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Panama Papers: distinguer Maurice des paradis fiscaux

La haute finance mondiale vit au rythme des révélations venant des Panama Papers. Le centre offshore mauricien y est mentionné. Cela n’est guère étonnant, car ce sont 11,5 millions de dossiers mettant au jour les transactions – légales, douteuses ou illégales – de politiciens, de puissantes sociétés bancaires et des super-riches de la planète. Tout est donc une question d’appréciation. Les Panama Papers constituent un impressionnant lot de documents qu’a obtenu l’International Consortium of Investigative Journalists, un réseau de 190 correspondants dans 65 pays. Ces documents proviennent du cabinet d’avocats Mossack Fonseca, une firme puissante basée au Panama. Ils contiennent des fichiers, des e-mails, des factures, des tenants des comptes bancaires secrets, des numéros de passeport et des informations sur 214 488 entités offshore liées à des personnes dans plus de 200 pays et territoires. La première série d’articles concerne les biens des puissants d’antan et du jour et le mécanisme utilisé pour faire entrer de l’argent ou faire disparaître de fortes sommes. Elle aborde l’évasion fiscale. Est-ce le cas pour toutes les personnes et sociétés citées dans les Panama Papers ? « À ce stade, je ne vois pas de délit. Une personne est libre de placer son argent où elle le souhaite. Certains peuvent soulever une question morale sur le fait de placer son argent à Panama. Mais ce n’est pas un délit, tant que la source de l’argent est légale. Si on parvient à prouver que la source provient des activités illégales comme le blanchiment d’argent, le terrorisme ou toute autre fraude, là l’aspect légal entre en jeu », commente l’avocat d’affaires Penny Hack. Ces découvertes, portant désormais le nom de Panama Papers, s’ajoutent à une liste où l’on retrouve Offshore Leaks et Swiss Leaks. Dans les Swiss Leaks, on trouve une série de noms de Mauriciens – directeurs et hommes d’affaires – qui ont refait surface dans la presse. « Cela dit, certains des noms publiés dans la presse sont liés à des litiges en cours, comme l’affaire Betamax. Peut-être que là il faudrait que nos institutions, que ce soit la Mauritius Revenue Authority ou la Financial Intelligence Unit, approfondissent certains cas. Mais à l’heure actuelle, je ne vois pas d’infraction », indique Penny Hack.

Réputation de centre bien réglementé

Qui plus est, les Panama Papers surgissent alors que le service financier mauricien se donne les moyens de se hisser dans les hautes sphères de la finance mondiale. Aucun effort n’est épargné pour que la juridiction mauricienne conserve sa réputation de centre bien réglementé, de transparence et de substance. Les services financiers sont un des deux principaux piliers de l’économie mauricienne, avec la présence de grandes enseignes de la finance et l’arrivée de nouveaux groupes dans les mois à venir. L’attention grandissante sur les petits pays offrant des avantages fiscaux risque-t-elle de nous porter préjudice ? Un analyste financier nous donne son point de vue : « Nous ne pouvons pas comparer le Panama au centre mauricien. Nous évoluons dans la Premier League des centres financiers avec des pays tels que les États-Unis, l’Irlande, le Luxembourg et Singapour. Ces révélations seront préjudiciables pour le Panama. Et les sociétés viendront vers des juridictions telles que Maurice et seront régies selon les lois mauriciennes. » Selon lui, il faudrait analyser les données de Panama Papers. Où se cachent ces 214 488 entités contenues dans les fichiers de Mossack Fonseca ? Les quatre paradis fiscaux par ordre de grandeurs sont les British Virgin Islands, le Panama, les Bahamas et en quatrième position, nos voisins les Seychelles. à la dixième place, l’on retrouve la Grande-Bretagne. Maurice, ajoute-t-il, afin de se faire une place dans ce monde de haute voltige financier, se retrouve en quasi-permanence sous la loupe des experts internationaux de l’Union européenne et de l’Organisation for Economic Co-operation and Development. À cette liste s’ajoutent les regards inquisiteurs de la presse indienne qui ne ratent pas l’occasion de coller l’étiquette de paradis fiscal à Maurice, sans comprendre le fonctionnement de notre centre financier. Le centre offshore mauricien est composé de deux catégories de sociétés. La première catégorie de Global Business Companies (GBC 1) est celle qui assure la visibilité de Maurice sur le plan mondial. Les GBC 1 sont des entités enregistrées et domiciliées localement. Elles bénéficient de tous les avantages fiscaux à Maurice. De plus, les GBC 1 profitent des traités de non-double imposition entre Maurice et d’autres juridictions. Début janvier, la Financial Services Commission a rencensé 10 803 GBC1 en opération à Maurice. Me Penny Hack souligne que le centre financier mauricien s’est toujours positionné comme étant transparent et non une juridiction avec une « politique de secret ».  
   

Kamal Hawabhay, Managing Director de GWMF Ltd: «On ne vient pas à Maurice pour cacher des ‘deals’»

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"14708","attributes":{"class":"media-image alignleft size-full wp-image-24589","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"250","height":"300","alt":"Kamal Hawabhay"}}]]Le secteur des services financiers dispose d’un important arsenal législatif pour empêcher des transactions douteuses. Ce secteur, un des principaux piliers de l’économie, ne peut se protéger des agissements perpétrés dans d’autres juridictions, explique Kamal Hawabhay, Managing Director de GWMF Limited et président de l’Association of Trusts and Management Companies. « Un businessman qui veut cacher des deals ne choisira pas Maurice, qui est une juridiction transparente », dit-il. Et de préciser que le gestionnaire mauricien et la Financial Services Commission « savent tout au sujet de chaque compagnie offshore ». Maurice, centre financier international, se retrouve pris dans ce nouveau scandale éclaboussant les puissants de la finance mondiale. Il est question de sociétés-écrans pour le compte de politiciens, haut cadres et sportifs afin d’éviter de payer la taxe et/ou blanchir de l’argent. Le centre mauricien est cité en premier lieu dans le cas concernant la compagnie Heritage Oil & Gas Limited, basé à Maurice, qui a évité de payer des impôts sur les gains de quelque 404 millions de dollars (Rs 14,5 milliards). La société a bénéficié du traité non-double imposition entre Maurice et l’Ouganda. « Une société a le droit de profiter d’un traité de non-double imposition entre Maurice et un autre pays », souligne Kamal Hawabhay. Et d’ajouter : « C’est au peuple ougandais de décider s’il veut aller de l’avant avec le traité ou le modifier. » Les centres financiers mondiaux sont connectés en permanence. S’il y a une affaire dans une juridiction, quelle que soit sa réputation, il est clair, selon Kamal Hawabhay, que tous les centres financiers concernés seront nommés. « On aurait pu se passer des Panama Papers. Car il y tant d’intérêts en jeu et une réputation à préserver. à titre d’exemple, Maurice est souvent cité comme un paradis fiscal dans une section de la presse financière en Inde. Ces personnes ne savent pas comment fonctionne la juridiction locale », conclut-il.  
   

Sattar Hajee Abdoula réagit: «La liste n’a rien à voir avec les Panama Papers»

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"14707","attributes":{"class":"media-image alignright size-full wp-image-24588","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"250","height":"300","alt":"Sattar Hajee Abdoula"}}]]« Il s’agirait d’une ancienne liste qui n’a rien à voir avec les ‘Panama Papers’. » C’est ce qu’estime Sattar Hajee Abdoula, ‘Chief Executive Officer’ de Grant Thornton, un des 30 Mauriciens cités dans un article d’un hebdomadaire local publié le dimanche 10 avril. L’article les présente comme des clients du cabinet panaméen Mossack Fonseca. Il insiste qu’il n’a rien à voir avec celui-ci. C’est à travers ce cabinet juridique que de nombreux particuliers et entreprises à travers le monde auraient tenté de payer moins d’impôts dans leur pays d’origine. [row custom_class=""][/row]  
   

Autres réactions

Arnaud Lagesse: L’entourage du Chief Executive Officer du groupe Lux* indique qu’il s’agit d’une ancienne liste sur laquelle s’est basé l’hebdomadaire local. Celle-ci n’aurait donc rien à voir avec l’affaire des Panama Papers. L’entourage d’Arnaud Lagesse insiste sur le fait que ce dernier n’a rien à se reprocher. Vikram Bhunjun: Le directeur de Betamax, qui est en Chine, n’a pas encore pris connaissance de l’article publié à Maurice le dimanche 10 avril. Il souhaite prendre le temps de le consulter avant de répondre à d’éventuelles questions. Nos interlocuteurs font référence aux listes des scandales Offshore Leaks et Swiss Leaks. C’était déjà le même consortium de journalistes internationaux qui avait divulgué ces listes de clients suspectés d’évasion fiscale. Les Mauriciens impliqués avaient alors expliqué que leurs noms apparaissaient dans des documents traitant de transactions légales de compagnies offshores dont ils ont été directeurs. Ashit Gungah: Le ministre de l’Industrie et du commerce affirme qu’il ne faudrait pas s’inquiéter des informations provenant des Panama Papers. « Nous avons des institutions qui sont fiables. Nous leur faisons totalement confiance. Avec le gouvernement qui s’est installé il y a un an et demi, on travaille dans la transparence totale », a déclaré Ashit Gungah, interrogé par Antenne Réunion, dans les coulisses d’une table ronde organisée par la Chambre de commerce et d’industrie de La Réunion.  
   

Maurice vs Panama: pas trop de différences

[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"14709","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-full wp-image-24590","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"1280","height":"720","alt":"Panama"}}]] Le centre financier mauricien souvent critiqué n’est pas si différent de son homologue panaméen. À titre d’exemple, le minimum de capital requis pour opérer une GBC 1 est de $ 1 à Maurice, soit le même montant pour une entité offshore opérant au Panama. À Maurice, comme au Panama, il n’y a pas de contrôle de change sur le capital des entreprises offshore. Néanmoins, il est beaucoup plus rapide de créer une compagnie offshore au Panama (deux  à cinq jours) qu’à Maurice (15 à 20 jours). Au Panama, il faut un minimum de trois directeurs pour opérer une entreprise. à Maurice, le minimum requis pour opérer une GBC1 est un. Mais à Maurice, il faut que la majorité des directeurs réside à Maurice, alors qu’au Panama, il n’y a aucune restriction sur la nationalité des directeurs. Idem aux Seychelles, un autre centre financier à faible fiscalité. Par ailleurs, à Maurice, des réunions d’actionnaires sont requises, alors que ce n’est pas obligatoire au Panama, ni aux Seychelles. Ces deux pays permettent également l’existence des Shelf Companies (des entreprises sans substance, sans activité), alors que ce n’est pas permis à Maurice.

Fiscalité: la touche panaméenne

Au niveau de la fiscalité, la Corporate Tax est supérieure au Panama (25 %) qu’à Maurice (15 %). Mais à Maurice, cette taxe peut être ramenée à 3 % pour les GBC1. Le Panama, quant à lui, a la particularité de ne pas avoir de taxes imposées aux sociétés offshore qui se livrent à des activités en dehors de la juridiction. Les sociétés offshore incorporées au Panama et les propriétaires des entreprises sont exonérés de tout impôt. D’où sans doute l’attrait de la destination panaméenne. Selon l’ICIJ, Maurice a un Third Highest Level of Secrecy, au même titre que la Suisse, Hong-Kong, Jersey, les îles Caïman, Monaco et Panama, entre autres. [[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"14711","attributes":{"class":"media-image aligncenter size-full wp-image-24592","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"951","height":"748","alt":"Panama Papers"}}]] [row custom_class=""][/row]  
   

La FIU et la FSC s’intéressent aux Mauriciens cités

La Financial Intelligence Unit (FIU) et la Financial Services Commission (FSC) comptent se pencher sur la liste des compagnies et des personnalités mauriciennes citées dans les ‘Panama Papers’. Aucune enquête n’a été ouverte à ce jour, mais les deux institutions s’intéressent aux listes parues dans la presse. Il n’est pas exclu que la Mauritius Revenue Authority en fasse de même. L’autorité s’était penchée sur la liste des compagnies et des Mauriciens publiée dans le cadre des précédents scandales d’évasions fiscales, à savoir ‘Offshore Leaks’ et ‘Swiss Leaks’.
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