Les enfants des rues sont, pour la plupart, déscolarisés. L’ONG Safire de Dagotière est au service de ces jeunes âgés de 12 à 15 ans. Elle leur propose un encadrement du lundi au vendredi. Elle offre des cours basiques d’alphabétisation, de jardinage et d’élevage de poulets pondeurs dans une ferme pédagogique.
Il est 13 heures, le mercredi 27 avril. Une quarantaine d’enfants des rues sont dans une salle récemment aménagée à Dagotière. C’est l’heure du déjeuner. Au menu : des pâtes et du poulet Kentucky Fried Chicken (KFC). Les jeunes mangent goulûment et ont l’air joyeux. Edley Maurer, directeur de Safire, nous explique l’objectif de ce bon repas.
« Nous avons une très bonne collaboration avec la direction de KFC Maurice. Donc, ils nous livrent les invendus et le poulet pas encore cuit, qui ne sera pas vendu le lendemain, pour respecter la politique du groupe. La chaîne du froid n’est pas brisée pour éviter l’empoisonnement alimentaire. Puis, une cuisinière prépare le repas pour les enfants qui, pour la plupart, ne mangent pas souvent à leur faim. Au centre, ils sont assurés d’être nourris. »
Il ajoute que Safire travaille aussi avec l’ONG Foodwise, qui fait le tour des supermarchés, récupère des produits périssables ou ceux dont la date d’expiration est proche, et les distribue.
« Nous nous occupons de 350 enfants. Mais il y en a plus dans le pays. Les enfants viennent de toutes les régions et sont de toutes les couches sociales. Ils ont des parents à problème, séparés, divorcés. Certains sont monoparentaux, c’est un problème pathologique. Ceux d’entre eux qui vont un peu à l’école parviennent difficilement à assimiler ce qui y est enseigné. Nous, on leur apprend à lire et à écrire, mais ce sont des cours élémentaires. »
« Safire a aussi une ferme pédagogique. On leur apprend à faire du jardinage, à planter une variété de légumes qu’ils vont eux-mêmes consommer. Puis, on a des pondeuses, c’est un peu le concept de l’autosuffisance », dit Edley Maurer.
Il ajoute que Safire a seize employés éparpillés à travers le pays et que le centre de Dagotière en compte trois. « Pour ce qui est des repas, nous nous assurons qu’ils sont équilibrés. Un ventre vide ne peut aider les enfants à assimiler les cours. La ferme les responsabilise, les détend et leur donne un outil pour la vie. »
Safire dispose d’un budget annuel d’environ Rs 5 millions et elle est aidée par la National Special Inclusion Foundation et des sponsors du secteur privé comme Terra ou Alteo. « On fait ce qu’on peut, mais c’est difficile, car nous aimerions faire davantage, sauver plus d’enfants des rues. C’est un vrai combat que nous menons, mais la satisfaction est que nous sauvons des enfants qui auraient sûrement mal fini. »
Pour Edley Maurer, ces enfants des rues sont avant tout les siens. Son boulot est comme un sacerdoce. « Donner sans rien attendre en retour », chante Florent Pagny. Le directeur de Safire a fait sienne cette philosophie.
Shirley : quinze ans au service des enfants
Elle s’échine à encadrer et à éduquer les enfants des rues depuis quinze ans. Shirley Moura est éducatrice. Elle veille sur les enfants des rues comme une mère poule sur ses poussins. L’image est frappante, voire touchante. Mais, pour elle, « c’est son travail ».
Elle est très dynamique. « Je suis éducatrice au centre de Bambous et de Dagotière/Verdun. Je donne aux enfants une éducation basique, qu’ils n’ont pas eue par manque de soutien et d’encadrement. On travaille aussi avec les parents pour les responsabiliser. Safire fait son effort, mais il faut aussi le suivi des parents », avance-t-elle.
Est-ce que les enfants sont réceptifs ? « J’enseigne depuis des années, c’est une passion, je veux aider ces enfants des rues pour qu’ils ne tombent pas dans la drogue et pour qu’ils se prennent en main. On leur donne une vie qu’ils n’auraient jamais eue dans la rue. »
Elle explique qu’elle apprend à lire et à écrire aux enfants. Et pour pouvoir le faire, il faut qu’ils aient le ventre rempli. « Il faut qu’ils aient confiance en nous et de la discipline. C’est de la pédagogie. Comme ils ont leur bus pass, ils viennent par autobus. Ils savent qu’ils auront un petit-déjeuner, un déjeuner et un en-cas, avant de rentrer chez eux. »
La famille est-elle consciente qu’il faut veiller sur ces jeunes ? « On travaille avec les familles qui comprennent que leurs enfants peuvent mal finir, sans leur encadrement. Tout est dans le comportement et le sérieux. »
Depuis un mois, Kalina Pyneeandee, 22 ans, éducatrice, est rattachée à Safire. « J’ai une formation d’éducatrice et je veux aider les jeunes de 12 à 15 ans. Je suis une habitante de Rose-Hill, mais je suis heureuse d’apporter mon aide à ce centre », dit-elle.
Projet pédagogique
Les enfants des rues n’ont pas de Primary School Achievement Certificate. Et Safire travaille avec la National Special Inclusion Foundation et le Mauritius Institute for Training and Development pour les aider.
« Nous proposons le National Trade Certificate Level 1. Nous voulons qu’après les examens en décembre, ils aient un certificat qui puisse leur permettre de suivre des cours de formation professionnelle. Il y a des enfants des rues qui réussissent dans la vie et ils sont nombreux », explique Edley Maurer.
Les pondeuses : le sésame
Bernard nous fait visiter les deux pondeuses de la ferme pédagogique. Époustouflant ! Pas moins de 300 volatiles, et pas les pondeuses habituelles. « Kouma dir poul Rodrig », dit Angelo, 16 ans, qui est en stage avant d’être employé à Safire. « On a deux poulaillers et plus de 300 poules. On vend les œufs ou les enfants les consomment au centre », indique Bernard. Le centre produit 150 œufs par jour et chaque poule mange 125 g de produits par jour.
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