Entre la compagnie sise à Petite Rivière et sa directrice Roshnee Bhurtun existe un cordon ombilical impossible à couper tant l’une dépend de l’autre, surtout dans un environnement de plus en plus compétitif et difficile pour les petites et moyennes entreprises exportatrices et engagées dans le prêt-à-porter.
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Les vents favorables ont changé de direction. Les gros clients ont cédé la place à une kyrielle de petits et moyens. Ces clients, achetant divers types de produits de l’habillement, sont plus exigeants qu’hier et moins que demain. S’adapter ou périr. L’adage n’a jamais eu autant de signification qu’aujourd’hui pour Oceantex Limited, usine employant 125 personnes (Mauriciens et Bangladais).
Afin d’assurer la continuité des opérations, l’usine a changé de stratégie, explique Roshnee Bhurtun, 35 ans, directrice et fondatrice d’Oceantex Limited. Il s’agit aujourd’hui d’ajuster la ligne de production aux petites commandes. Car telle est le profil de la demande internationale. Adieu à la production de 10,000 unités. Bienvenue à la fabrication de 2,000 unités se déclinant en coloris et tailles divers. Le produit offert aux clients comprend désormais le design, le choix du tissu et la fabrication. Auparavant, la fabrication se faisait à partir des esquisses et mensurations envoyées par ces mêmes clients.
« Les affaires sont très difficiles comparées à l’année précédente. Les commandes vont davantage vers l’Afrique du Sud depuis 2016. Le rand, en dépréciation, est plus compétitif aux yeux des clients. La Chine offre des coûts de fabrication plus favorables. À Maurice, cependant, c’est plus élevé. Donc, la survie est difficile. Les marges continuent à s’amenuiser », précise Roshnee Bhurtun. « Par exemple, dans des foires et salons internationaux, le pavillon mauricien est ignoré par les clients en faveur de ceux du Maroc et de la Tunisie, par exemple. Certes, le label mauricien est synonyme de qualité. Mais le client est plus sensible au prix. »
Chute de la livre sterling
Ces propos soutiennent les données de Statistics Mauritius sur les exportations l’année dernière. La valeur des marchandises est passée à Rs 83,85 milliards contre Rs 93,29 milliards en 2015. Le textile et l’habillement ont rapporté Rs 23,63 milliards soit une baisse d’environ Rs 2 milliards selon le dernier bulletin trimestriel. Certes, des mesures se mettent en place pour soutenir l’ensemble du secteur manufacturier. Mais dans l’immédiat, avec la chute de la livre sterling, l’avenir est incertain.
Pilier historique de l’économie
Même dans une telle conjoncture, la stratégie a maintenu un volet important axé sur la qualité. Qui dit qualité aujourd’hui dit également innovation. Au lieu de concurrencer les grands fabricants locaux et les grandes usines mondiales que sont la Chine, le Bangladesh et l’Inde, l’accent est mis sur la proximité avec les clients, mieux cerner leurs demandes et celles du marché en termes de tendances. « On doit leur démontrer que nous sommes disposés à travailler en partenariat pas en tant que fournisseur uniquement. Les risques sont alors partagés », fait-elle ressortir.
Les clients sont des États-Unis, de la France, d’Afrique du Sud et de Maurice… aussi. Oceantex ne se cantonne plus dans la fabrication de vêtements pour enfants. La panoplie s’est enrichie de robes et jupes, par exemple puisque « 60 % du marché local » sont consacrés à la gente féminine. Ce faisant, l’entreprise a diversifié ses marchés, au lieu de travailler pour un ou deux clients étrangers uniquement. Si Roshi Bhurtun — native de Calebasses et ex-étudiante de la Sharma Jugdambi State Secondary School — continue à se consacrer à ce secteur, c’est parce que cette industrie lui a permis de se découvrir, de cerner en même temps et d’aimer un pilier historique de l’économie.
Passé le cap des études secondaires, Roshnee Bhurtun atterrit à l’usine RT Knits, sise à La Tour Koenig, une région où elle dit avoir fait du porte-à-porte et chercher de l’emploi. RT Knits, « une école », l’éloigne de son ambition primaire qui était de devenir informaticienne. Même si elle décroche son diplôme en informatique, elle continue d’y travailler. L’année où elle obtient son MBA en finances, elle quitte le groupe pour s’installer à son propre compte. Ainsi prend naissance Oceantex Limited – parce qu’elle aime la mer et voulait devenir une perle de l’océan.
Au début, Oceantex Limited sert d’intermédiaire entre les clients internationaux et les fabricants locaux. Sa première commande est pour un client sud-africain : 10,000 unités de survêtement. Mais en étant un intermédiaire (agent), elle dit ne pouvoir participer aux foires et bénéficier des avantages. Février 2014. Elle fait le grand saut. L’investissement s’élève à plusieurs millions de roupies, levées sous forme de crédit-bail et auprès de son proche associé.
Même si Oceantex est fournisseur pour le marché africain – grâce à l’élimination des barrières tarifaires pour les entreprises mauriciennes exportant aux États membres de la Southern African Development Community (SADC) – la direction multiplie les contacts et les exercices de marketing pour dénicher d’autres clients. Et ainsi, en février 2016, sa première cargaison de vêtements pour enfants part pour la France, ce grâce à des discussions poussées et de longue durée avec le représentant du client, où il a fallu rehausser la qualité du système opérationnel. Le client est toujours là.
Les temps sont durs. Mais sa « fascination du tissu » est suffisante pour garder Oceantex à flots…
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