Nouvel An - Pétards : Maurice prépare un réveillon sonore et coloré
Par
Ruquyya Kurreembokus
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Ruquyya Kurreembokus
À Maurice, la fin de l’année ne se murmure pas : elle éclate. Ce sont les pétards qui prennent la parole, claquent, sifflent, explosent, comme pour chasser le malheur et convoquer l’espoir d’un nouveau départ.
Dans les rues de Port-Louis, la tradition est intacte. Rue Farquhar, épicentre de cette effervescence sonore, les étals débordent de couleurs vives, de mèches entortillées et de paquets soigneusement empilés. Ici, la fin d’année se prépare dans un mélange de bruit, de nostalgie et de prudence.
Derrière une grande table chargée de cartons multicolores, Yogesh Beedassy est à la manœuvre. Regard vigilant, gestes précis, il écoule ses pétards comme on transmet un héritage.
« Les gens viennent chaque année. Ils veulent garder la tradition vivante. Nous avons baissé le prix des pétards cette année. Plusieurs promotions sont en cours, par exemple pour le rouleau 5000, le prix est passé de Rs 600 à Rs 400 », confie-t-il.
Des petites mèches à Rs 10 aux pétards plus imposants pouvant atteindre Rs 1 000, l’offre est large. « Il y en a pour tous les budgets. Certains prennent juste un paquet symbolique, pour faire sonner la nouvelle année », indique-t-il.
À ses côtés, Manish, son assistant, partage cette conviction ancrée dans l’imaginaire collectif : « Sans pétards, ce n’est pas vraiment le Nouvel An. Le bruit, c’est important. Ça chasse le mauvais sort, ça annonce que quelque chose de nouveau commence. »
Pour beaucoup de Mauriciens, ces détonations sont bien plus qu’un simple divertissement. Elles marquent une rupture, un passage. Une manière sonore de tourner la page. Pourtant, l’euphorie est aujourd’hui tempérée par une réalité plus sobre : celle du coût de la vie. Les commerçants le constatent tous : la clientèle est plus prudente. Les achats sont réfléchis, mesurés. Les clients comparent, négocient, choisissent l’essentiel. « Avant, certains prenaient des cartons entiers. Aujourd’hui, ils prennent quelques pièces, juste pour respecter la tradition », observent les commerçants.
Dans la foule, des clients confirment. « On fait attention. On prend pour les enfants, mais raisonnablement », explique un père de famille, tenant un petit sachet à la main. Un autre ajoute : « Pas plus de Rs 1 000 pour l’achat des pétards, cette année. »
Mais derrière la magie sonore et lumineuse, une autre réalité s’impose : celle des risques. Chaque année, les services d’urgence sont mobilisés. Brûlures, blessures aux mains, départs de feu : les accidents liés aux pétards ne sont pas rares. « Les pétards doivent être manipulés avec précaution. Il faut surtout choisir ceux qui comportent des instructions claires, en bon état. Les enfants doivent être sous la supervision des adultes. Optez pour un long bâton d'encens pour allumer les pétards », rappelle Dowluth Mansingh, Station Fire Officer au Quartier général des sapeurs-pompiers.
Le responsable précise que plus de 250 sapeurs-pompiers sont sur le qui-vive pour le réveillon et se tiennent prêts à intervenir, surtout aux abords des plages où le ciel s’illuminera.
À l’approche du compte à rebours, les autorités appellent donc à la responsabilité collective. Car célébrer ne signifie pas oublier la prudence.