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Octobre rose : le combat silencieux des hommes

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Et si, cette année, à l’occasion d’Octobre rose, on tendait le micro aux hommes ? Entre méconnaissance, maladresse et peur, beaucoup se sentent démunis face au cancer du sein. Pourtant, leur regard, leur soutien et leur compréhension peuvent tout changer.

Mère et fils face au cancer : une complicité renforcée

yudish
« Ma mère était déjà dans une situation difficile. J’ai dû refouler mes émotions pour qu’elle puisse faire face à la maladie »

Le diagnostic de Soumatee Ramlochun a bouleversé sa famille. Pour son fils Yudish, alors âgé de 17 ans, cette épreuve est devenue un apprentissage sur l’amour, le soutien et la résilience. 

Le cancer est une histoire de famille pour Soumatee Ramlochun. Sa mère et ses deux sœurs en ont déjà été atteintes. C’est pour cette raison qu’elle avait pris l’habitude de faire un test de dépistage chaque année chez Link to Life. Mais rien ne prépare vraiment au diagnostic.

En 2009, lors d’un salon de la santé, une échographie révèle la présence d’une petite grosseur. Le lendemain même, elle prend rendez-vous pour une biopsie qui confirme ses craintes : elle a un cancer du sein. Le choc plonge cette femme forte d’abord dans le désespoir. 

Pour son fils Yudish, alors âgé d’environ 17 ans, le choc est d’autant plus brutal qu’il ignorait tout de cette maladie. « À cette époque, je ne savais même pas que le cancer existait », confie-t-il. Dans un premier temps, le jeune homme reste plutôt stoïque, plongé dans le flou total. « Je ne savais pas ce qu’était la maladie, donc je ne peux pas dire que cela m’a fait peur », explique-t-il. 

Ce sont ses recherches sur les réseaux sociaux et les explications des médecins qui lui ont permis de comprendre la maladie et de découvrir qu’il existe différents types de cancer. Lorsque la vérité s’est imposée à lui, lorsqu’il a compris la gravité de la situation et que le cancer pouvait être mortel, la peur de perdre sa mère l’a envahi. 

Le sentiment d’impuissance s’est intensifié lorsqu’il a appris que sa mère souffrait d’un cancer « féminin », où la tumeur pouvait se déplacer d’une partie du corps à une autre par ses racines et toucher d’autres organes. « Sa situation était plus grave qu’on le pensait et c’était une sensation d’impuissance car on ne savait pas quoi faire », confie Yudish.

Malgré l’angoisse, il fait le choix de ne pas montrer sa faiblesse. « Ma mère était déjà dans une situation difficile. J’ai dû refouler mes émotions pour qu’elle puisse faire face à la maladie », dit-il.

Dans ce moment d’épreuve, un souvenir est revenu à Soumatee : sa mère avait vécu près de vingt-cinq ans avec le cancer, et sa sœur aînée, presque trente. Ces exemples de résilience lui ont donné la force d’y croire, elle aussi. Le diagnostic ayant été posé à un stade précoce, elle a choisi de se faire opérer sans tarder. S’en sont suivies quatre séances de chimiothérapie, puis un traitement hormonal. Elle raconte avec émotion combien son époux et leur fils ont su lui redonner courage, l’accompagnant à chaque étape, de la salle d’opération aux longues heures de traitement.

Pendant qu’il préparait ses examens de fin de cycle secondaire, Yudish a découvert l’envers du décor des traitements et leurs effets secondaires importants. Il a appris que les patients atteints d’un cancer réagissent différemment : leur ton de voix et leur humeur changent. « J’ai dû m’adapter à ces changements », raconte-t-il. Sa mère avait des oublis et il fallait lui répéter les choses. Cette période lui a enseigné la patience et l’importance de choisir ses mots avec soin pour ne pas la blesser par des propos maladroits.
Le soutien du personnel médical et l’encadrement de l’ONG Link to Life, à travers divers conseils et thérapies, ont été déterminants. Yudish se réjouit que sa mère ait pu suivre son traitement dans le privé avec une prise en charge personnalisée et des médicaments adaptés pour mieux gérer les effets secondaires. 

De son côté, Soumatee est heureuse d’avoir pu bénéficier du soutien de son époux et de leur fils. « Le soutien familial joue un grand rôle pour la guérison », affirme-t-elle. Aujourd’hui, Soumatee mène une vie presque normale, tout en continuant à bénéficier du soutien de Link to Life. Elle a adopté une hygiène de vie plus saine et pratique régulièrement la marche et la natation. Cette épreuve lui a ouvert les yeux : il est essentiel, dit-elle, de profiter de la vie et de prendre soin de soi, plutôt que de se consacrer uniquement au travail en oubliant son propre bien-être.

Cette épreuve a également transformé la relation mère-fils. « Mon regard sur ma mère n’a pas changé. Ma relation avec ma mère s’est grandement renforcée et nous avons développé une grande complicité », explique Yudish. Désormais, il prend au sérieux chaque symptôme. Là où il aurait dit auparavant qu’une simple courbature passerait, il sait maintenant qu’une petite grosseur peut s’avérer être un cancer et que des vomissements peuvent cacher quelque chose de plus grave qu’une fièvre.

Au fil du temps, Yudish a appris comment accompagner un malade et s’adresser à lui sans heurter sa susceptibilité. Il reconnaît que certains malades se sentent délaissés par leurs enfants, mais dans leur cas, c’est tout le contraire. « Il y a plus de soutien et de compréhension entre nous », dit-il.

Cette expérience a également changé le regard de Yudish sur la maladie. Il a découvert qu’il existe des maladies dont on ignore parfois la gravité, comme le cancer, le diabète ou l’hypertension artérielle. En ce qui concerne le cancer du sein, il est d’avis que la féminité est affectée et que la maladie est plus complexe sur les plans médical et mental. 

Sa vision de la vie a également évolué. « Au bout de quelques mois à la suite de la maladie de ma mère, j’ai pris conscience que la vie est courte et qu’il faut la vivre au maximum en faisant attention à sa santé », affirme Yudish. 

Soumatee plaide pour le dépistage précoce, car c’est ce qui l’a aidée et lui a permis de bénéficier d’une prise en charge rapide avec un traitement moins lourd. Son fils partage cette conviction et va plus loin en prônant une hygiène de vie saine : éviter le tabagisme, l’abus d’alcool et limiter la consommation de fast-food.

Yudish estime également que les hommes devraient davantage être sensibilisés au cancer du sein, car cette maladie peut aussi les toucher et concerner leur sœur, mère, épouse, cousine ou belle-sœur. « Tout le monde en général devrait prendre conscience de la maladie, y compris les enfants, pour qui cela ne devrait pas être un sujet tabou afin de pouvoir prendre les précautions qu'il faut et procéder à des dépistages précoces », insiste-t-il.

Jean : « Je me suis souvent senti impuissant... »

D’autres familles, à travers l’île, partagent des expériences similaires : accompagner un proche face à la maladie transforme autant le patient que l’entourage. Sous le couvert de l’anonymat, Jean, 42 ans, accepte de raconter un pan de sa vie depuis que son épouse Claire, 39 ans, a été diagnostiquée d’un cancer du sein de stade 2. Derrière ce prénom d’emprunt se cache un homme ordinaire, mari aimant, père attentionné, mais désormais compagnon d’une bataille qui n’épargne ni le corps ni l’âme.

« Quand le médecin a prononcé le mot cancer, j’ai senti le sol se dérober sous mes pieds. J’étais là, assis à côté d’elle, et tout s’est mis à tourner. On ne pense plus à rien. On n’entend plus rien. C’est un mot qui fait peur, un mot qui change tout », raconte-t-il d’une voix posée mais lourde d’émotion.

Depuis ce jour, la vie de Jean et Claire a basculé. Entre les rendez-vous médicaux, les traitements de chimiothérapie et les moments d’épuisement, le couple réapprend à vivre dans un temps suspendu. « Avant, nos journées étaient pleines de projets, de petites disputes, de routines. Aujourd’hui, chaque jour est une victoire. Un sourire, un repas partagé, une promenade dans le jardin… on redécouvre des joies simples. »

Les premiers mois ont été une épreuve. Voir Claire perdre ses cheveux, subir les effets secondaires, lutter contre la fatigue et la peur du lendemain a profondément marqué Jean. « Je me suis souvent senti impuissant. On voudrait tout prendre à sa place, absorber la douleur, mais on ne peut pas. Alors on apprend à être là, à écouter, à soutenir sans toujours parler. »

Il y a des nuits où je pleure en silence. J’ai peur. Peur qu’elle souffre, peur de la perdre. Mais je ne lui montre pas.»

La maladie a bouleversé l’équilibre du couple. Jean jongle désormais entre son travail, les enfants et la maison. « J’ai appris à cuisiner, à faire la lessive, à emmener les enfants à l’école. Ce sont des choses simples, mais elles prennent une autre dimension quand on les fait par amour. »

Avec leurs deux enfants de 8 et 11 ans, Jean et Claire ont fait le choix de la transparence. « On a choisi de leur dire la vérité, mais sans dramatiser. Ils savent que maman est malade, qu’elle suit un traitement. On transforme tout cela en leçon de courage : maman se bat, et nous, on l’accompagne. »

Jean porte aussi un fardeau invisible. « On veut être fort pour elle, mais parfois, c’est difficile. Il y a des nuits où je pleure en silence. J’ai peur. Peur qu’elle souffre, peur de la perdre. Mais je ne lui montre pas. Elle a besoin de force, pas de larmes. »

Malgré la douleur, quelque chose de précieux s’est reconstruit entre eux. « On se parle davantage. On s’écoute. On se dit je t’aime plus souvent. Avant, on croyait avoir le temps. Maintenant, chaque instant compte. »

Claire poursuit aujourd’hui ses traitements avec courage, tandis que Jean reste son pilier, son ombre douce, son soutien silencieux. « Le cancer a bouleversé nos vies, mais il nous a aussi rapprochés. Cette épreuve m’a appris la valeur du présent. Même dans la peur, il y a de l’amour. Et tant qu’il y a de l’amour, il y a de l’espoir. »

Jayraj : « J’avais beaucoup de peine, mais je devais la protéger »

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Jayraj et Asha Hauroo témoignent d’une relation renforcée depuis le diagnostic.

Dans le Nord de l’île, Jayraj Hauroo, 67 ans, et son épouse Asha, 57 ans, menaient une vie paisible de retraités jusqu’à ce qu’un geste quotidien bouleverse tout. « C’est en palpant le sein de ma femme que j’ai eu un doute, confie Jayraj. Quelque chose n’allait pas. J’ai immédiatement contacté son gynécologue. Le verdict est tombé peu après : cancer du sein, stade 3. On a senti le monde s’écrouler autour de nous. »

Le choc est brutal, la douleur immense. Mais très vite, la famille se resserre. « Dès le début du traitement, notre lien s’est renforcé, raconte-t-il. Mon fils et moi avons décidé d’accompagner Asha à chaque étape de ce long parcours. Nous étions prêts à affronter cette épreuve, ensemble. »

Pour Jayraj, la force ne se trouve pas seulement dans les traitements médicaux, mais dans la présence, le dialogue, la prière et la patience. « Nous avons beaucoup parlé, échangé sans tabou. Nous nous préparions à toute éventualité, le meilleur comme le pire », explique-t-il.

Un moment reste gravé dans sa mémoire : la détermination d’Asha face à la maladie. « Dès qu’elle a appris les pires nouvelles, elle a affirmé qu’elle se battrait jusqu’au bout. Elle a été incroyablement forte, tout au long de l’épreuve. »

Jayraj a dû apprendre à gérer ses propres émotions pour rester le roc dont Asha avait besoin. « J’avais beaucoup de peine, mais je devais la protéger. Je lui répétais sans cesse que nous gagnerions cette bataille ensemble. Et si jamais l’irréparable devait arriver, nous l’accepterions avec dignité. »

Le parcours est semé d’embûches et de moments de doute. « Le plus difficile a été de la convaincre de continuer, surtout lorsqu’on apprenait que d’autres patients, suivant le même traitement, décédaient subitement. Elle craignait d’être la prochaine. Il a fallu douceur et patience pour la rassurer. »

Aujourd’hui, Jayraj mesure la puissance de l’union familiale. « Ce qui nous a permis de tenir, c’est ce soutien mutuel – celui de mon fils et le mien. Être présents, unis et solidaires a rendu l’épreuve plus supportable. »

Son message est porteur d’espoir : face au cancer, l’espoir, la persévérance et l’amour sont les plus puissants remèdes.

 

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