnauth a declaré que le gouvernement déboursera Rs 4 milliards par an pour décongestionner nos routes et souhaite moderniser le pays en y incluant un transport public moderne. « Le métro sera ponctuel contrairement aux autobus et il n’y aura pas d’embouteillage », a-t-il déclaré.

Travail de la police

Et comment ne pas  saluer les policiers lorsque l’on parle de la route. Ils ne sont pas uniquement en bordure des routes pour prendre en contravention  ceux qui ne respectent pas le code de la route, mais aux heures de pointe, ce serait très difficile de circuler sans eux. Qu’il pleuve, qu’il vente, ils sont à leurs postes et souvent nous passons à côté d’eux sans leur prêter attention.

Road Development Programme

L’espoir d’une circulation routière plus fluide repose donc sur le Road Development Programme annoncé par le ministre des Infrastructures publiques, Nando Bodha, en octobre 2015, au coût de Rs 15 milliards.  Parmi les mesures annoncées : un échangeur à deux niveaux à Phœnix, la phase deux de la Ring Road, qui comprend un tunnel qui traversera la Montagne-des-Signaux ou encore un pont entre Coromandel et Sorèze. L’échangeur à deux niveaux à Phœnix devrait coûter Rs 2,4 milliards. La phase deux de la Ring Road, avec un tunnel de plus d’un kilomètre et la phase 3 de la route circulaire, nécessiteront des investissements de Rs 2,9 milliards. Le pont de la Grande-Rivière-Nord-Ouest, qui reliera Beau-Bassin et Sorèze, va coûter Rs 2,3 milliards.