I.P., 14 ans, dormait dans un autobus. Son histoire, qui a fait couler beaucoup d’encre, en a interpellé plus d’un. À l’instar de l’Ombudsperson for Children, Rita Venkatasawmy, qui s’est déplacée dans les locaux de Radio Plus où l’adolescent était venu réclamer de l’aide.
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Il est 11 heures ce lundi 31 juillet lorsque I.P. pousse la porte de la rédaction d’Xplik ou K. L’objectif de l’adolescent : chercher de l’aide. « Mo anvi al dan kouvan », déclare-t-il d’emblée. À 14 ans, on ne peut pas dire qu’il a une vie facile. Après avoir vécu dans un orphelinat et à l’hôpital psychiatrique Brown-Séquard de Beau-Bassin, il s’est finalement retrouvé à la rue depuis le mois de mai.
« Je suis orphelin de père. Je dors dans la rue depuis que ma mère, malade, a été admise à l’hôpital de Beau-Bassin pour un traitement à long terme. C’est finalement dans un autobus que j’ai passé la plupart de mes nuits, quand je ne traîne pas les rues », lance-t-il tout de go. « Pendant la journée, je mendie pour trouver de quoi manger, quelques vêtements et un peu d’argent », ajoute-t-il.
Comme il est de coutume parmi les enfants de rue, I.P. n’a pas été épargné par le fléau de la drogue. « Certaines personnes me donnaient des cigarettes. D’autres m’ont appris à fumer du gandia et de la drogue synthétique », raconte l’adolescent. C’est la dégringolade classique qui affecte les enfants livrés à eux-mêmes et vivant dans la rue. I.P. se laissera aller à une terrible confidence : « J’ai aussi été abusé dans la rue par des hommes. »
Comportement répréhensible
L’imam Arshad Joomun est bien intervenu pour lui trouver un refuge afin qu’il puisse dormir en toute sécurité. Hélas, aucun orphelinat n’a accepté de l’accueillir, car l’enfant ne s’est pas bien comporté dans ces institutions dans le passé. Face à cette situation, la rédaction d’Xplik ou K a contacté la Child Development Unit (CDU).
Commence alors un véritable parcours du combattant. Les officiers nous expliquent qu’ils ne disposent d’aucun moyen de transport. Ils nous invitent à contacter la police.
Sollicitée, la Brigade pour la Protection des Mineurs ne tarde pas à réagir. Une fois sur place, les officiers doivent attendre l’arrivée de la CDU avant d’agir. Sauf que trois heures plus tard, celle-ci n’est toujours pas là. Entre-temps, l’Ombudsperson for Children Rita Venkatasawmy est informée de la situation.
La défenseure des droits de l’enfant tient à faire le déplacement personnellement : « On ne peut rester les bras croisés lorsqu’un enfant dort dans la rue », dit-elle. Une fois sur place, l’Ombudsperson for Children demande à s’entretenir avec l’enfant. Ce dernier lui explique les difficultés auxquelles il a été confronté.
Quant aux officiers de la CDU, ils expliquent que ce cas est complexe : « Le magistrat a donné l’ordre de le faire admettre à l’hôpital psychiatrique de Brown-Séquard il y a quelques jours. Mais il s’est sauvé de la Cour », explique un officier. Finalement, faute d’autre recours et face à l’urgence de la situation, I.P. a été admis à l’hôpital de Beau-Bassin, conformément à l’ordre du magistrat.
Rita Venkatasawmy : «Il y a un cruel manque de structures spécialisées»
Rita Venkatasawmy explique que l’article 6 de l’Ombudsperson for Children Act stipule que les droits des enfants des rues ne peuvent être bafoués. « I.P. ne peut pas dormir à la belle étoile. Il était impératif de trouver une solution rapide et sécurisante pour lui. Je salue le travail d’équipe accompli par la Brigade pour la Protection des Mineurs, la Child Development Unit (CDU), l’équipe d’Xplik ou K et le bureau de l’Ombudsperson for Children. Ils ont rapidement réagi et se sont concertés pour trouver une solution. J’encourage une telle pratique. Cela améliorera le système afin de venir en aide aux enfants en difficultés de notre société. »
En revanche, l’Ombudsperson for Children s’insurge contre le fait qu’il n’y ait pas de structures appropriées à Maurice au niveau du ministère de l’Intégration sociale ainsi que de celui du Développement de l’enfant et du Bien-être de la famille pour traiter ces cas spécifiques. « Chaque branche de la CDU devrait avoir son propre véhicule. C’est un outil indispensable pour intervenir à travers l’île. »
Parlant du cas d’I.P., elle indique qu’il s’agit d’un enfant qui souffre de problèmes psychiatriques et comportementaux. « Il se retrouve abandonné de tous, sans famille pour le recueillir et lui offrir un abri. En tant que défenseure des droits de l’enfant vivant dans une société qui se dit responsable, je n’ai pas de réponse pour cela et c’est très malheureux. »
Rita Venkatasawmy invite toutes les parties prenantes, institutions gouvernementales, organisations non gouvernementales et travailleurs sociaux à réfléchir ensemble et à discuter des structures spécialisées que nos services pourraient offrir. « Il était hors de question que cet adolescent dorme une nuit de plus dans la rue. Au bout du compte, même si ce n’est pas la solution miracle, il a au moins pu se trouver un lieu où il recevra les soins appropriés », conclut-elle.
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