Trois observateurs politiques ont été invités à décortiquer la nomination des nouveaux ministres et PPS. Ils mettent tous en avant le fait que le Muvman Liberater a été mis à l’écart.
«Tout remaniement ministériel repose sur une question de dosage. C’est ainsi que fonctionne le système et nous ne pouvons rien y faire », avance l’observateur politique Jocelyn Chan Low. Selon lui, « il existe un système de représentativité symbolique qui doit être rigoureusement respecté lors de lattribution des portefeuilles ministériels ». C’est un élément fondamental qui, ajoute Jocelyn Chan Low, ne doit pas être négligé.
« Dorine Chukowry est une députée de la circonscription n°1 (GRNO/Port-Louis Ouest) tandis qu’Anjiv Ramdhany provient du n°6 (Grand-Baie/Poudre-D’or). Nous faisons face à deux circonscriptions différentes à tous égards, c’est pourquoi chaque communauté doit être représentée au Cabinet pour maintenir l’équilibre », explique Jocelyn Chan Low.
De son côté, l’observateur Faizal Jeerooburkhan de Think Mauritius fait remarquer que l’exercice de remaniement a été réalisé « très rapidement, vu la rapidité et le timing ». Ainsi, pour lui, cela démontrerait que « quelque chose était en train de se tramer en coulisses ». Il parle d’un « exercice futile visant à détourner l’attention du public des scandales du jour ».
De plus, ajoute-t-il, ce remaniement ministériel aurait pour objectif de « tenir des promesses faites à certaines personnes, surtout les transfuges, avant la tenue des élections générales de 2019 ». « Il fallait à tout prix tenir parole », déclare-t-il. Et de faire ressortir l’appui de certaines « forces occultes et autres organisations socioculturelles ».
Dans le cas de Dorine Chukowry, l’observateur estime d’ailleurs qu’il s’agit d’une promesse qui a été honorée.
« Dorine Chukowry est l’ancienne lord-mairesse issue du MMM, donc une transfuge. Je ne peux rien vous dire concernant le Dr Anjiv Ramdhany. Mais il semblerait que certaines forces et autres regroupements ont fait pression. »
Toujours est-il, avance Faizal Jeerooburkhan, qu’« un remaniement ministériel était tant attendu car certains ministres occupaient plusieurs portefeuilles. Cet exercice est visiblement un moyen de réduire les responsabilités sur le dos de certains pour ensuite donner un peu d’espoir aux autres ». Il ne pense toutefois pas que ce remaniement ministériel « aura un impact sur la gestion du pays et sur l’économie ».
Le ML sur la touche
De son côté, Jack Bizlall est d’avis que « toute nomination ministérielle repose sur un rapport de force à l’intérieur des partis, de l’alliance et au sein du gouvernement ». Souvent, précise-t-il, cela se fait dans le contexte du choix des candidats pour les prochaines élections générales. Une autre raison évoquée par Jack Bizlall est « l’élimination » des ministres impopulaires au sein du gouvernement ou de ceux qui ne peuvent pas assumer correctement leurs responsabilités ministérielles.
Tout s’est enchaîné à la suite de la démission de l’ex-PPS Rajanah Dhaliah, concède Jocelyn Chan Low. « Cependant, ce remaniement démontre clairement la faiblesse des alliés face au MSM. Pourquoi les élus du ML d’Ivan Collendavelloo et du MP d’Alan Ganoo ont-ils été devancés ? » demande-t-il.
« Le sort du ML est intrigant », acquiesce Faizal Jerooburkhan. Selon lui, le fait qu’aucun élu du ML n’était présent à la cérémonie de prestation de serment démontrerait « clairement qu’il y aurait un manque de considération de la part de la majorité ». L’observateur prévoit même de « gros problèmes à l’horizon » et affirme que « cela constitue un manque de considération envers un allié qui a été très sincère envers le MSM depuis 2014. Et ce n’est pas juste. C’est une manière de dire que le ML n’est pas indispensable ».
Selon Jack Bizlall, les trois partis en alliance avec le MSM (NdlR : la Plateforme militante de Steven Obeegadoo, le Muvman Liberater d’Ivan Collendavelloo et le Mouvement Patriotique d’Alan Ganoo) « semblent presque avoir disparu » du circuit et « n’existent pratiquement plus ». « Nous avons fortement l’impression que les membres de ces trois partis ont été largement absorbés par le MSM. Il ne serait pas surprenant de constater que le MSM se présentera aux prochaines élections générales avec Steven Obeegadoo, Alan Ganoo et Ivan Collendavelloo, qui auront peut-être déjà intégré le parti », estime Jack Bizlall.
Passage de témoin au ministère des Affaires étrangères : de Lutchmeenaraidoo à Gobin
En mars 2016, l’ancien ministre des Finances Vishnu Lutchmeenaraidoo avait été muté au ministère des Affaires étrangères à la suite de l’éclatement de l’affaire Euroloan. À la suite des élections de 2019, ce portefeuille a été confié à Nando Bodha. Cependant, après la démission de ce dernier en février 2021, le ministère a été attribué à Alan Ganoo. Depuis mercredi après-midi, c’est au tour de Maneesh Gobin d’assumer les fonctions de ministre des Affaires étrangères.
La mutation de Maneesh Gobin
Les trois observateurs politiques ont commenté la mutation de Maneesh Gobin au ministère des Affaires étrangères. « C’est évident. Maneesh Gobin a été muté aux Affaires étrangères afin qu’il n’ait plus accès aux dossiers. Mais le Premier ministre a pris le soin de remplacer Maneesh Gobin par Vikram Hurdoyal car ce ministère cible principalement les petits planteurs et les régions rurales du pays. C’est tout un système de représentativité symbolique qui a été mis en avant », fait ressortir Jocelyn Chan Low.
Pour Faizal Jeerooburkhan, « il est clair que le Premier ministre ne veut pas lâcher Maneesh Gobin car il est conscient que la situation risque de se fragiliser pour le MSM dans la circonscription n°7 ». Selon lui, « le Premier ministre est en train de ménager Maneesh Gobin un peu et il a forcément ses raisons ».
Jack Bizlall d’ajouter que Maneesh Gobin « est quelqu’un dont le MSM ne peut se débarrasser ». N’empêche que, dit-il, la mutation vers un autre ministère « permet l’oubli ».
Deux ministres au n°6 : Avinash Teeluck « ravi »
La circonscription n°6 (Grand-Baie/Poudre-d’Or) compte deux ministres depuis mercredi après-midi : le Dr Anjiv Ramdhany et Avinash Teeluck. Joint au téléphone mercredi soir, le ministre des Arts et du patrimoine culturel n’a pas caché son enthousiasme quant à la nomination de son colistier en tant que ministre. « Je suis très content. Je remercie le Premier ministre d’avoir considéré la circonscription n°6. La présence de deux ministres dans la circonscription signifie davantage de travail et d’accomplissements sur le terrain. Nous allons renforcer la dynamique qui existait déjà dans la circonscription. Nous sommes plus confiants que jamais que le gouvernement sera dignement représenté dans la circonscription », déclare-t-il.
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